Date de sortie 2 mars 2016
Réalisé par Felix Van Groeningen
Avec Tom Vermeir, Stef Aerts,
Hélène De Vos, Charlotte Vandermeersch, Boris Van Severen, Sam Louwyck
Genre Comédie dramatique
Productions Belge, Française
Synopsis
Jo (Stef Aerts) et Frank (Tom Vermeir) sont frères, et comme souvent dans les familles, ces deux-là sont très différents. Jo, célibataire et passionné de musique, vient d’ouvrir son propre bar à Gand, le Belgica.
Frank, père de famille à la vie bien rangée et sans surprise, propose à Jo de le rejoindre pour l’aider à faire tourner son bar.
Sous l'impulsion de ce duo de choc, le Belgica devient en quelques semaines the place to be…
Tom Vermeir et Stef Aerts
Felix Van Groeningen est né en 1977 et est diplômé de l'Académie Royale des beaux-Arts de Gand (KASK).
Il participe ensuite à plusieurs pièces de théâtre (en tant que qu'acteur et metteur en scène), mais décide finalement de revenir au cinéma, sa première passion.
Le réalisateur a déclaré : "Ce qui était particulier à cette époque, c’est que je faisais mes films en même temps que je développais une pièce de théâtre nommée Kung fu. Je tournais avec des comédiens, des jeunes gens que je dirigeais aussi au théâtre. Beaucoup de scènes se sont faites par improvisation et on y trouvait beaucoup de liberté. La pièce a très bien marché, on a joué pendant trois ans partout en Europe. Après, on a formé une compagnie et on a crée une deuxième pièce, Discotheque. Pendant ces voyages, je faisais parfois des répétitions avec mes copains du théâtre et les comédiens amateurs pour mes courts métrages. C’est comme ça que j’ai fait Truth or Dare, mon film de troisième année, et 50 CC, mon film de fin d’études.
J’ai tout appris en faisant les deux ensemble. À l’école de cinéma, j’apprenais à faire des films. Avec les autres étudiants, on s’entraidait, on faisait tout : le montage, la lumière, l’écriture, etc. Mais ce qu’on ne faisait pas beaucoup, c’était le travail avec les acteurs. Avec la pièce, j’ai pu combler ce manque."
Avec le producteur Dirk Impens, de la société Menuet, il réalise cinq longs métrages. Sa reconnaissance internationale arrive avec son troisième film, La Merditude des choses, sélectionné au festival de Cannes, puis avec Alabama Monroe, pour lequel il obtient le César du meilleur Film étranger et est nominé aux Oscars dans la même catégorie.
Il était une fois le Tramway, troquet populaire des supporters du Racing club de Gand. En 1988 Jo Van Groenungen, le père de Félix le rachète et le baptise Ekkentu 2, en référence au café Ekkentu 1 situé juste en face, de l'autre côté de la place du Vlasmarkt.
Très vite le bistrot tourne bien et Jo propose à son ami Jan de le rejoindre dans l'affaire. En 1989, ils rebaptisent l'établissement. L'Ekkentu 2 devient le Charlatan.
Initialement, c'est un lieu de jour, ouvert de 11h à 1h du matin. Mais très vite, la musique prend une grande importance, avec deux concerts organisés par semaine. En parallèle, Jo et Jan entreprennent des travaux, et décident, parce que le propriétaire voulait y faire des logements, de louer la salle attenante, qui était auparavant le réfectoire d'un pensionnat de jeunes filles. Progressivement le Charlatan devient un café-concert la semaine et une discothèque le week-end, ouverts à tous.
Félix Van Groenungen grandit dans cet univers. Quand il est enfant, sa mère est serveuse à l'Ekkentu 2, et ils habitent au dessus. Plus tard il vient au Charlatan en sortant de l'école, et y attend que son père soit prêt à rentrer à la maison, en périphérie de la ville.
À 16 ans, il tient le bar pour son plus grand plaisir. "C'était devenu de lieu le plus branché de la ville. Je pouvais y travailler et sortir en même temps avec mes potes. Nous étions une grande famille. Mais après quelques années, le Charlatan est devenu un monstre".
En effet, l'établissement perd progressivement de sa splendeur, notamment en raison de gros problèmes de drogue, le Vlaslarkt étant au centre du trafic à Gand. Des videurs sont embauchés, le succès conduit à la perte. Jan et Jo se retirent, ils n'ont plus l'énergie pour continuer cette vie nocture.
Arrivent Gerald et Joris, les deux frères qui ont inspiré Felix pour son scénario. Gerard est DJ au Charlatan depuis des années. Joris tient un troquet à Affligem, le Stanton. Ils rêvent de monter une affaire ensemble. Ils s'intéressent un temps à un autre café à Affligem, nommé le Belgica. Finalement en 2000, ils rachètent le Charlatan, qui connaîtra avec eux ses plus grandes heures.
