Xero (Des femmes avec des femmes)

Par Olivier Walmacq

Genre : expérimental, pornographique, inclassable (interdit aux - 18 ans)
Année : 2010
Durée : 50 minutes (cut)/1h02 (uncut)

Synopsis : Un voyage sensoriel et psychothrope dans l'univers de la sexualité féminine Plusieurs jeunes femmes s'adonnent à leur plaisir intime, surveillée et châtiées par une énigmatique créature guerrière qui semble sortir tout droit d'un cauchemar.  

La critique :

Dans la série "OVNI du Septième Art", je demande Xero de Jack the Zipper. Artiste indépendant de la côte Est, ce réalisateur américain spécialisé dans le porno lesbien underground, est un véritable touche-à-tout (sans mauvais jeu de mot). Se réclamant, excusez du peu, des influences de Dali, Blacke et Kubrick, il ne se contente pas de sévir dans le cinéma expérimental alternatif, il performe également en matière de peinture et surtout de musique. Ainsi, sa boîte de production Rockfort Cabine est à l'origine de Xero, essai filmique pas réellement identifié. Par contre, impossible de savoir qui se cache derrière ce mystérieux pseudo "Jack the Zipper", hommage non dissimulé au très fameux serial killer londonien de la fin du XIXe siècle. Xero est ce que les anglophones ont coutume d'appeler un "all girl porn", c'est-à-dire une oeuvre pornographique totalement dénuée d'une présence masculine.
Des femmes avec des femmes. Certes, ce postulat peut paraître cliché et largement contributeur à alimenter les fantasmes d'un public testostéroné.

Pourtant, nous ne sommes pas ici dans l'univers classique du X. Pas du tout, même. D'ailleurs, parler de X dans le cas de ce film serait très exagéré Indéniablement, l'oeuvre de Jack the Zipper lorgne beaucoup plus du côté expérimental de Richard Kern que de celui, commercial, de Marc Dorcel... La pornographie soft (on pourrait presque parler d'un érotisme "poussé") du réalisateur est là, avant tout, pour mettre en lumière la beauté des corps et la fluidité des mouvements.
Le choix de très jeunes femmes (la plupart ayant à peine l'âge légal pour être mises en scène) n'est certainement pas gratuit puisqu'il s'agit de mettre en abîme l'innocence confrontée à l'éveil des sens, à la découverte de la luxure et au goût du fruit défendu. Tout un programme... Attention, SPOILERS ! Deux chambres, deux couples de jeunes femmes. Les deux premières sont blondes, les autres brunes. Chacune d'entre elles se livre à des jeux érotiques tout en découvrant leur sexualité. D'abord timides et hésitantes, les jeunes femmes s'enhardissent au fil des minutes, à la recherche d'une jouissance intime toujours plus épanouie.

Cependant, une créature mystérieuse rôde quelque part entre les deux lieux de débauche. Elle semble surgir de nulle part, vêtue d'une combinaison de cuir intégral, d'une casquette militaire et d'un masque à gaz, afin de punir les pécheresses par des châtiments corporels et en pratiquant sur elles, le vampirisme. Que veut-elle ? Que représente-t-elle ? Le remord, la culpabilité, l'expiation inéluctable après l'acte de chair ? Un peu de tout cela à la fois. Adepte du porno-alternatif, le réalisateur ne s'aligne pas sur les codes classiques du genre, à savoir des créatures (de blondes bimbos, en général) assoiffées de sexe, une sexualité décadente et un scénario masturbatoire à souhait.
Non, ses actrices, elles, sont tatouées, percées et souvent bardées de cuir. Un look gothique qui contraste étonnamment avec leur fragilité et la délicatesse dont elles font preuve au cours d'actes qui ne sont nullement choquants. Avec Xero, Jack the Zipper nous présente un film sexy, épuré et surprenant dans sa recherche esthétique. 

Un travail remarquable a été fait sur les couleurs et la lumière. Ainsi, le réalisateur joue-t-il avec les nuances, les contrastes et les filtres à tel point que l'on se croirait parfois dans un vidéo clip. L'ajout du kaléidoscope ne fait qu'accentuer une impression de rêve éveillé où l'on se perd délicieusement. Très bon point également pour la qualité de l'image, elle aussi superbement léchée (là aussi, sans mauvais jeu de mot). Mais proposer une oeuvre fut-elle d'une grande beauté visuelle, ne fait pas tout.
Il faut également avoir une histoire à raconter et c'est là que le bas (résille, bien sûr) blesse. En effet, durant plus d'une heure, nous n'avons pas d'autre choix que d'assister aux ébats énamourés des quatre jolies lesbiennes. Ces ballets sensuels se suivraient sans déplaisir... à petite dose. Las, le film se complaît dans ses longueurs rédhibitoires. Il n'y a que cela à voir et, à moins d'être un adolescent pré-pubère sérieusement en rut, le spectateur risque de trouver le temps long et la projection un brin lassante. Oui, point d'action hormis de langoureuses caresses et des jeux mutins qui, il est vrai, tournent parfois à l'inventive perversité.

Par exemple, lorsqu'une jeune femme affûblée d'un masque au nez démesuré se sert de cette appendice pour satisfaire sa partenaire. Restent, en point d'orgue, les apparitions furtives mais saisissantes de cette étrange créature masquée que l'on hésite à définir. Symbolique du mal, égérie d'un monde nouveau prônant unes exualité libérée des carcans plus moralisateurs ou, plus certainement, une métaphore guerrière d'un châtiment religieux qui viendrait punir les pécheresses coupables de s'être laissées aller à la débauche, à un amour contre nature ? On serait tenté de le croire au vu des sévices (soft) de flagellation et de vampirisme que la mystérieuse créature inflige à ses victimes.
En dépit de ces quelques scènes un peu violentes, fugaces et filmées en noir et blanc, Xero ne peut nullement être considéré comme un film d'horreur. La violence, elle-même, est stylisée à l'extrême par l'utilisation de ralentis et de pantomimes artistiques. A l'instar du rock'n'roll, le cinéma expérimental a lui aussi ses artistes alternatifs. Jack the Zipper en fait partie et de bien belle façon. Très loin des standards formatés de la pornographie, le réalisateur américain pratique un cinéma féérique qui parvient à nous immerger dans un monde feutré, tout en subtilité.
Xero est une oeuvre d'un genre nouveau qui révulsera autant qu'elle fascinera. Les esthètes s'extasieront devant ces symphonies corporelles d'une beauté rare tandis que les cinéphiles purs et durs hurleront à l'escroquerie devant le vide abyssal du scénario. Au final, cet ovni filmique qui risque d'en déstabiliser plus d'un, est à considérer essentiellement comme une (agréable) curiosité, comme le cinéma d'art et d'essai en délivre parfois... Sans plus. Superbe mais vain.

Note : 10/20

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