Baxter ("N'obéissez jamais !")

Par Olivier Walmacq

Genre : fantastique, inclassable (interdit aux - 12 ans)
Année : 1989
Durée : 1h22

L'histoire : Un soir, alors qu'il s'assoupit au volant de sa voiture, David Vincent, architecte, est témoin de l'atterrissage d'une soucoupe volante. Depuis cette nuit-là, il n'a de cesse de convaincre ses semblables de combattre ces extraterrestres qui sous une apparence humaine infiltrent insidieusement la Terre afin de la coloniser.

La critique :

On reproche souvent (et à juste titre) au cinéma français de manquer d'insolence, d'originalité et d'outrecuidance. Pourtant, entre les années 1980 et 1990, plusieurs films français se démarquent de l'anomie générale. Tenue de Soirée (Bertrand Blier, 1986), Vibroboy (Jan Kounen, 1994), le trop méconnu 3615 Code Père Noël (René Manzor, 1990) ou encore I Love Snuff (Jean-Louis Costes, 1995) sont autant de films estampillés "cinéma français".
Vient également s'ajouter Baxter, réalisé par Jérôme Boivin en 1989. Le long-métrage est également l'adaptation d'un roman de Kim Greenhall. Le scénario du film est écrit par un certain Jacques Audiard, encore méconnu à l'époque, mais qui triomphera (bien des années plus tard) avec Un Prophète (2009) et dernièrement Deephan en 2015 (pour ne citer que ceux-là).

Les chiens au cinéma... La plupart du temps, nos canins s'accointent, lutinent et sympathisent dans des productions consensuelles et destinées au jeune public. Dans d'autres films, ils sont les nouveaux adjoints et/ou compagnons de flics à la dérive (Chien de Flic, 1989). Mais parfois, le meilleur ami de l'homme sombre dans la psychopathie, la barbarie et le meurtre.
C'est par exemple le cas de Wilderness (Michael J. Bassett, 2007), Dressé pour Tuer (Samuel Fuller, 1982) ou encore de Cujo (Lewis Teague, 1983). Indubitablement, Baxter appartient à cette dernière catégorie. En outre, difficile de répertorier cet OFNI (objet filmique non identifié) dans un registre particulier. Baxter n'est pas vraiment un film d'horreur. 

Le long-métrage a une consonance fantastique bien qu'il se déroule dans notre époque moderne et contemporaine. En réalité, Baxter pourrait presque s'apparenter à une analyse sociologique sur la vie quotidienne et le comportement des êtres humains, le tout sous le regard éberlué d'un cabot. La distribution du film réunit Maxime Leroux (qui vient prêter sa voix euphonique au canin), Lise Delamare, Jean Mercure, Jacques Spiesser, Catherine Ferran et Jean-Paul Roussillon.
Attention, SPOILERS ! Baxter est un splendide Bull Terrier blanc. Ce chien a la particularité de penser et, à travers ses trois maîtres, il va se faire une opinion de l'espèce humaine. Compagnon d'une vieille dame seule, il s'ennuie et la tue. Adopté par un jeune couple, il est délaissé à la naissance de leur bébé.

Enfin, recueilli par le jeune Charles, il découvrira en lui un maître violent et morbide... Attention, on tient ici un petit chef d'oeuvre d'irrévérence du cinéma français. "Méfiez-vous du chien qui pense..." : telle est l'accroche de l'affiche du film. Le long-métrage possède un scénario et un concept en "or" (si j'ose dire). En outre, le script fonctionne de manière régressive (la vieillesse, l'âge adulte et les prémices de l'adolescence). Ainsi, le film se divise en trois parties bien distinctes. 
Dans la première, le chien est recueilli par une vieille femme au visage décati. Dans cette première section, c'est la peur qui domine. Ainsi, le film est régulièrement commenté par le canidé. Ses pensées sont à la fois archaïques et terriblement humaines : la joie, la colère et surtout cette volonté de trouver le maître ou la maîtresse qui saura se montrer à la fois attentif(ve) et implacable.

Mais c'est surtout cette tentative de soumission sur l'autre qui domine. Finalement, le maître n'est pas forcément celui que l'on croit. Et chaque section se terminera dans la mort ou dans la tentative d'assassinat. Jerôme Boivin s'infiltre dans les pensées du cabot de service et choisit de sonder la psychologie du canidé en mode autoscopique. Après la mort de la vieille dame, à priori accidentelle (mais le film émet de sérieux doutes sur la culpabilité de Baxter), le Bull Terrier est recueilli chez un jeune couple de trentenaires. La peur se transmute alors en bonheur et en joie de vivre.
C'est la seconde partie du film. Choyé et divinisé, le cabot coule des jours heureux. Mais ces moments de paix et de félicité sont bientôt contrariés par l'arrivée d'un nourrisson.

Baxter est alors prié de dormir dans le garage. Jaloux, retors et séditieux, le canidé tente de noyer le nouveau-né. Troisième et dernière section : Baxter est recueilli par Charles, un éphèbe passionné par Hitler, ses dilections avec Eva Braun et le Troisième Reich. Contre toute attente, c'est avec ce nouveau psychopathe en culotte courte que le chien va trouver son maître, celui qui ordonne, qui punit et le forme au combat. Dans chaque partie, Baxter subit et analyse toute la complexité des rapports humains.
Pour Jérôme Boivin, c'est l'occasion ou jamais de fustiger notre Humanité en déliquescence. Finalement, Baxter est surtout le reflet de nos pensées et pulsions primitives. Pensées et pulsions qui le dépassent, à l'image de ses satyriasis avec une jeune chienne. Baxter, c'est aussi ce questionnement et cette réflexion sur notre nature profonde, sauvage et animale ("N'obéissez jamais" claironne le cabot lors de sa locution finale). Si la forme élude volontairement toute effusion de sang, le fond est d'une violence inouïe. Indubitablement, Baxter est un film qui dérange, une oeuvre éminemment complexe, et qui meriterait sans doute un meilleur niveau d'analyse.

Note : 16/20

 Alice In Oliver