The Snuff Tape Trilogy (El Gore, la mort est son royaume)

snuff tape trilogy

Genre : gore, trash, extrême (interdit aux - 18 ans)
Année : 2011 - 2014
Durée : 39 minutes (total des courts-métrages)

Synopsis : Trois courts-métrages expérimentaux présentant soit des meurtres sadiques, soit des actes abjects d'humiliation nécrophile. Le tout filmé de manière la plus réaliste possible, en simulant au plus près la véracité des situations face à la caméra.

La critique :

Décidément, outre Rhin, les héritiers de Jorg Buttgereit se bousculent au portillon du cinéma d'horreur. En effet depuis une dizaine d'années, l'Allemagne voit déferler une multitude de réalisateurs se réclamant presque tous de la morbide influence du créateur de Nekromantik. Parmi cette meute de nouveaux cinéastes, seul le génial Marian Dora se distingue par son univers poétique très particulier. Les autres, moins doués, empruntent tous de façon plus ou moins explicite, la voie qui mène vers le gore underground pur et dur ; et pour tout dire, relativement moins fauché.
Parmi eux, citons Marcl Walz (La Petite Mort) ou Tom Heidenberg (Necrophile Passion). Dernier venu en date dans le peloton des "teutons" tarés du hachoir, El Gore. Sous ce pseudonyme hispanisant et nébuleux se cache un réalisateur forcément secoué des neurones, un nouvel agitateur du cinéma extrême européen. Peu d'informations à se mettre sous la dent le concernant. Visiblement, l'individu cultive un certain goût pour le mystère : pas de fiche Wikipédia, pas d'article sur le net, aucune interview disponible.

A priori, l'homme aime la discrétion. Tout le contraire de ses films en fait, car malgré leur inévitable confidentialité, ceux-ci donnent plutôt dans les outrances les plus tapageuses. The Snuff Tape Trilogy (qui n'a de snuff et de trilogie que le nom) est la deuxième oeuvre solo de El Gore, la première étant une "trilogie" de courts-métrages, The Ghouls Night Out Trilogy. Et pour se bâtir d'emblée une réputation de caïd dans le milieu underground, le réalisateur (?) n'y va pas avec le dos de la cuillère. 
Il veut taper vite et fort. Pour cela, quoi de mieux que le cinéma extrême avec ses excès, ses déviances et son budget famélique ? En cela, El Gore a trouvé un terrain de jeu parfaitement en adéquation avec un style mêlant gore outranciers et situations ultra malsaines. Attention, SPOILERS ! Partie 1 : d'une durée de cinq minutes seulement, cet épisode met en scène un tueur dont on ne verra jamais le visage. La victime est un jeune homme ligoté dans une baignoire. Au programme : ongles arrachés à la pince, lacération, énucléation et égorgement à la lame de rasoir. Les tortures sont accompagnées d'une bande originale death metal assourdissante.

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Partie 2 : A peine plus long (neuf minutes) que le précédent, ce court-métrage reprend les mêmes composantes. Seul le rôle du bourreau a changé puisque nous avons à faire ici à une jeune femme vêtue d'un tablier transparent. La victime est toujours un homme ligoté dans une baignoire. Et toujours sur fond de hard rock démentiel, celui-ci subira un étouffement, un sévère charcutage facial au couteau de boucher et une éviscération en règle avant que son cadavre ne soit humilié par une scène d'urophilie.
Partie 3 : Ici les actes se déroulent en pleine lumière toujours selon le même processus, à l'exception du choix de la victime. Celle-ci est une jeune femme déjà morte, présentant un état cadavérique avancé. Son meurtrier, toujours anonyme, va alors se déchaîner en pratiquant des attouchements ignobles sur la dépouille encore suintante de la malheureuse : viol à l'aide d'un balai de toilettes, urophilie, éventration à la tronçonneuse, prélèvements des organes génitaux... Le sommet de l'abjection est atteint quand le psychopathe défèque outrageusement sur le crâne décapité de la morte puisqu'il lui introduit son sexe dans le globe oculaire.

