Belgica, ou l’enfer de la nuit.

Sexe, drogue et rock'n'roll, voilà ce que pourrait sobrement annoncer le synopsis de le dernier film du réalisateur belge Felix Van Groeningen qui nous revient après le très touchant et sensible Alabama Monroe. Sur la forme, l'histoire est un peu plus fournie que ça. Jo et Frank, deux frères très différents, se retrouvent. Jo vient d'ouvrir le Belgica, son propre café-concert, à Gand. Frank, le grand frère, est un père de famille dont la routine quotidienne a pris le dessus sur l'enthousiasme d'autrefois. Dans l'espoir de raviver la flamme, Frank propose à Jo de l'aider à tenir l'établissement. Si les deux frères gèrent d'une main de maître leur affaire, leurs vies vont quant à elles échapper à leur contrôle. L'histoire, simple et universelle, permet au spectateur de s'immerger très facilement dans cet univers sombrant du jour dans la nuit, oscillant des biberons aux chopes de bière. Felix Van Groeningen explique qu'il a peut-être produit là son film le plus personnel. Et pour cause, le bar du film est inspiré d'un fameux bar de Gand où le réalisateur et ses amis avaient leurs habitudes : le Charlatan. Qui dit bar, dit musique, et là encore la fiction rejoint la réalité en s'appuyant sur le groupe Soulwax pour la bande son. Inutile de préciser que Soulwax s'est déjà produit sur la scène éclectique du Charlatan. C'est au groupe belge qu'il revient donc de créer et animer l'univers musical du bar, un rôle principal en soi tant la musique est essentielle à la réussite du film et donne une coloration différente à chaque séquence. Pour l'occasion, Soulwax a travaillé plus d'un an sur le projet et réalisé seize pistes qui correspondent à seize identités différentes, seize groupes pour faire court. Côté musique, force est de constater que frappe fort en parvenant à recréer tout un microcosme musical et social qui rythme les instants de vie des deux frères. Une vraie réussite !

Belgica, ou l’enfer de la nuit.

Naturellement, les acteurs du film sont tous excellents et leurs personnages transpirent une réalité brute par tous les pores de leur peau. Tom Vermeir, qui interprète Frank, fait là ses premiers pas au cinéma dans une fiction taillée pour lui. Avant d'être acteur pour Felix Van Groeningen, Tom Vermeir a connu de nombreuses vies : journaliste culinaire, comédien dans de petites compagnies, moniteur de plongée et musicien. Son parcours fleure bon l'errance, la flânerie, l'expérimentation et laisse supposer que le bonhomme, à l'image de Frank, combat sempiternellement l'ennui. A l'inverse, l'interprétation de Stef Aerts est tout en finesse et en retenue. La complicité entre les frères sur l'écran est crédible au point d'être palpable. Cette alchimie, on la doit très certainement aux mois de préparations voués à renforcer leur affinité. Le casting dans son entièreté livre une très belle performance et l'on espère qu'ils connaîtront par la suite d'autres projets aussi enthousiasmants que l'est . Quant à la mise en scène elle rend justice aux séquences nocturnes de fête et d'hystérie collective sur fond de musique rock. Des gros plans de visages colorés par les spots aux séquences très clipesques montrant la prestation des groupes, chaque scène nocturne est fidèlement représentée. C'est bien simple, on s'y croirait et l'on pourrait presque ressentir l'ivresse de la fête. Les scènes plus quotidiennes et dramatiques forment un bon pendant à l'ambiance survoltée et scintillante du bar, permettant aussi d'étayer la psychologie de ces véritables oiseaux de nuit que sont Jo et Frank. Comme après un concert ou une folle soirée, passé le fun et une fois l'énergie débordante retombée on se retrouve un peu penaud. Dans le cas de , au sortir de la salle on ne parvient pas à trancher : l'histoire manque-t-elle un peu de matière ou bien ces fragments de vie recomposés et réalistes doivent-ils se suffire à eux-mêmes ? Le film essuie également quelques redites un peu poussives autour des tentations de la vie nocturne -drogue et sexe en première ligne- qui énerveraient presque si l'on ne devinait pas autant les bonnes intentions du réalisateur belge. Quoi qu'il en soit on retrouve dans le dernier film de Felix Van Groeningen l'énergie brute du désespoir et du désœuvrement qui avait déjà su nous émouvoir dans La Merditude des Choses et Alabama Monroe. Le réalisateur nous prouve une nouvelle fois que la musique durcit les mœurs et console des drames. Un moment tout de même grisant.