Date de sortie 24 février 2016
Réalisé par Ida Panahandeh
Avec Sareh Bayat, Pejman Bazeghi, Navid Mohammad Zadeh,
Milad HasanPour, Pouria Rahimi, Nasrin Babael
Genre Drame
Production Iranienne
Synopsis
Nahid (Sareh Bayat), jeune mère divorcée, vit seule avec son fils de 10 ans dans un petit port de la mer Caspienne et se débat pour sa survie quotidienne grâce à un petit travail de secrétariat. Elle se démène aussi pour avoir la garde de son fils au comportement difficile.
Il faut dire que le père de l'enfant, Ahmad (Navid Mohammad Zadeh),est un homme paradoxal, joueur invétéré et toxicomane irresponsable mais toujours amoureux de son ex-épouse et père aimant envers et contre tout…
Selon la tradition iranienne, la garde de l’enfant revient au père mais ce dernier a accepté de la céder à son ex-femme à condition qu'elle ne se remarie pas.
Nahid rencontre un nouvel homme, Massoud (Pejman Bazeghi) un élégant gérant d'hôtel, qui l'aime passionnément et veut l’épouser.
Massoud consent à se plier à une situation ubuesque de la loi : un mariage temporaire, qui permet aux intéressés de s'engager pour une heure ou quelques mois sans que cela soit inscrit dans les registres d’état civil !
Mais évidemment la chose va arriver jusqu'aux oreilles de l'ex-mari, d'autant que l'orgueil de Masoud supporte de plus en plus mal cette vie de secret.
Sareh Bayat
Ida Panahandeh est née en 1979 à Téhéran. Elle est diplômée en réalisation et photographie. Elle a commencé à faire des films quand elle était étudiante à l’université des arts de Téhéran, et a réalisé plusieurs courts métrages. Elle a ensuite été invitée à diriger des téléfilms pour la télévision d’état iranienne ce qui lui a valu d’être primée dans différents festivals de télévision nationaux.
En 2009, elle a été conviée à participer au programme "Talent Campus" du festival de Berlin avec son court métrage Cockscomb Flower.
En tant que réalisatrice, elle a toujours été sensible à la condition des femmes et a toujours essayé de faire évoluer le point de vue du public sur les droits des femmes à travers de nombreux documentaires, ce qui est aussi le cas avec Nahid, son premier long métrage de fiction, qui a reçu le prix de l'Avenir de la section Un certain regard au Festival de Cannes 2015.
Elle déclare : "En tant que réalisatrice, je me suis toujours intéressée à la condition des femmes en Iran, et plus largement au Moyen-Orient. Nahid est un des tous premiers films iraniens qui s’attache à décrire la condition des femmes divorcées, y compris la question du droit de garde des enfants, et les problèmes liés au mariage temporaire. À travers le portrait de Nahid, c’est le dur quotidien de ces femmes que j’ai voulu mettre en évidence. J’espère que ce film pourra faire évoluer l’image que nous avons de ces femmes, au moins d’un point de vue culturel."
Propos de la réalisatrice, Ida Panahandeh, relevés dans le dossier de prese.
Mon entrée en cinéma s’est faite lorsque j’étais étudiante en Théâtre et Cinéma à l’Université des Arts de Téhéran et que j’ai commencé à tourner des courts-métrages en 16 mm. J’étais fascinée par la dimension visuelle du cinéma. J’aspirais à pouvoir palper la pellicule et percer le secret des éclairages magnifiques des films de Tarkovski ou de Bergman. C’est pourquoi j’ai choisi en Licence de me spécialiser en Image. Puis, j’ai étudié les aspects narratif et théorique du cinéma en Maîtrise. Nahid est à la croisée des deux phases de mon apprentissage académique et de mon expérience (à travers les courts-métrages, les documentaires et les films
télévisés que j’ai réalisés).
En tant que cinéaste, mon souci majeur est toujours de trouver la forme visuelle adéquate au récit de mon film. Dès l’écriture de Nahid, je savais que le tournage aurait lieu à l’automne. L’atmosphère grise et nuageuse de la ville reflétait en effet très bien l’état intérieur des personnages, notamment de l’héroïne principale et cela enrichissait la texture visuelle du film. Les couleurs des costumes et des éléments du décor ont dû être soigneusement contrôlés afin de rester dans des tons froids et neutres permettant de faire ressortir le rouge, à la portée symbolique, d’un des éléments du récit.
