Les themes dominants

Par William Potillion @scenarmag

Arthur Miller a dit
… to make us feel less alone
… pour nous faire sentir moins seul

C’est probablement pour cela que les histoires les plus populaires ont tendance à creuser encore et toujours les mêmes thèmes. La raison en est aussi certainement l’universalité des thèmes retenus qui explorent, expriment et expliquent la condition humaine.
Charles Foster Kane, Scrooge, Gordon Gekko, Bruce Wayne, Charlie Babbit… tous ces personnages mémorables ont de commun que leur richesse s’est faite au détriment de leur âme, plus précisément de la perte de leurs familles, de leurs amis, de leurs valeurs morales et de leurs santés tant physique que mentale.

D’autres thèmes sont aussi très commun tels que ceux relatifs à la cellule familiale.
Dans Sixième Sens, le thème porte plus précisément sur la communication entre proches :
– Cole essaie de rassembler son courage pour dire à sa mère ce pouvoir qu’il possède,
– Malcolm essaie de gagner la confiance de Cole pour que celui-ci s’ouvre à lui,
– Malcolm essaie d’obtenir le pardon de sa femme,
– Les fantômes essaient d’envoyer des messages à Cole mais il est trop effrayé pour comprendre qu’ils ont besoin de son aide,
– La propre grand-mère de Cole lui donne un message pour qu’il le transmette à sa mère.

Ces informations traduites sous la forme de scènes nourrissent et fortifient les objectifs internes et externes de Malcolm et Cole.
Tous deux partagent le même but (ou Story Goal dans la terminologie de Dramatica) : Apprendre à utiliser les pouvoirs de Cole pour faire le bien.
Quant aux objectifs internes :
– Pour Malcolm, il s’agit de se réconcilier avec Anna, sa femme.
– Pour Cole, il s’agit de dire à sa mère et de lui faire comprendre ce don qu’il possède.

 Ce qui est intéressant avec Sixème Sens est que le climax s’articule autour de trois résolutions :
– Cole apprend à aider le fantôme de la petite fille en dévoilant la vidéo incriminant la mère dans la mort de la fillette,
– Cole révèle à sa mère son don et lui transmet le message que lui a laissé sa grand-mère,
– Malcolm réalise qu’il est mort et est capable enfin de murmurer à Anna pendant qu’elle dort qu’il l’aime.

Quelques thèmes récurrents

Les liens familiaux
La guerre des mondes ou Winter’s bone de Debra Granik et Anne Rosellini, d’après le roman éponyme de Daniel Woodrell.

La foi ou l’espoir
Les évadés de Frank Darabont, d’après le roman court Rita Hayworth et la Rédemption de Shawshank, de Stephen King ou Le Seigneur des Anneaux

Le temps
L’étrange histoire de Benjamin Button de Eric Roth et Robin Swicord, d’après la nouvelle éponyme de F. Scott Fitzgerald

La seconde chance
Million Dollar Baby ou Pur Sang, la légende de Seabiscuit de Gary Ross d’après le livre de Laura Hillenbrand

Le statut social
Titanic ou Shakespeare in love de Marc Norman et Tom Stoppard

L’amitié
Thelma & Louise

La perte
Le Roi Lion ou Up de Bob Perterson et Pete Docter

L’identité
Jason Bourne, Little Miss Sunshine ou Blade Runner

L’amour
Emma de Douglas McGrath adapté de Emma de Jane Austen

Péché et châtiment
No Country for old men ou Millénium : Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes

Le loser qui devient un héros
Ratatouille ou Rocky

Le prix à payer du génie
Amadeus ou Will Hunting

La vengeance
Taken ou Munich

Le soulèvement de l’opprimé
Avatar ou Braveheart

Exemple pratique :
The dark Knight : Le Chevalier Noir de David S. Goyer, d’après une histoire originale de Christopher Nolan et Jonathan Nolan et le personnage créé par Bob Kane et Bill Finger.

Dans une histoire, il doit y avoir des enjeux élevés aux conséquences sérieuses : ce sont des questions de vie ou de mort, de loyauté ou de trahison, d’amour ou de devoir.

Il y a trois vérités essentielles sur Bruce Wayne :

  1. Il a juré de protéger la population de Gotham City,
  2. L’alter ego de Bruce Wayne (Batman) est le seul à pouvoir les protéger,
  3. Le code moral de Wayne lui interdit de tuer.

A propos de code moral, lire :
LE SENS DE L’ETHIQUE

Un élément dramatique incontournable est le dilemme. Les auteurs de The Dark Knight : Le Chevalier Noir ont donc forcé Bruce Wayne dans une situation où il n’a que deux options possibles :

  1. Révéler qu’il est Batman et se rendre aux autorités,
  2. Tuer le Joker.

C’est un choix impossible, un véritable dilemme.

A lire :
DILEMMES
CONFLIT INTERNE
EMOTIONS & PERSONNAGE

Maintenant, ce qui maintient tous ces éléments dramatiques et ces  informations en un tout cohérent est le thème sous-jacent de cette histoire :
Le désespoir pousse les hommes à agir d’une manière auto-destructive et chaotique.

L’intérêt de bien comprendre son thème est qu’il est un guide narratif pour définir les actions, les épreuves, les dialogues et pour donner un tour précis à son intrigue.
Le thème maintient l’attention du lecteur. Si vous vous retrouvez bloqué quant à l’intrigue ou à ce que doit faire votre personnage, cherchez les réponses dans votre thème.

Afin de renforcer le dilemme (ou bien de le préparer), le personnage principal devrait agir (ou être forcé d’agir) d’une manière que l’on n’attend pas de lui mais qui correspond au thème :

  • Bruce Wayne place sa confiance en un homme politique : le procureur Harvey Dent. Cette alliance sera un facteur important dans la création du dilemme à venir.
  • Bruce Wayne ignore les avertissements et les conseils de Jim Gordon, de Alfred son majordome et confident, de Harvey Dent, de Lucius Fox et de Rachel et prend la décision de révéler son identité.
  • Bruce Wayne torture un suspect lors d’un interrogatoire.
    Lire à ce sujet :
    LA MORALITE DU PERSONNAGE
  • Bruce Wayne vole une technologie développée par Lucius Fox (auquel il voue pourtant une amitié sincère quoiqu’un peu entachée par son secret) pour porter atteinte à la vie privée des citoyens de Gotham City qu’il a pourtant juré de défendre avec honneur.
  • Bruce Wayne se sent responsable de la mort de Rachel et laisse Batman en assumer la responsabilité.

Toutes ces décisions et actions sont décrites dans des scènes et elles constituent le fondement de l’intrigue. Elles sont toutes reliées au thème et servent à lui donner de la substance.

Le thème implique aussi (en les obligeant) des actions irrationnelles de la part des autres personnages :
– Harvey Dent se livre lui aussi à la torture,
– Jim Gordon simule sa propre mort sans se soucier des conséquences de ne pas avertir sa famille.

Par ailleurs, le thème contrôle aussi l’objectif du Joker :
Le Joker ourdit une intrigue compliquée terroriste fondée sur la peur qui pousse les gangs, Batman et les habitants de Gotham City au désespoir.

Si vous avez bien compris de quoi parle votre histoire, c’est-à-dire l’idée que vous souhaitez explorer et ce que vous voulez dire, alors la page blanche vous semblera moins intimidante.