Nouvelle Cuisine (Raviolis de jouvence)

Par Olivier Walmacq

Genre : horreur (interdit aux - 16 ans)
Année : 2006
Durée : 1h31

L'histoire : Ching Lee, une ancienne star approchant la quarantaine, est décidée à retrouver sa beauté d'antan pour reconquérir son infidèle mari. Elle s'adresse alors à Mei, une cuisinière charismatique qui a pour spécialité les jiaozi, raviolis à la vapeur typiques de la cuisine chinoise. Vendus à prix d'or, les jiaozi de Mei, à l'étrange éclat rosâtre, sont réputés pour leurs vertus rajeunissantes. Ching, prête à tout pour retrouver sa jeunesse, ne se soucie guère de connaître les ingrédients de la recette secrète de Mei. Quitte à en payer le prix fort plus tard.

La critique :

Depuis ses débuts dans le cinéma hongkongais, Fruit Chan s'est toujours passionné et investi pour le cinéma indépendant. Dans les années 1990, il entame sa première trilogie sur le thème de la rétrocession à Hong-Kong à la Chine (Made In Hong-Kong, The Longest Summer et Little Cheung). Fort de ce petit succès (assez discret tout de même), Fruit Chan revient au début des années 2000 avec une seconde trilogie, cette fois-ci sur le thème de la prostitution (Durian Durian, Hollywood Hong-Kong et Public Toilet). Enfin, en 2004, il participe à une troisième trilogie, intitulé Trois Extrêmes.
Le film Nouvelle Cuisine lui apporte enfin la consécration et sera suivi par La Boîte (Takashi Miike) et Coupez ! (Park Chan-Wook), sortis la même année.

Grâce à Nouvelle Cuisine, Fruit Chan appartient désormais à la catégorie de ces réalisateurs asiatiques notoires et capables de s'exporter en dehors de leurs frontières. Le long-métrage remporte plusieurs récompenses : meilleur scénario, meilleur film, meilleure photographie et meilleure direction artistique. La distribution du film réunit Miriam Yeung, Bai Ling (qui recevra le prix du meilleur second rôle féminin) et Tony Leung Ka-Fai. En outre, Nouvelle Cuisine n'appartient à aucun registre particulier.
Le long-métrage est un mélange assez hétéroclite entre plusieurs registres : l'horreur, la comédie noire et amère, une satire de notre société consumériste et un thriller à couteaux tirés (c'est le cas de le dire !). Attention, SPOILERS ! 
Ching Li, une star riche d'une quarantaine d'années, a grande envie de ranimer la passion de son mari, qui la trompe.

Pour restaurer son apparence, elle trouve l'aide de Tante Mei, une cuisinière de l'endroit. Mei fait cuire quelques-uns de ses raviolis spéciaux, à base de fœtus humains, qu'elle prétend souverains pour faire rajeunir. Par la suite, Ching Li vient fréquemment chez Tante Mei pour en manger. Les effets rajeunissants des raviolis sont trop lents au goût de Ching Li, qui réclame à Tante Mei quelque chose de plus puissant. Un jour, Tante Mei, ancienne avorteuse professionnelle, exécute un avortement clandestin sur une collégienne enceinte de cinq mois et violée par son père.
Mei cuisine le fœtus dans des raviolis qu'elle sert à Ching Li, ce qui produit un effet immédiat sur sa libido. Mais au hasard d'une conversation entre Mei et son épouse, M. Li apprend que cette dernière a mangé des raviolis à base de fœtus humains.

Il rend visite à Tante Mei, en cherchant à savoir si ces raviolis permettent vraiment un rajeunissement physique. Peu après, Ching Li découvre que son mari, qui ne peut pas avoir d'enfant avec elle parce qu'elle est stérile, a engrossé sa masseuse. Ching Li convainc la jeune femme de se faire avorter et lui achète le fœtus âgé de cinq mois. Ching Li entreprend ensuite de cuisiner elle-même le fœtus.
Au moins, Nouvelle Cuisine peut se targuer de posséder un scénario original. On tient là un petit bijou d'irrévérence et d'outrecuidance. Dès les premières minutes du film, Fruit Chan a le mérite de présenter les inimitiés. 
La caméra du cinéaste se focalise sur des mets sapides soigneusement préparés par la mystérieuse Tante Mei. L'essentiel du film, surtout la première partie, se concentre sur ce personnage énigmatique, qui va dévoiler peu à peu ses mystères. 

Le physique ténu, véloce et longiligne, la jeune femme semble être âgée d'une petite trentaine d'années. Pourtant, Tante Mei arbore ses 64 printemps bien tassés. Quel est son secret ? Visiblement, ses raviolis possèdent des vertus revigorantes et aphrodisiaques. Mais cette nourriture plantureuse exige aussi des rites sacrificiels. C'est la seconde partie de Nouvelle Cuisine. Dès lors, le film abandonne quelque peu le personnage de Tante Mei pour se focaliser sur Ching Li, une star vieillissante, qui ne parvient plus à séduire son mari infidèle.
Pour le reconquérir, Ching Li est prête à dévorer les raviolis de "jouvence" (si j'ose dire...) cuisinés avec amour par Tante Mei. Mais un tel pouvoir a un prix, pas seulement pécunier. La tension monte alors crescendo jusque l'inexorable.

Les vertus thérapeutiques des raviolis se situent dans nos racines embryonnaires, quelque part entre le foetus et le placenta. Parallèlement à ses activités culinaires, Tante Mei pratique des avortements illégaux et récupère les dépouilles faméliques et embryonnaires. Tel est le secret de ses raviolis aux vertus à priori médicinales... Désolé d'avoir révélé ainsi les grandes lignes d'un scénario à la fois retors et un brin fuligineux. Certes, Fruit Chan se montre particulièrement désinvolte et corrosif. 
Pourtant, difficile d'être réellement surpris par ce twist final. Très vite, par la juxtaposition de menus détails, le spectateur est amené à opter pour le cannibalisme et ses corollaires. Mais l'essentiel ou plutôt l'intérêt de Nouvelle Cuisine ne réside pas vraiment dans ce fameux twist, plus ou moins attendu ou convenu (vous choisirez), mais davantage dans sa diatribe d'une société consumériste. 
Fruit Chan choisit de construire une histoire en (quasi) huis clos. La plupart des séquences se déroulent dans des appartements ou des chambres exigus. Ou alors en cuisine où le couteau aiguisé de Tante Mei tranche des légumes onctueux, mais parfumés de chair humaine. Triste constat d'individus nombrilistes, égotistes et désormais repliés sur eux-même.
Le capitalisme vient d'achever sa nouvelle égérie du super consummateur.

Note : 15/20

Alice In Oliver