Chacun des personnages, en fonction de sa personnalité, de sa façon d’être et de penser, nécessitait un style visuel propre. Le contraste entre leurs intérieurs chaleureux ou froids permettait de les caractériser. Par ailleurs, la vie tumultueuse de Nahid ne pouvait pas être filmée d’une façon unique, en plan fixe, en caméra portée ou en travelling. Il fallait au contraire une combinaison de ces styles pour rendre compte de cette atmosphère tendue.
Je dois préciser que mon objectif n’était en aucun cas de faire un film purement réaliste. Je tenais à ce que le réalisme présent dans le film soit accompagné d’une poésie latente et de touches de violence transparaissant à travers la mise en scène, certains objets, la musique, les mains de Nahid, les couleurs ou encore le son. Dès la phase d’écriture, j’étais convaincue que même si cette poésie n’était pas explicite, elle serait tout de même perçue par le spectateur.
Pendant des années, à chaque fois que mon co-scénariste, Arsalan Amiri et moi-même entreprenions l’écriture d’un scénario, nous nous retrouvions nez à nez avec un personnage de jeune femme, accompagnée de sa terreur de fils, qui voulait à tout prix se faire une place dans notre histoire. Nous réussissions tant bien que mal à nous débarrasser d’elle, allant parfois tout de même jusqu’à essayer d’écrire pour elle, sans conviction. Mais il se trouve que la mère était aussi rebelle et têtue que son fils, et elle a fini par obtenir ce qu’elle voulait. Et cette fois-ci, elle n’a pas décampé tant que son histoire ne tenait pas debout, l’écriture du scénario a duré un an et demi.
Arsalan et moi avons un point commun, nous avons grandi en l’absence de nos pères au sein de familles matriarcales et avons été témoins des luttes de nos mères pour s’imposer en tant que femmes indépendantes dans la société traditionnelle qu’était l’Iran.
Elles avaient une personnalité complètement différente des autres femmes qui avaient une vie normale.
Elles se sont efforcées, le plus sincèrement possible, d’offrir le meilleur pour leurs enfants et pour elles-mêmes. Nahid est ce genre de femmes. Peut-être rendons-nous hommage à nos mères de manière inconsciente ? Pour nous, il fallait que Nahid soit une provinciale. Nous cherchions une ville dans laquelle une jeune femme est soumise au regard des autres, et où elle n’est pas libre de faire ce qu’elle veut. Nahid avance dans la vie avec une certaine légèreté, nous ne voulions pas d’une atmosphère sociale pesante mais d’un cadre dans lequel les petits plaisirs du quotidien sont accessibles. Il nous fallait donc une ville où la population est ouverte d’esprit. C’est pourquoi nous avons choisi de nous diriger vers le Nord de l’Iran, et vers le port d’Anzali que nous connaissions bien tous les deux.
Nahid est une femme amoureuse pour la première fois, qui goûte à la joie que lui procure cet amour réciproque. Mais, confrontée à sa réalité et aux lois qui régissent la société, cette joie se transforme en souffrance. Dans les sociétés traditionnelles, une femme est valorisée en tant que mère, sa vie de femme en tant que telle est secondaire. En Iran, si une femme divorcée ayant la garde de son enfant se remarie, elle perd son droit de garde au profit du père de l’enfant. Donc, si elle souhaite avoir une relation légale sans courir ce risque, elle peut avoir recours au mariage temporaire, le "sighe". Bien que le "sighe" soit inscrit dans la loi de l’islam chiite, les Iraniens portent presque unanimement un regard très négatif sur les femmes qui y recourent. C’est une pratique taboue, considérée comme un instrument d’exploitation des femmes. Cette loi permet en effet à un homme de contracter sans limites des mariages temporaires d’une durée d’une heure à plusieurs années.
C’est pour cette raison que Nahid et Massoud, soucieux du regard des autres, se cachent de ce mariage temporaire qu’ils font passer pour définitif. Lors des cent dernières années, le monde a connu des mutations structurelles et l’Iran n’y a pas échappé. Voyant la société traditionnelle se moderniser, l’Iran vit une phase de transition.
Mais les lois, parce qu’elles sont figées, marquent un décalage avec la réalité de la société qu’elles réglementent. Cela provoque une confrontation entre les classes sociales, entre les ethnies, entre les sexes, qui deviennent malgré eux des adversaires. Dans ce film, l’ex-mari de Nahid, malgré toutes ses faiblesses, est un homme pour qui l’on ressent de l’empathie. C’est la loi qui a semé la zizanie entre ces deux individus.
Comme dans beaucoup de tragédies modernes, l’anti-héros est la société, ici les individus sont innocents. Mais ce qui reste différent, c’est la conclusion finale. Nous n’assistons pas à l’échec et au déclin de l’héroïne.
