Lors des deux articles précédents
LA FICTION (1)
LA FICTION (2),
nous avons abordé les éléments constitutifs d’une fiction et en particulier l’exposition (au cours du premier acte).
Abordons maintenant le second acte et la fin de votre histoire.
Le second acte
Le second acte est de loin le plus difficile et ce milieu de votre histoire revêt une importance aussi capitale que votre exposition. Ce qui s’avérait problèmatique au cours de celle-ci va prendre de plus en plus d’ampleur (en termes de difficultés pour le personnage principal) jusqu’au point où un climax est nécessaire à travers les choix du personnage et les actions qu’il aura pris pour en arriver à ce moment.
Plus que jamais dans cet acte Deux, nous assistons à une progression essentielle d’événements qui surviennent à un héros en quête d’un objectif précis.
Si l’on examine de plus près cette définition de David Mamet, on peut retenir que ce qui n’est pas essentiel à la progression de l’histoire doit être supprimé du scénario.
Si le héros de votre fiction a plus d’un objectif, il va vous falloir choisir parmi ceux-ci l’objectif pour lequel votre protagoniste a suffisamment de motivation pour aller jusqu’au bout. Faites de même pour le personnage central de votre intrigue secondaire, le cas échéant.
Probablement, l’un des meilleurs conseils que l’on puisse donner si vous hésitez devant votre acte Deux est d’imaginer, avant de vous lancer dans l’écriture de l’acte Deux de votre fiction, la fin de celle-ci.
Comment se termine votre histoire ?
Quelle est la meilleure conclusion à laquelle mon personnage principal puisse arriver ?
Et la pire ?
Ou la plus folle ?
Maintenant, il vous reste à déterminer les événements qui se dérouleront entre la fin du début et le début de la fin (nommément entre la fin de l’acte Un et le début de l’acte Trois).
Le début de votre fiction s’achève parce qu’un événement, une révélation, une prise de conscience s’est produit dans la vie de votre héros et le milieu de votre histoire germera de cet événement.
De même, le début de la fin peut être déterminé parce que quelque chose s’est produit au cours de l’acte Deux qui a mis un terme à celui-ci.
Interrogez-vous : Qu’est-ce que c’était ? Où cela s’est-il passé ? Qui était présent ? Qu’a ressenti votre personnage principal ? Comment se sent-il maintenant que cet événement a eu lieu ?
L’acte Un établit souvent une décision ou une voie à suivre pour l’acte Deux. Un personnage peut prendre la décision d’aller faire du canoé kayak alors qu’on le prévient qu’il y a un risque de crue mais il prend tout de même la décision d’y aller parce que cette activité le passionne, qu’il ne veut perdre une minute à attendre un hypothétique orage et tout l’acte Deux décrira alors ce voyage dans la tourmente annoncée.
Un autre conseil utile : écrivez. C’est en écrivant que vous découvrirez les problèmes et les résolverez, que ces problèmes soient structurels, motivationnels ou existentiels. Ne cherchez pas (avant plusieurs réécritures du moins) à savoir si ce que vous écrivez est bon ou pas, juste écrivez, libérez votre muse et même si vous aboutissez à un marécage chaotique, vous aurez au moins une forme émergée du substrat sans substance de la page blanche.
La causalité est un principe fondamental en fiction. Vous devez vous livrer à une véritable étiologie de vos événements. Un événement n’est pas le fruit d’un hasard, il prend sa source dans un événement antérieur.
L’incident déclencheur au cours du premier acte est le seul qui puisse éventuellement supporter une coïncidence, un hasard qui sera accepté par le lecteur. Mais le deus ex machina n’est généralement pas le bienvenue. Décisions et événements causent de nouvelles décisions et de nouveaux événements.
Ainsi, les complications qui ont été mises en place dans l’acte Un se répercutent (ce sont leurs conséquences) dans le milieu de votre histoire (c’est-à-dire l’intrigue) et c’est au cours de ce milieu que vous établissez les éléments qui permettront la résolution de votre fiction dans l’acte Trois.
Sur un plan structurel, l’acte Deux se décompose en un début, un milieu et une fin. C’est en fin de compte un motif récurrent qui se positionne à tous niveaux de votre fiction : scène, séquence, acte.