Les frères licencient le personnel toxicomane, mettent la grande salle aux normes de sécurité, embauchent un nouveau technicien du son spécialiste de rock, recrutent un portier hors-pair : "Pas un videur, mais quelqu'un qui accueille les gens et si nécessaire leur indique la sortie." La réputation du café-concert dépasse même les mures de la ville.
Mais les frères ne s'entendent pas sur tout et se perdent progressivement. Gerald raconte : "Nous ne nous parlions plus. Ce n'était jamais le bon moment. Quand mon frère s'est installé au-dessus du café, ça a vraiment été le coup de grâce".
Joris finit par abandonner. "Le travail et les fêtes me tuaient à petit feu. En plus, je devais aire des allers-retours entre Gand et Affligem où ma femme avait un salon de toilettage pour chiens et voulait un enfant. Les choses sont devenus compliquées avec on frère? C'était lui ou moi …"
Début 2007, Joris revend ses parts. Les deux frères ne se parleront plus pendant deux ans. "Dommage que ce soit mon frère, parce que c'est mon meilleur pote", dit Gerald aujourd'hui. Felix commente "C'est ce qui me fascinait dans l'histoire du Charlatan, le fait que deux frères que tout oppose lancent un projet fantastique qui leur causera vote des problèmes, justement pat que tout les oppose. Ce moment où il n'y a plus d'énergie pour redresser la barre, sans qu'on puisse se détacher de ce qui a été construit avec tant de passions."
Gerald a désormais deux nouveaux associés. Mario et Nik. À eux trois, ils essaient de garder l'atmosphère mythique progressivement construite par les différents propriétaires, ceux qui ont été à tour de rôle les rois du Charlatan. "Nous refusons de nous définir comme un club, même sir Red Bull nous a nommés troisième meilleur club de Belgique. Non, ça reste le café Charlatan. Nous voulons rester accessibles, garder comme public de mélange de jeunes filles, de rastas, de gars en costumes. Nous n'avons aucune politique VIP parce que chaque client est VIP pour nous. "
Pourquoi vouliez-vous raconter cette histoire ?
Belgica c'est l'histoire de milliers d'entrepreneurs : "on grandit, puis il faut abandonner ses idéaux". À mes yeux, le film raconte en même temps quelque chose sur la façon dont notre société à changé ces 20 dernières années, comment elle est devenue plus sévère, peut-être aussi comment elle a un peu perdu ses idéaux … le café est comme une mini société.
Mais la motivation principale de faire ce film réside pour moi dans ses personnages singuliers. C'est le portrait de deux frères qui gèrent un bar et conquièrent leur place dans le monde. Leur trajet séparément et ensemble dans l'ivresse de la nuit - où sexe, drogue et rock'n'roll ne sont jamais bien loin - est le moteur du film.
Il y a le fêtard et le frère plus posé. L'homme à femmes et le type qui n'a qu'un seul œil, plus timide. L'un est en quête d'excitation, l'autre de sécurité. Ensemble, ils forment un super tandem, même s'ils risquent de se perdre l'un l'autre et eux mêmes à un certain moment. De sorte que l'un des frères dit finalement à l'autre "Je n'ai plus envie de continuer avec toi … " je trouve ça incroyablement poignant.
Puis il y a une raison personnelle, évidemment. Ce qui se passe dans le film, je l'ai vécu en partie. Il était difficile de décrire mes sensations de l'époque et j'espère qu'on retrouve dans le film ce mélange étrange d'euphorie, d'excitation de la vie nocturne, ce désir de liberté et ce sentiment d'anti establishment. Et en même temps aussi un peu de tristesse pour les choses qui se perdent. Parce que ce n'est pas possible autrement. Quelque chose de très belge aussi…
Mais aussi de très Gantois ?
Absolument. À un moment, j'ai même songé à ne pas faire se dérouler le film à Gand ou à l'extirper un peu de Gand. Mais j'ai réalisé que cela n'était pas possible : j'y ai quand même été aspiré.
Belgica est donc un film autobiographique ?
Non, mais il comporte assurément beaucoup d'éléments que j'ai connus dans ma propre vie. C'est pourquoi Belgica est probablement mon film le plus personnel. Chaque scénario est une sorte d'enquête. On commence à plonger dans un matériel, et des réponses surgissent chemin faisant. Cela dit, le fait de raconter des histoires sur d'autres est aussi une agréable façon de na pas devoir parler de moi.
La musique tient une place essentielle dans votre film…
La musique joue toujours un grand rôle dans mes films. Je tente systématiquement de faire en sorte qu'elle "cadre" avec l'histoire, qu'elle s'intègre au récit. L'évolution de la musique à mesure que le film avance n'est donc pas un hasard, mais fait intégralement partie de ce qui se passe au Belgica et de ce qui se passe avec les personnages.
Parlez-nous de la contribution des frères Stephen et David Dewaele, également connus comme Soulwax et célèbres en tant que 2 many DJ's.
