La Louisiane, un souvenir de France

La Louisiane, un souvenir de France

Pour la première fois, ce lundi 29 février 2016, nous avons assisté à une projection organisée par les éditions Connaissances du Monde. En présence du réalisateur Jean-Louis Mathon, un Canadien émigré en Louisiane, au fort accent québécois, mais à l’humour universel, un brin taquin avec les Français de l’Hexagone et revanchard envers ces « maudits anglais », nous avons passé un moment inattendu et singulier mais très plaisant avec La Louisiane, un souvenir de France. Retour sur ce reportage pas comme les autres.

En 1682, Cavalier de la Salle explore le Mississippi de sa source au nord du Minnesota jusqu’à son embouchure. Ils baptisent toutes les terres alentours Louisiane en l’honneur de Louis XIV et les annexent en son nom. Jusqu’à Napoléon, c’est près d’un tiers des États-Unis actuelle qui demeurent français. Celui-là vend les terres françaises, difficile à administrée, pour une bouchée de pain dans l’espoir de financer ses conquêtes russes. Lieux de mémoire, l’actuelle Louisiane qui entoure l’embouchure, et disparaît peu à peu sous les eaux, est la terre des Cajuns et des Acadiens. Jusque dans les années 60, l’apprentissage scolaire du français était prohibé. À l’image du Québec, sous l’influence de George Pompidou, c’est une véritable volonté politique qui l’a réhabilité et a rendu obligatoire un parcours de deux ans minimum.

À proprement parler, La Louisiane, un souvenir de France, n’est pas un documentaire au sens où on l’entend traditionnellement. C’est-à-dire construit autour d’une trame et d’une narration qui lui est intégré. En réalité, et cela désarçonnerait si le réalisateur n’était pas là pour donner le change, le documentaire en lui-même n’a aucune voix-off, se contentant d’enchaîner sans transition des scènes filmées de la vie locale et des panoramas paysagers. Ceux-ci sont entrecoupés d’intervention diverses d’autochtones que l’on ne présente pas et à que l’on interroge pas non plus, qui semble se livrer eux-mêmes à un périlleux exercice d’improvisation face à la caméra. C’est en fait Jean-Louis Mathon lui-même qui s’occupe de commenter les images projetées et de présenter les protagonistes qui, on le comprend vite, sont tous des amis du metteur en scène. C’est ainsi que la forme abrupte du documentaire devient finalement un atout indéniable puisque Mathon nous prend par la main pour nous amener, dans une véritable croisière amoureuse, découvrir ce pays qu’il chérit tend. Avec beaucoup de malice, et une tendresse sincère pour son sujet, ils nous emmènent sur les bords du Mississippi, nous conte l’histoire centenaire de sa contrée, vante sa gastronomie (c’est d’ailleurs ses sœurs jumelles qui nous présente une recette typique de la Louisiane, le Jambalaya), fait l’éloge du melting-pot qui préside à la richesse culturelle de l’État, rappelant comment les Acadiens furent déportés par les Anglais et comment certaines tribus indiennes autochtones ne sont toujours pas reconnu par l’État américain et vive, sans papiers, avec les descendants des français, dans le bayou.

La Louisiane, un souvenir français est toujours accompagné d’un fond sonore jazzy, que l’on s’y ballade dans le bayou, ou au bord du fleuve ou dans les rue de Lafayette, capitale de la culture francophone. Dans les bars et les restaurants, toujours équipé d’une salle de danse, toutes les ethnies se retrouvent pour danser sur des rythmes métissés. Mathon regrette que la ville s’embourgeoise, abandonnée après Katerina, par les populations noires, passant de près de 650.000 habitants à 250.000 âmes. Avec cet exode, dont l’administration Bush est la principale responsable, c’est le cœur de la ville qui s’est tue à travers la disparition d’un grand nombre de Jazz Band. On a d’ailleurs appris que le Jazz est né dans les maisons de plaisir où les plus grands noms se produisait avant de faire carrière. En dialecte africain, devenu argot de la population noire-américaine, « Jass » signifiait l’acte sexuel. A contrario, tout en mettant des bémols, il reconnait l’efficacité de Barack Obama pour avoir fait plier et payer BP après la terrible marée noire qui a ravagé les eaux territoriales de la Louisiane en février 2013. Pour conclure ce voyage incroyable de sensations, la dernière escale est donc forcément la nouvelle-Orléans. Mathon nous exhorte, si l’on en a l’occasion, de passer quelques heures dans une église, le samedi soir, pour assister à une messe en Gospel et de ne pas rater l’occasion de flaner dans le quartier français qui regorge de boîtes de Jazz. C’est noté.

Expérience surprise, La Louisiane, un souvenir de France fut une très belle soirée, à la fois émouvante et drôle. L’invitation au voyage a admirablement bien fonctionné. Je réserve mes billets. D’autant plus que chez l’auteur, qui est maison d’hôte, on ne pourra qu’être bien reçu.

Boeringer Rémy

Retrouvez ici la bande-annonce :