Le film s'achèvera par l'auto castration du dément. Dans ce troisième épisode, les effets spéciaux hyper réalistes ne font que renforcer le malaise du spectateur. Cependant, afin de dédramatiser le propos, le réalisateur introduit une certaine distanciation avec la réalité crue puisqu'il affuble son tueur d'un sexe démesuré, dont on voit clairement qu'il s'agit d'un vulgaire godemichet... Si les deux premiers (très) courts-métrages sont de facture classique pour un film extrême, le troisième mérite que l'on s'y intéresse de plus près. Avec ce petit film de 25 minutes, El Gore franchit une étape supplémentaire dans le nauséabond et l'atteinte de la décence. Dans son sulfureux questionnement, le réalisateur se pose pourtant la bonne question : jusqu'au faut-il aller pour choquer, écoeurer et scandaliser le spectateur ?
Tant d'ignominies ont déjà été montrées à l'écran que le challenge semblait impossible à relever. Zoophilie, nécrophilies, tortures réelles, infanticides  s'affichent toujours plus explicitement que ce soit dans la réalité, internet ou dans les oeuvres de fiction.

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Les pires abjections semblaient avoir été déjà jetées en pâture à un public exsangue. Pourtant, El Gore accable le spectateur d'une vilénie supplémentaire : l'humiliation post-mortem. Prenez un cadavre en état de décomposition avancée, un squelette avec quelques lambeaux de chair qui subsisteraient encore ça et là. Prenez un aliéné masqué (c'est la mode) bien dérangé et le voilà qui va s'acharner sur le pauvre macchabée, lui faisant subir les pires outrages. Décidément, les nouveaux venus sur la scène underground ne paraissent plus connaître de limites dans l'outrance.
Toujours plus de provocation, toujours plus de violence, toujours plus d'immoralité, telle est leur devise extrémiste. En porte drapeau de cette génération décomplexée, El Gore ne s'embarrasse pas de fioritures pour faire passer son "message". Mais de quel message peut-il donc bien s'agir quand un film n'a ni histoire à raconter ni un minimum de fond à véhiculer ? En fait, à ce niveau expérimental, nous sommes très loin d'avoir à faire à des génies du Septième Art.

Ces réalisateurs quasiment amateurs se contentent de suivre à la lettre un cahier des charges bien précis en allant directement à l'essentiel : le gore. S'adressant à un cercle restreint d'adeptes, le cinéma souterrain n'a pas pour vocation de faire dans la dentelle ni de postuler à une quelconque récompense. L'agression visuelle et morale représente donc la seule revendication de ces oeuvres scandaleuses et peu importe qu'elles soient dénuées d'un quelconque scénario. El Gore n'est pas là pour plaisanter mais pour exposer ses propres pathologies devant la caméra. Incroyablement malsain, The Snuff Tape Trilogy baigne donc dans un climat de décadence totale, à mi chemin entre une fiction snuff et la brutale réalité.
Nouveau fossoyeur du cinéma trash européen, El Gore ne semble pas posséder la lumière à tous les étages. En effet, il ne faut pas bénéficier de toutes ses capacités mentales pour imaginer et mettre en scène les horreurs qu'il propose dans The Snuff Tape Trilogy, dont l'infâme troisième épisode, en dépit de son amateurisme, atteint un niveau de souillure rarement affiché à l'écran. Pourtant, au vu de la surenchère actuelle dans l'avilissement du cinéma de genre, c'est justement avec de telles initiatives (certes, révoltantes) que ce nouveau venu pourrait bien se faire une place de choix sur la place underground. Pour peur qu'il trouve des financements plus importants pour ses créations et qu'il concède à l'effort d'écriture d'un véritable scénario, ce psychopathe en puissance pourrait bien devenir l'un des futures références du cinéma extrême européen.

Note : ?

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