Nous sommes amis de puis longtemps. Ils avaient déjà collaboré à mon premier film, Steve+Sky. Et ils étaient eux aussi très inspirés par cette histoire. Stephen et Dave ont grandi avec moi et ils ont souvent joué au Charlatan, le bar qui m'a inspiré Belgica. Ils ont voyagé dans le monde entier, ils sont souvent à Londres, mais leur port d'attache reste Gand. C'est très important pour eux, c'est pourquoi ils ont trouvé particulièrement séduisante l'idée de participer à ce film.
La partition musicale mise à part, ils ont aussi proposé de nombreuses nouvelles chansons.
Pendant que j'écrivais le scénario, nous nous sommes fréquemment réunis pour parler de la musique. Je pensais initialement que les frères allaient se charger de la partition musicale et que nous travaillerions avec des morceaux connus de groupes existants, parce qu'il y en avait beaucoup à disposition. Mais petit à petit, il est devenu clair que ce qui les stimulait, c'était de vraiment tout faire.
Ils ont donc inventé eux-mêmes les groupes qu'on voit se produire au Belgica. ?
Oui, ils ont crée The Shitz et They Line de toutes pièces ! Ils ont réunis tous ces musiciens. Ils m'ont dit : "Si tu peux faire du Charlatan le Belgica, nous ne voyons pas pourquoi nous devrions de notre côté nous en tenir à des groupes existants. Nous pouvons nous aussi les recréer !". Ils sont donc partis de groupes réels, mais ils les ont marqués de leur propre empreinte. En un mot, ça été une collaboration super drôle.
Enfin de compte, il n'y a dans tout le film que quelques morceaux de musique qui ne sont pas d'eux. Il y a "J'aime regarder les filles", le morceau sur lequel le café explose la première fois. Il y a Plastic Dreams de Jaydee, un morceau iconique grâce auquel je me suis à écouter de la house quand je commençais à sortir à l'époque. Et il y a naturellement Zombie Nation, le morceau des Buffalos (le surnom du club de foot gantois KAA La Gantoise). Ils sont chaque fois imbriqués dans l'histoire et ont en outre été retravaillés par Stephen et David afin d'être entièrement adaptés aux scènes.
Dans un film sur un bar, cela semble évident, mais l'histoire de Belgica est aussi très rock'n'roll.
Au fond, faire un film, c'est partir à l'aventure. Certes, on sait où on veut aller, mais on ne sait pas tout ce qu'on peut rencontrer en route. Et on rencontre des choses fantastiques. C'est ce que je trouve captivant dans le métier de réalisateur. Chaque film est un peu comme un accouchement. Cet accouchement a été très difficile pour Alabama Monroe. Nous avons travaillé très dur, nous y avions mis tout notre cœur, mais on ne savait pas vraiment si le film allait être bien accepté. Ce qui s'est passé ensuite est indescriptible : Alabama Monroe a connu un succès international, à reçu le César du meilleur film étranger et cerise sur le gâteau a été nommé aux Oscars dans la même catégorie. Mais ce doute initial est toujours resté en moi. Ne me comprenez pas mal. Alabama Monroe est un film dont je suis très fier. Mais je me suis pourtant demandé si je ne m'y étais pas pris de façon un peu trop classique et pas assez rock'n'roll. Quoi qu'il en soit, cela m'a poussé à revenir à des racines plus rock'n'roll avec Belgica. Et cela m'a aussi permis de prendre davantage de libertés : être plus impétueux, tourner plus longtemps.
Pour lire la suite de l'interview, cliquez ici.
Mon opinion
Après le superbe Alabama Monroe, Felix Van Groeningen impose, dans Belgica, une belle bande son composée par Soulwax. Au cœur même de l'intrigue, elle fait partie intégrante d'un scénario parfaitement construit.
Le réalisateur commente : "À mes yeux, le film raconte en même temps quelque chose sur la façon dont notre société à changé ces 20 dernières années, comment elle est devenue plus sévère, peut-être aussi comment elle a un peu perdu ses idéaux … le café est comme une mini société". Au travers de dialogues souvent violents Felix Van Groeningen appuie avec force sur ce changement, dans lequel l'austérité vient balayer une certaine idée de la fête. Les dernières images du film sont, en ce point, éloquentes. Des caméras comme autant de frontières entre les individus.
La réalisation parfaitement maîtrisée est superbe de minutie.
À la tête d'un casting d'une grande justesse, les deux principaux protagonistes, Stef Aerts et Tom Vermeirs s'imposent avec talent et donnent à leur personnage respectif un relief tout particulier.
Je suis sorti de la salle stupéfait par la virtuosité d'une mise en scène qui vous entraîne, là où vous ne voudriez pas, ou ne pourriez pas être.
Le dernier mot au réalisateur :"Le fait de raconter des histoires sur d'autres est aussi une agréable façon de na pas devoir parler de moi".