Date de sortie 24 février 2016
Réalisé par Dagur Kari
Avec Gunnar Jónsson, Ilmur Kristjánsdóttir, Sigurjón Kjartansson,
Franziska Una Dagsdóttir, Margrét Helga Jóhannsdóttir
Genre Drame
Production Islandaise et Danoise
Synopsis
À 43 ans, Fúsi (Gunnar Jónsson), colosse barbu, timide et maladroit, englué dans un quotidien morose, vit toujours chez sa mère.
La vie s’écoule avec monotonie, entre son emploi de bagagiste à l’aéroport le jour et les reconstitutions de batailles historiques sur plateau dans la cave d’un ami, le soir.
Lors d’un cours de country, offert par le nouveau compagnon de sa mère comme cadeau d’anniversaire, Fúsi fait la connaissance de la pétillante et fragile Sjöfn (Ilmur Kristjánsdóttir).
Cette rencontre bouleverse alors la vie de ce célibataire endurci qui n'aime rien d'autre qu'écouter un morceau de heavy metal à la radio dans sa voiture en regardant la mer...
Entretien avec Dagur Kári relevé dans le dossier de presse.
Dagur Kári est musicien, écrivain et réalisateur. Il est né en France en 1973. Élevé en Islande, il a étudié la réalisation au Danemark de 1995 à 1999. Il a joué dans le groupe Slowblow, qui a écrit la musique de son premier film Nói Albinói, réalisé en 2003.
Aujourd’hui, il occupe le poste de Directeur des Programmes à l’Ecole Nationale du Cinéma au Danemark
Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir réalisateur ?
J’allais au cinéma avec mes parents, j’ai toujours aimé ça. En 1989, je me suis rendu au festival de Reykjavik et là, d’un coup, je me suis débrouillé pour voir quatre-cinq films par jour. Down by Law de Jim Jarmush, Les Ailes du désir de Wim Wenders et La Fille aux allumettes d’Aki Kaurismaki sont restés gravés dans ma mémoire. C’est là que, pour la première fois, le cinéma m’est apparu comme un chemin possible, car il rassemblait tout ce qui m’intéressait : la musique (je jouais dans des groupes de rock), l’écriture (je m’y essayais) et l’image (j’avais eu ma phase photographe). Le cinéma a été une révélation, moi qui ne savais pas très bien de quoi serait fait mon avenir. À partir de là, j’ai commencé à aller au cinéma de façon obsessionnelle. Entre seize et vingt ans, on est une éponge, on absorbe tout, on s’imbibe de tout. Ensuite, je suis entré dans une école de cinéma sans oser imaginer qu’un jour je pourrais faire un film. Mais mon film d’études Lost Week end a été très bien reçu, il a fait le tour des festivals et a gagné plein de prix.
Et ainsi vous avez pu financer Nói Albinói ?
Exactement. Les idées, les scènes, les situations de Nói Albinói étaient en moi depuis l’âge de seize ans donc je l’ai écrit assez vite. Le héros, Nói, m’habitait depuis longtemps, c’est un peu mon alter ego, en opposé. Il est le contraire de celui que j’étais à cet âge. Il y avait des tas de choses que je rêvais de faire, mais je manquais de courage, alors je prêtais certaines de mes idées à Nói. Et petit à petit, j’ai accumulé des situations, des anecdotes liées à ce personnage que j’ai utilisées pour écrire le scénario. C’est un film très personnel qui témoigne de ce que j’avais en tête à cette époque de ma vie où je cherchais à comprendre qui j’étais. C’est un film qui décrit ce que c’est que grandir en se sentant isolé de tout, c’est pourquoi Nói vit au milieu de nulle part. J’aime étudier les gens, décrire les sentiments et les émotions qui les constituent.
Comment est né L’histoire du géant timide ?
Pour ce film, je suis parti de Gunnar. Je l’avais vu à la télévision dans une émission satirique où il tenait un petit rôle et je suis tombé sous son charme. Je le trouvais génial, avec une présence absolument unique. Il a un talent fou, un jeu incroyablement naturel.
Alors, au lieu de cette fonction de faire valoir qu’il occupait dans ce show télé, je l’ai imaginé seul, dans le rôle principal d’un film qui aurait un peu de gravité. Entre temps j’avais fait des films au Danemark et à New York.
Après The Good Heart je n’étais plus sûr du tout d’avoir envie de continuer à faire des films. Et puis un jour, je me suis retrouvé à Keflavik en train d’attendre un avion. J’ai vu ces petites voitures sillonner la piste entre les avions et j’ai eu cette image de Gunnar au volant d’une de ces voitures. Cela s’est imposé à moi et c’est devenu la métaphore centrale du film : l’histoire d’un adulte qui n’a pas coupé le cordon ombilical qui le relie au monde de son enfance. C’est là, en attendant mon avion, que j’ai imaginé l’histoire. Puis l’intrigue s’est enrichie, parce que là-dessus, sur la trame de départ, j’ajoute toujours ce à quoi j’ai pu penser ou réfléchir ou fantasmer depuis
des années.