Concernant l’intrigue, on peut raisonnablement penser qu’un événement a mis en place l’action, que celle-ci a mené à une sorte de crise majeure pour le personnage (au point où il considère lui-même que tout est perdu) et cette crise, qui induit une prise de conscience, permet à un personnage de fouiller ses propres tréfonds puis d’aboutir à un climax.
Reprenons notre canoé kayak. La montée des eaux (puisque l’antagoniste est la nature) a élévé à leur paroxysme les enjeux pour le personnage principal (c’est dorénavant une question de vie ou de mort).
Mais cela ne s’est pas fait brutalement. Il y a eu plusieurs alertes, plusieurs indices qui auraient pu permettre au héros d’abandonner l’aventure, de renoncer à son projet. Mais sa volonté incoercible de remonter la rivière (après tout, c’est son objectif) a insufflé une montée en puissance qui a aboutit à une crise (la crise signifie qu’on ne peut aller plus haut dans l’histoire).
Le climax qui est alors l’ultime confrontation du héros avec les éléments qu’il a décidé d’affronter depuis le début de son aventure dépeint les conséquences des décisions qu’il a prises jusqu’à maintenant.
Le milieu de votre fiction illustre des complications progressives, des perturbations que votre héros a de plus en plus de mal à appréhender et à surmonter (lorsqu’il y arrive). C’est comme si vous enfonciez le clou de sa désespérance au fur et à mesure que votre intrigue progresse. Toutes ces complications (qui doivent pourtant rester crédibles) servent à rendre légitime la crise dans laquelle votre personnage va plonger. Cette crise est l’élément dramatique qui justifiera alors le climax. Comment en effet expliquer le climax si vous n’avez pas préalablement démontré toute la pression qu’a subi votre héros ? Comment justifier cette confrontation finale si vous n’avez pas décrit les enjeux, les galères par lesquels est passé votre personnage ?
Dans Sideways de Alexander Payne et Jim Taylor, Miles doit vaincre d’abord ses propres problèmes s’il veut emporter l’amour de Maya.
Dire qu’une fiction se déplace d’un point A à un point B est vrai. Il y a effectivement une énergie, des forces, un mouvement qui mène d’un point A à un point B – vu d’en haut !
Mais concrètement ?
Pour répondre à cette problématique de la page blanche, posez-vous quelques questions :
- Lorsque son histoire débute, quel est le système de valeurs, de croyances, de morale de votre protagoniste ?
- Comment pouvez-vous rendre l’exact opposé à la fin de l’aventure de ce qui détermine ainsi la psyché de votre personnage au début de celle-ci ?
Ou bien un questionnement inverse :
- Quelle est la valeur qui a le plus d’importance pour votre protagoniste au début de l’histoire ?
- Comment puis-je faire pour qu’il détruise cette valeur ?
Sachant qu’une faille dans la personnalité de votre héros favorisera cette autodestruction.
L’idée consiste donc à inverser des valeurs entre l’acte Un et l’acte Trois. Le processus d’inversion prenant place dans l’acte Deux. Il faut tout de même que ce retournement se présente comme une issue normale de la situation, une conséquence logique voire organique de l’histoire. Cette inversion de polarité de valeurs (voir Story Values de Robert McKee) pourrait être même ce dont parle l’histoire.
La fin de votre histoire
Notons immédiatement une différence évidente entre le court-métrage (45 minutes maximum) et le long-métrage de 90 ou 120 minutes. La distance qui sépare le début de votre histoire de son acte Trois est plus courte dans un cas que dans l’autre. Autrement dit, le court-métrage serait davantage orienté sur sa conclusion, davantage affecté par la résolution de l’histoire que ne le serait un long métrage qui se contenterait en quelque sorte de montrer dans sa conclusion un nouvel équilibre de vie pour un héros devenu meilleur à travers les épreuves et les obstacles décrits dans l’acte Deux.
Quoiqu’il en soit, posez-vous ces quelques questions concernant la fin de votre histoire (bien souvent connaître la fin d’une fiction est un avantage pour en écrire l’intrigue).
- Quelle est la dernière action que verra votre lecteur ou votre spectateur ? (nous pensons toujours au lecteur d’un scénario donc il est censé voir les choses et non pas entendre les pensées intimes d’un pesonnage, par exemple).
- Comment cette dernière action renforce, souligne le thème de votre histoire ?
A lire :
LA FICTION (1)
LA FICTION (2)