Apocalypto (L'homme qui courait comme le jaguar)

Par Olivier Walmacq

Genre : horreur (interdit aux - 12 ans)
Année : 2006
Durée : 2h18

L'histoire : Dans les temps turbulents précédant la chute de la légendaire civilisation Maya. Jeune père porteur de grandes espérances, chef de son petit village, Patte de Jaguar vit une existence idyllique brusquement perturbée par une violente invasion. Capturé et emmené lors d'un périlleux voyage à travers la jungle pour être offert en sacrifice aux Dieux de la Cité Maya, il découvre un monde régi par la peur et l'oppression, dans lequel une fin déchirante l'attend inéluctablement. Poussé par l'amour qu'il porte à sa femme, à sa famille et à son peuple, il devra affronter ses plus grandes peurs en une tentative désespérée pour retourner chez lui et tenter de sauver ce qui lui tient le plus à coeur. 

La critique :

On ne présente plus Mel Gibson, acteur, producteur, réalisateur et scénariste américain. En tant que cinéaste, Mel Gibson signe son tout premier film, en l'occurrence un documentaire en 1991, avec Mel Gibson Goes Back To School. Avant de revenir deux ans plus tard avec L'Homme Sans Visage. En 1995, il connaît enfin son premier succès à la fois devant et derrière la caméra de Braveheart. Mais c'est en 2004 qu'il crée le scandale et la polémique avec La Passion du Christ.
Désormais, Mel Gibson joue dans la cour des "Grands", tout du moins avec ces cinéastes à la fois reconnus et morigénés par ses pairs et la presse cinéma. En 2006, il réalise Apocalypto, qui est évidemment attendu au tournant. A nouveau, le long-métrage suscite les acrimonies et les quolibets.

Apocalypto est même taxé de film à caractère xénophobe, notamment dans sa description d'une société maya brutale et despotique. Au Guatémala, le représentant officiel contre le racisme a déclaré que le film contribuait à la diabolisation de la culture indigène. D'autres critiquent le long-métrage sur sa réalité historique et viennent ergoter sur de menus détails.
D'autres encore fustigent la violence du long-métrage. A ce sujet, il est étonnant que Apocalypto soit "seulement" interdit aux moins de 12 ans. Clairement, l'interdiction aux moins de 16 ans n'aurait pas été usurpée. En outre, Mel Gibson souhaite s'éloigner des grandes productions hollywoodiennes et recherche avant tout l'authenticité. Pour le cinéaste, le terme "Apocalypto" signifie "Nouveau commencement".

En vérité, le mot provient d'un verbe grec, qui signifie "Révélation". La distribution du film ne réunit donc pas des acteurs très connus. A la rigueur, seuls Rudy Youngblood, Raoul Trujillo et Dalia Hernandez font figure d'exception. Attention, SPOILERS ! Dans les temps turbulents précédant la chute de la légendaire civilisation Maya. Jeune père porteur de grandes espérances, chef de son petit village, Patte de Jaguar vit une existence idyllique brusquement perturbée par une violente invasion.
Capturé et emmené lors d'un périlleux voyage à travers la jungle pour être offert en sacrifice aux Dieux de la Cité Maya, il découvre un monde régi par la peur et l'oppression, dans lequel une fin déchirante l'attend inéluctablement. 
Poussé par l'amour qu'il porte à sa femme, à sa famille et à son peuple, il devra affronter ses plus grandes peurs en une tentative désespérée pour retourner chez lui et tenter de sauver ce qui lui tient le plus à coeur. 

Au moins, Mel Gibson a le mérite de réaliser un film ambitieux et courageux : un budget de plus de quarante millions de dollars avec aucune star au générique, un dialecte totalement étranger pour le spectateur, un scénario qui se déroule dans une jungle dangereuse et hostile et enfin, une violence sans fard qui impressionnera (sans doute) les âmes les plus sensibles.
Conservateur d'un point de vue politique, parfois vilipendé pour ses propos xénophobes voire antisémites, Mel Gibson passe du militant patriotique (Braveheart) à ce défenseur ardent de la famille et du patriarcat. Impossible de ne pas se passionner pour les aventures de Patte de Jaguar, séparé malgré lui de sa femme et de son fils, et qui voit son village entier se faire piller, brûler et ravager. Dès lors, Apocalypto n'aura de cesse de jouer avec les nerfs du spectateur. 

La force du film repose (notamment) sur son extraordinaire capacité à nous plonger dans une civilisation (quasi) ancestrale, évidemment très éloignée de nos préoccupations modernes et consuméristes. Dans sa première partie, Apocalypto s'apparente à une sorte de documentaire qui décrit les us et les coutumes d'un peuple maya. Le spectateur a donc le temps de se familiariser avec cette peuplade à la fois humaine et sauvage, en totale adéquation avec la nature primitive.
Puis, dans sa seconde partie, Apocalypto change totalement de direction et se fourvoie en film d'action. L'attaque du village par un groupe de mayas bellicistes a le mérite de lancer les inimitiés : viol, décapitation et éviscération font partie des tristes réjouissances. A aucun moment, Mel Gibson ne cherche à esquisser la violence graphique et sanguinolente des séquences de tripailles.

Dès lors, le long-métrage se transmue peu à peu en survival sur fond de malédiction symbolique. Apocalypto, c'est aussi une nature en déliquescence qui cherche à reprendre ses droits sur cet "Homme", ce sauvage et ce grand prédateur. Plus que jamais, l'ombre du colonialiste, donc de ce capitaliste moderne et mercantile, plane comme une aura indélébile sur cette nature primitive.
Rien à redire sur la réalisation et la mise en scène du film. Mel Gibson se transforme en érudit de la caméra. Monstre de technicité et de virtuosité, le cinéaste confère à cette pellicule une aura à la fois sociologique, eschatologique et anthropologique. 
A certains moments, Apocalypto n'est pas sans rappeler les grands films d'action et d'aventure se déroulant dans la jungle, notamment Aguirre, la colère de Dieu (Werner Herzog, 1972), La Forêt d'Emeraude (John Boorman, 1985), mais aussi Predator (John McTiernan, 1987). Là aussi, la jungle se transforme en un territoire à la fois étrange et ineffable, échappant à toute logique lucrative. Si Apocalypto est évidemment criticable sur le fond, il est en revanche irréprochable sur la forme. Après La Passion du Christ, le film s'inscrit à nouveau dans cette introspection à la fois spirituelle et conservatrice.

Note : 14.5/20

 Alice In Oliver