Vous auriez pu suivre une narration de comédie romantique mais vous avez choisi de coller à la réalité. Pourquoi ?
Généralement, une fois que l’intrigue "un garçon rencontre une fille" est posée, l’histoire se déroule comme une pelote de laine. Cela devient vite prévisible.
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J’ai intentionnellement essayé de donner un tour intéressant à l’histoire et de tordre le cou au cliché. Il me semblait aussi que le personnage de Fúsi méritait une fin différente.
Je voulais que la fin soit à la fois insignifiante et dévastatrice. Nous réalisons que ce qui nous apparaît comme une action banale est pour Fúsi un pas de géant.
Quelle étape du processus préférez-vous ?
Comme j’écris, que je réalise et que je compose, tout participe à l’intérêt que je porte à un projet. Chaque étape est fondamentale : l’écriture, puis le tournage, puis le montage et enfin la musique. C’est ce qui me plaît dans le cinéma. Chaque élément est crucial et j’aime chaque moment du processus. C’est vrai que composer est un moment particulièrement agréable, c’est comme apprécier le dessert après un bon repas. Le film est fait, le stress est derrière vous et vous n’avez plus qu’à trouver la musique qui conviendra le mieux au film et vous amuser. Je commence à composer durant le montage, car chacune de ces deux étapes est directement affectée par l’autre. Je n’ai pas écrit de chansons depuis longtemps mais je m’y remettrai sûrement un jour ou l’autre, quand j’atteindrai la cinquantaine. Ce sera un vieux machin démodé, j’imagine…
Vous trouvez qu’il y a un lien entre musique et cinéma ?
La musique et le cinéma ont en commun d’être des formes assez banales mais qui ont un accès direct aux émotions du public. Une chanson, ce n’est jamais que : couplet, refrain, couplet, refrain, un pont, le refrain et c’est tout. Un film c’est toujours trois actes, avec quelques moments décisifs pour l’intrigue. On passe son temps, donc, à écouter la même chanson, à regarder le même film, mais les possibilités sont infinies et directement connectées aux vies émotionnelles des gens. La musique passe au-dessus du cerveau pour toucher le coeur des gens. Le film, de la même manière, peut transmettre au spectateur à la fois de l’humour et de la mélancolie. J’essaye toujours dans mes films de trouver le bon équilibre entre rire et tristesse. J’adore l’idée qu’un film vous fasse hurler de rire et à la fois vous bouleverse. Je trouve que, de nos jours, les films sont trop souvent soit l’un, soit l’autre. Moi c’est le mélange des deux qui m’intéresse. Quand les gens rient, ils sont plus disponibles, ils s’ouvrent, ils lèvent leurs barrières. C’est le meilleur moment pour toucher leur coeur.
Mon opinion
L'ensemble gris et triste nous entraîne du sous-sol d'un aéroport, visiblement peu fréquenté, à des barres d'immeubles comme seul horizon, ou encore un centre de tri de déchets ménagers. À l'extérieur, la neige qui semble tomber en permanence n'arrive pas à garder sa couleur immaculée.
Entre du Heavy métal et quelques notes de country, Fúsi le principal protagoniste vit replié sur lui même, avec ce qui semble être sa seule passion, la reconstitution d'une bataille de la deuxième guerre mondiale.
Son entourage se résume à peu. Un homme avec lequel il partage sa passion. Une mère abusive et intéressée "Tu ne vas pas me quitter" lancera-t-elle quand elle sentira que son fils de plus de quarante ans voudrait vivre autre chose. Des collègues, qui n'acceptent pas la différence de ce cet homme très enrobé avec ses cheveux gras et longs qui entourent une calvitie bien prononcée, se montreront moqueurs et violents. Geste qu'ils qualifieront plus tard, de simple jeu. D'autres, plus amènes, inviteront Fúsi à partager une soirée pour la diffusion d'un match. Premier geste cordial, dont il semble lui même étonné.
Puis aussi la lumière dans le regard d'une petite fille nouvellement installée dans son immeuble. Cette simple rencontre lui vaudra des déconvenues, une autre sera plus décisive pour sa propre vie.
La toute fin du film vous arrachera un sourire.
"Je voulais que la fin soit à la fois insignifiante et dévastatrice. Nous réalisons que ce qui nous apparaît comme une action banale est, pour Fúsi, un pas de géant." Déclare Dagur Kari.
Le spectateur n'a plus qu'à se réjouir pour Fúsi, un homme hors du commun. Un rôle difficile, et impressionnant, interprété avec maestria.
Un film dur, fort et magnifique.
Merci à Dasola. Sa critique a fini par me convaicre pour aller voir ce film.
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