Pari osé et réussi pour les producteurs de la série, avec cette suite… précédant la saison 1 !
Après le succès de la première saison de Fargo, inspirée du film éponyme des frères Coen (ces derniers étant, rappelons-le, producteurs de la série), la chaîne de télévision américaine FX a immédiatement commandé un deuxième chapitre, se déroulant… avant le premier. Nous attendions donc la saison 2 avec envie mais circonspection, redoutant une trop grande gourmandise des producteurs.
En 1979, dans la petite de Luverne (Minnessota), Ed (Jesse Plemons) et Peggy (Kirsten Dunst) se retrouvent inopinément au beau milieu d’une guerre que se livrent la famille Geyrhardt (Jean Smart, Jeffrey Donovan, Michael Hogan…) et l’organisation criminelle de Kansas City pour garder le pouvoir sur la pègre locale. Dès lors, les morts s’accumulent, tandis que l’agent Lou Solverson (Patrick Wilson) tente de mettre de l’ordre dans le conflit.
Bien que la série mette quelques épisodes à trouver son rythme, on peut dire qu’on ne s’ennuie pas ! Tout en se démarquant de Fargo 1, Fargo 2 garde une certaine ironie tout en introduisant de nombreux personnages inédits, décalés et imprévisibles, qui renouvellent l’intérêt. Le scénario nous emmène dans les méandres d’une guerre sans merci, où la violence tarantinesque (esthétique et parfois extrême) intervient toujours dans un contexte caustique ou glaçant. La tension va crescendo, jusqu’à devenir, dans la seconde moitié de la saison, palpable à chaque instant. La réalisation se délecte alors des effets du hors cadre et de la profondeur de champ, des silences, laisse planer à l’écran un danger de chaque seconde. Dans le premier opus, la menace provenait du tueur fou et charismatique Lorne Malvo (Billy Bob Thorton). Ici on ne sait où donner de la tête, entre les tueurs de sang-froid, des quidams diablement habiles pour refroidir leur victime, un indien mutique et une matriarche froide et redoutable. La relève est donc assurée et les doutes soulevés par le schéma temporel de cette saison s’évaporent rapidement. Le lien entre les deux saisons est simplement et habilement amené par le personnage de Lou Solverson. Cette formalité accomplie, les scénaristes ont pu donner libre cours à leur imagination débridée et, avouons-le, un peu perverse !
Si, comme dans Fargo 1, on doit se laisse porter par le jusqu’au boutisme burlesque du script, la plus grande originalité de ce prequel provient du traitement de l’image et de l’utilisation des split screen. L’alibi des années 70 pourrait faire tomber l’image dans le cliché. Mais la réalisation évite l’écueil et la manipule avec ingéniosité. Le split screen est ici secoué dans tous les sens. Bien sûr, l’aspect esthétique de cet artifice est savoureux, mais il percute dans Fargo 2 par son apport narratif : il entremêle deux espaces différents, permet un habile montage alterné dans le même plan, ajoute du dynamisme ou un suspense inédit. Il permet enfin l’illustration souvent ironique ou brutale d’un propos tenu dans l’une des cases présentes à l’écran.
Déjà utilisées dans Fargo 1, des vues aériennes jouent sur le paysage, les arbres, les chemins ou le froid, qui deviennent alors de purs motifs esthétiques. La photographie est donc particulièrement léchée dans cette saison, facilement remarquable et appréciable par les non-cinéphiles, ce qui ne gâte rien. La musique, très rythm’ and blues, issue ou inspirée des années 70, complète le tableau pour faire de cette seconde saison un vrai plaisir et une petite surprise.
D’autant que le casting, radicalement différent de la saison 1, offre à Kirsten Dunst un rôle à contre-emploi et permet à Jesse Plemons et Patrick Wilson, employés au cinéma comme seconds rôles, de tenir le haut de l’affiche. Le duo Dunst/Plemons, plus qu’improbable, est au centre de la série, apporte une loufoquerie inquiétante, contrastant avec le sérieux et la présence solide de Wilson. Dans le rôle du tueur indien, Zahn McClarnon, parvient (sans toutefois égaler la prestation de Billy Bob Thornton dans Fargo 1) à créer un homme mutique et mystérieux, dont les desseins deviennent de plus en plus flous au fil de la série. Quant aux acteurs incarnant les malfrats des deux clans rivaux (Jean Smart, Jeffrey Donovan, Michael Hogan, Bokeem Woodbine), on peut dire qu’ils ne reculent devant aucun effet pour endurcir leurs personnages.
Le virage est réussi pour cette série qui maintient le suspense tout en offrant une esthétique forte. Diffusée fin 2015 sur Netflix en France, aucune autre chaîne n’a pour l’instant annoncé sa distribution… et c’est bien dommage. La troisième saison, qui devrait se dérouler dans les années 2000, a d’ores-et-déjà une grande pression sur ses épaules.
La Cinéphile Eclectique (Carnets Critiques )
Série créée par Noah Hawley.
Diffusée à partir du 12 octobre 2015 sur la chaîne FX aux États-Unis, en France depuis le 14 octobre 2015 sur Netflix.
Avec Kirsten Dunst, Jesse Plemons, Patrick Wilson, Zahn McClarnon…
Sortie en DVD/Blu-Ray le 20 avril 2016 aux éditions 20th Century Fox.