Developper son idee

Par William Potillion @scenarmag

L’inspiration peut prendre trois formes : un personnage, une prémisse pour une intrigue ou bien un monde.
Cependant aucun de ces concepts est suffisant pour créer une histoire.
Vous avez l’idée d’un personnage. Ok mais insuffisant. Posez-vous ces questions :

  • Qu’est-ce qui pourrait arriver de plus intéressant à votre personnage ?
  • Quel pourrait être son pire cauchemar ? autrement dit ce qui l’effraie le plus dans sa vie.
  • Quel est son plus grand rêve ? A quoi aspire-t-il le plus ?

De même, avoir une prémisse est un bon départ mais elle ne fait généralement pas ressortir votre personnage principal. Vous allez devoir distinguer parmi tous les personnages que laisse entrevoir votre prémisse entre ceux qui sont des rouages de l’intrigue et celui qui sera votre protagoniste. Vous pourrez alors déterminer :

  • Quel type de personne est votre personnage principal ?
  • Comment votre intrigue  va-t-elle permettre à ce personnage d’évoluer ? (autrement dénommé arc dramatique)
  • Qu’est-ce qui fait de ce personnage le personnage qu’il fallait pour cette histoire ?

Vous pourriez aussi avoir l’idée d’un monde, c’est-à-dire plus précisément de circonstances, de situations. Ce pourrait être un tsunami tout comme quelque chose de plus intime comme un chauffard qui après un accident vit dans un monde de culpabilité.
L’histoire prend ainsi appui sur le substrat que vous lui offrez. Mais là non plus, ce ne sera pas suffisant pour créer cette histoire. Vous allez devoir travailler ce chauffard, par exemple, s’il est votre personnage principal. Qui est-il ? Et que va-t-il lui arriver ? Qu’allez-vous faire de cette culpabilité pour qu’elle prenne part à une fiction que vous avez l’intention d’écrire ?

Les 5 éléments dramatiques

Vous allez donc devoir assembler les cinq éléments dramatiques indispensables que sont :

  1. Le personnage
  2. Le dilemme (ou conflit)
  3. Les enjeux
  4. Les obstacles
  5. La résolution

Donc, à partir de votre idée, livrez-vous à quelques séances de brainstorming sur les cinq éléments dramatiques pré-cités. Vous pourriez vous rendre compte que votre idée initiale n’est peut-être pas aussi intéressante que vous le pensiez. Mieux vaut en changer tôt que tard.

La première approche au brainstorming est la recherche documentaire sur votre sujet. Si un domaine particulier vous est inconnu, autant découvrir le plus pertinent sur lui. Vous pourriez en tirer des idées d’événements, de personnages ou de rebondissements.

Une autre question est à se poser à propos de votre idée de prémisse. A savoir, si vous étiez lecteur de votre histoire, qu’aimeriez-vous y trouver ? Tenter de répondre à cette question peut sérieusement vous aider à orienter votre histoire dans la bonne direction.

Les 6 questions à se poser à partir de votre idée
  1. Qui est mon personnage principal ?
    C’est indéniablement la première réponse que vous devrez apporter. Connaître votre personnage principal, ses forces, ses faiblesses est le meilleur ticket d’entrée dans une histoire.
    A lire :
    PERSONNAGE A TROIS DIMENSIONS
    CONFLIT INTERNE
    LE CONFLIT EST VOTRE PERSONNAGE
    VOGLER : L’ARCHETYPE DU HEROS
  2. Pourquoi devrions-nous être intéressé par ce qui lui arrive ?
    Il est nécessaire que le lecteur sympathise avec le personnage, ses problèmes, sa situation personnelle…
    A lire :
    LA PEUR & L’EMPATHIE
    EMPATHIE
    EMOTIONS & PERSONNAGE
  3. Que veut le personnage ?
    Et il le veut absolument. Il est vraiment motivé pour l’obtenir. La motivation du personnage passe par les enjeux. Qu’a-t-il à perdre s’il échoue ? Ce que veut le personnage concerne essentiellement sa mission dans l’histoire, l’objectif qu’il doit atteindre.
    A lire :
    STORY GOAL (COMPARAISON HAUGE/DRAMATICA)
    LE STORY GOAL
    DES IDEES DE CONFLIT
  4. Qu’est-ce que le personnage principal est prêt à faire pour obtenir ce qu’il veut ?
    Y compris des actes immoraux, contre sa nature profonde.
    A lire :
    WILLIAM INDICK : DU CONFLIT – PART 1
    WILLIAM INDICK : DU CONFLIT – PART 2
    WILLIAM INDICK : DU CONFLIT – PART 3
    WILLIAM INDICK : DU CONFLIT – PART 4
  5. Quels sont les enjeux ?
    Plus les enjeux sont élevés relativement à votre personnage principal (il faut que cela le concerne personnellement), et plus vous aurez de tension à gérer.
    A lire :
    BUTS, ENJEUX & URGENCE
    MEME LES PLUS PETITS ENJEUX SONT DE GRANDS ENJEUX
    TOY STORY : LA SEQUENCE, UNITE STRUCTURELLE (1)
  6. Quel est l’obstacle majeur bien décidé à empêcher votre héros d’atteindre son but ?
    C’est à l’antagoniste que revient cet honneur. Gardez à l’esprit cependant que le héros lui-même peut être son principal antagonisme. Dans ce cas, le héros aura à lutter contre lui-même afin de surmonter cet handicap et réussir sa mission.
    A lire :
    CONFLIT ET OBSTACLES : FORCES MOTRICES
    CONFLIT INTERNE
    DRAMATICA : LES ELEMENTS DE STRUCTURE
Qui est mon personnage principal ?