À la fin du film, Nahid entreprend un autre combat, sans penser aux conséquences de son acte.
Sareh Bayat, dans le rôle de Nahid, est une des grandes actrices du cinéma iranien, elle a reçu
l’Ours d’Argent de la meilleure actrice dans Une Séparation. Cela m’inquiétait lorsque je l’ai choisie pour ce rôle. Je ne voulais en aucun cas qu’elle soit associée à cette figure vulnérable. Le personnage ici était très différent. Une de mes tâches les plus difficiles pendant le tournage consistait à ne pas laisser Sareh adopter une posture passive et soumise. Je dois dire qu’elle était consciente de ma sensibilité à ce sujet. Je lui répétais sans cesse qu’elle devait être une louve. "Vas-y ! Attaque ! N’aie pas peur ! Réponds-lui !" Sareh a eu le courage de s’abandonner totalement à la personnalité de Nahid. C’est une actrice très puissante, souple et sensible, capable de transmettre des émotions au public à travers son regard et les expressions de son visage, sans dire un mot. Au fil des jours, elle ne cessait d’évoluer et d’apporter toujours plus de vie au personnage de Nahid
Pejman Bazeghi, dans le rôle de Massoud, est un acteur très expérimenté du cinéma iranien. Il a un répertoire très varié et a joué dans toutes sortes de productions. Cela dit, dans tous ses rôles il incarne presque toujours un beau garçon qui a toutes les femmes à ses pieds. Jouer Massoud l’enthousiasmait d’autant plus que ce profil de personnage n’était pas habituel pour lui : un homme mûr, posé, père, époux, amoureux. Pendant le tournage, son intelligence et sa finesse m’ont rendue envieuse. Il comprenait mes indications et suggestions et les appliquait dans la seconde. Il a un rapport très sensible avec ses partenaires de jeu. Il se dégage de son regard une énergie que je n’ai jamais vue chez un autre acteur. Le caractère de son personnage, modéré, légèrement traditionnel, amoureux, transparaissait dans sa démarche, dans son élocution, jusque dans la façon de ranger son bureau. Il a été extraordinaire.
Navid Mohammad Zadeh, dans le rôle d’Ahmad, est un des comédiens de théâtre les plus célèbres en Iran. C’est un grand, le voir sur une scène est une expérience inoubliable. Il a une telle énergie qu’il est capable de vous donner la pêche comme de vous mettre par terre ! Et il saisit parfaitement la différence entre le théâtre et le cinéma. Une dimension qui échappe aux spectateurs non-persanophones est que tous les personnages de Nahid parlent avec l’accent du Nord de l’Iran. Navid (tout comme Sareh) qui vient d’une autre région a pourtant réussi à acquérir une maîtrise parfaite de cet accent, en allant traîner dans les ports et les cafés, en discutant avec les marins d’Anzali juste en quelques semaines
Mon opinion
Ida Panahandeh, jeune réalisatrice iranienne, réalise avec Nahid son premier long-métrage.
Coécrit avec Arsalan Amiri, le scénario et des dialogues très bavards demandent une attention particulière. La réalisation s'attache essentiellement à suivre de la première à la dernière image le parcours de cette mère, mariée trop jeune, divorcée dix ans plus tard avec la garde, sous condition, de son fils.
Un ex-mari encombrant, un enfant sur les traces de son père, délinquant notoire, mais aussi une rencontre. Celle-ci sera l'élément déclencheur pour multiplier les problèmes et quantités de troubles dans une vie, déjà passablement mouvementée.
Concernant cette rencontre la réalisatrice déclare : "Confrontée à sa réalité et aux lois qui régissent la société, cette joie se transforme en souffrance. Dans les sociétés traditionnelles, une femme est valorisée en tant que mère, sa vie de femme en tant que telle est secondaire."
Forte tête, dépensière et indépendante Nahid souhaite par-dessus tout trouver un statut de femme libre.
Interprétée par l'excellente Sareh Bayat, déjà remarquée dans le magnifique film d'Asghar Farhadi, Une séparation, l'actrice est de toutes les scènes. Poussée par la réalisatrice qui lui demandait d'être une louve, elle rayonne dans la grisaille volontaire de la photographie qui n'est pas sans dégager une certaine nostalgie.
"À travers le portrait de Nahid, c’est le dur quotidien de ces femmes que j’ai voulu mettre en évidence. J’espère que ce film pourra faire évoluer l’image que nous avons de ces femmes, au moins d’un point de vue culturel." Déclare Ida Panahandeh.
Un souhait auquel il est difficile de ne pas adhérer.