Dans toute histoire, il faut un et un seul personnage principal. Le protagoniste est celui qui fait avancer l’intrigue, le personnage principal est le personnage envers qui l’empathie du lecteur est dirigé. La plupart du temps, protagoniste et personnage principal sont tenu par le même player (terme emprunté à Dramatica).

Le personnage principal est celui qui prend les décisions qui font avancer l’histoire ou l’intrigue. Même dans une histoire où des personnages semblent être tous importants  (les histoires de Buddy comme disent les anglo-saxons), il faut parvenir à en distinguer un qui sera qualifié de principal. Cela est nécessaire au niveau structurel de votre histoire.

Nous vous conseillons de lire
ECRIVEZ VOTRE ROMAN ETAPE PAR ETAPE
de Melanie Anne Philipps qui est un véritable guide sur la composition d’une histoire (roman ou scénario, la traduction est assurée par nos soins).

Pourquoi devrions-nous être intéressé par ce qui lui arrive ?

Rien ne prouve que ce qui va arriver à votre héros intéressera votre lecteur. Ce ne sont pas les événements qui comptent, ils colorent l’intrigue mais ce ne sont que des faits auxquels le lecteur ne prête qu’une attention superficielle.
Ce qui le passionne bien davantage est votre personnage principal. Une idée pour une histoire devrait être axée sur les personnages pour être vraiment attirante pour un lecteur.

Notez que votre héros n’a pas l’obligation d’accomplir des actes héroïques ni être extrêmement sympathique pour retenir l’attention du public. Il peut être quelqu’un de tout à fait ordinaire auquel il arrive des choses extraordinaires (c’est-à-dire parfaitement nouvelles en ce qui le concerne).
Et considérez des personnages comme Michael Corleone ou Tony Soprano. Ils ne sont pas vraiment versés dans le bien et pourtant, les auteurs en ont fait des personnages principaux tout à fait efficaces.

A lire :
LE SENS DE L’ETHIQUE

Si la personnalité de votre personnage principal n’est pas particulièrement attirante (parce que c’est ainsi, vous êtes le maître de votre histoire, après tout), il peut cependant être  sympathique pour le public qui se concentre alors sur  la noblesse de son objectif.
Un petit voleur à la tire plutôt mal barré dans la vie peut devenir tout à fait un personnage que le lecteur va vouloir suivre dès lors que sa mission dans l’histoire sera d’abattre un caïd vraiment machiavélique qui aurait commandité le meurtre de son frère, par exemple.
L’idée est de donner en pâture à votre lecteur une figure encore plus haïssable. C’est comme si vous mettiez des niveaux à l’abjection. On va naturellement vers le moins abject et après tout, la vengeance peut mener à la rédemption.

Une solution serait donc aussi de montrer que votre personnage principal n’a pas de prime abord tous les atouts pour lui pour être sympathique mais si vous montrez qu’il a le potentiel pour changer d’ici la fin de votre histoire, nul doute que le lecteur le suivra bien volontiers (vous jouez à ce moment-là avec son arc dramatique en faisant de lui quelqu’un de meilleur qu’il ne l’était au début de son aventure).

Que veut le personnage ?

Pour qu’il y ait une histoire, votre personnage doit avoir un objectif. Cet objectif est d’ailleurs la source du conflit puisqu’il existe dans toute bonne fiction qui se respecte un antagonisme qui a pour fonction de nuire au personnage principal pour qu’il ne réussisse pas à réaliser cet objectif.

Certaines histoires illustrent aussi un personnage un peu particulier qui ne cherche pas à nuire au héros mais plutôt à le tenter vers d’autres solutions que l’atteinte de l’objectif. Ce personnage particulier tente d’influencer le personnage principal mais il n’est pas un antagoniste même si parfois son comportement pourrait laisser supposer le contraire.

Quoi qu’il en soit, l’objectif, le but à atteindre est l’élément dramatique sur lequel doit se concentrer l’histoire. C’est sur cet objectif que porte l’intrigue.

A lire :
QU’EST-CE QU’UNE INTRIGUE ?

L’objectif du héros doit être visible de tous (les autres personnages ainsi que le lecteur). Il doit être spécifique et significatif de votre intrigue. Si le but du héros est la vengeance, alors nous devrons être capable de voir si cette vengeance est assouvie ou non à la fin de l’histoire.

Ce but à atteindre est la voyage extérieur du héros. C’est ce que veut le personnage et il est prêt à tout pour l’avoir. Par contre, il existe un autre voyage beaucoup plus accrocheur et passionnant pour le lecteur qui consiste à faire évoluer intérieurement le personnage. A travers les épreuves et les obstacles, le personnage prend conscience de ses faiblesses. Ce n’est que lorsque celle-ci seront surmontées, qu’il pourra tenter avec quelques chances de succès, de réussir l’objectif extérieur.

Ce que veut le personnage dans une histoire ne doit pas être traité avec trop de légèreté. La viabilité de l’intrigue en dépends. Les enjeux en dépendent. La tension en dépends.
Si, par exemple, la fille de votre héros a été enlevée, sa mission sera de retrouver son enfant par tous moyens. L’enjeu est clair : c’est la vie de sa fille. Ses actions même les plus immorales seront alors légitimées par l’importance de sa mission.

Qu’est-ce que le personnage est prêt à faire pour obtenir ce qu’il veut ?

Par définition, votre protagoniste est actif. Il prend des décisions et agit, c’est à cela qu’on le reconnaît. L’action peut prendre n’importe quelle forme. Elle peut être certes physique comme de pourchasser les ravisseurs de sa fille à toute vitesse à travers les rues de la cité mais ce peut être aussi de séduire quelqu’un.

Votre personnage principal a certainement des valeurs, des idéaux, un code moral. Il doit être prêt à faire des choses que l’on ne s’attend pas de lui et qui vont venir en contradiction relativement à sa moralité. Ces actes immoraux (comme se livrer à la torture sur un autre personnage) seront justifiés par l’enjeu de sa mission. Le personnage doit vraiment être prêt à tout faire pour réussir son objectif. Cette volonté inébranlable le rend fascinant.

Autrement dit, lorsque vous écrivez une scène d’action, faites de l’action mais rien ne vous empêche de préparer vos scènes d’action.

A lire :
NE NEGLIGEZ PAS LE SUSPENSE !
LE GRAND HUIT DE LA TENSION

Quels sont les enjeux ?

C’est par les enjeux que le but est significatif de l’intrigue. Pour les déterminer, posez-vous quelques questions :

  • Qu’est-ce que cela signifie pour votre personnage principal s’il réussit ou échoue son objectif ? Il lui faut des raisons crédibles et sérieuses pour être motivé à ce point.
  • Comment cela affectera sa vie ? Au début de l’histoire, votre héros avait un quotidien. Celui-ci a été bouleversé par un événement. Après qu’il ait pris en charge son problème, ait vécu son aventure, il a retrouvé un nouvel équilibre. C’est ce retour à la normalité (une normalité cependant différente) que vous devez envisager comme conséquence de la réussite, ou de l’échec d’ailleurs, de l’objectif.

Le père dont la fille a été enlevée a réussi à la récupérer. Il retrouve une vie de famille mais maintenant, il est devenu un père bien meilleur qu’il ne l’était au début de l’histoire. Le message sous-jacent indépendant de l’objectif porte sur la relation entre un père et sa fille. Toute cette aventure servait à démontrer l’importance d’une relation entre le père et sa fille.

Quel est l’obstacle majeur bien décidé à empêcher votre héros d’atteindre son but ?

C’est le principal obstacle sur la route du succès pour votre héros. Il peut y avoir d’autres obstacles mineurs selon les besoins de votre intrigue mais les obstacles et les épreuves les plus significatifs sont tous reliés à une même source : l’antagonisme de votre personnage principal.

Vous ne pouvez avoir un héros sans antagonisme. C’est dans la définiton même de la dramaturgie. Si l’antagoniste ne peut être incarné, la source est alors le personnage principal lui-même. Dans ce cas là, il faudra mettre en place dans les comportements, les attitudes, les postures, les réactions de votre héros des indices suffisamment forts pour transmettre cette information à votre lecteur. Gardez à l’esprit que vous devez montrer et non dire ce qui se passe à l’intérieur de la tête de vos personnages.

Vaincre son antagonisme  s’il y parvient prendra tout le temps de l’intrigue, c’est-à-dire de l’acte Deux voire de l’acte Trois si votre climax a lieu au cours de celui-ci. L’ultime confrontation selon les structures peut avoir lieu en effet à la fin de l’acte Deux ou au début de l’acte Trois, tout dépends comment vous vous arrangez avec votre structure.

Il semble logique aussi que votre héros ne vainque pas son ennemi assis dans son fauteuil à l’abri de son home. L’action est nécessaire d’autant que l’antagoniste réagira aux actions du personnage principal (pour le contrer).

Les obstacles que vous placerez sur le chemin du héros devront être bien pensés et significatifs de la prise de conscience qu’ils ne manqueront pas d’occasionner chez le héros. D’ailleurs, le lecteur jugera votre personnage principal à l’aune des obstacles qu’il aura à surmonter et d’autant plus si ceux-ci adressent directement la faiblesse reconnue du héros mais rarement immédiatement par lui. Les événements qu’il vivra lui permettront cependant de comprendre cette faille dans sa personnalité et les efforts qu’il tentera alors pour la combler ajouteront à l’empathie du public envers lui.