Avant que vous ne puissiez vraiment comprendre la structure, le personnage, les dialogues ou l’action et toutes ces autres choses de l’arsenal du scénariste, il vous faut comprendre les fondamentaux de la narration.
Par définition, une histoire requiert trois choses :
- Un personnage. Celui-ci n’a pas besoin d’être humain mais il doit se comporter comme un humain (du moins, crois-t-on reconnaître des attitudes humaines comme chez Mickey).
Le personnage est l’élément dramatique indispensable lorsqu’il s’agit de narration. - Un dilemme. Le personnage doit avoir un problème à résoudre. Si tout va bien pour votre personnage, alors, vous n’aurez pas d’histoire. Une narration montre comment nous résolvons des problèmes (par personnage interposé). C’est ainsi que Dramatica a posé le concept du Story Mind en étendant le processus de résolution de problèmes qui est un vrai processus de la vie réelle (du moins, la vie psychique) à celui de la narration.
A lire :
DRAMATICA : LES ELEMENTS DE STRUCTURE - Une résolution. Si le dilemme (ou conflit majeur de votre histoire) n’est pas résolu, l’histoire ne sera pas complète (elle laisse un sentiment de frustration car la réponse à la question dramatique majeure n’a pas été donnée).
Le dilemme soulève une question dramatique (habituellement si le héros réussira ou non sa mission). Il faut que cette réponse soit donnée au lecteur même si la fin de votre histoire n’est pas heureuse. Il faut que le lecteur sache ce qui s’est passé. La narration consiste à apporter des réponses aux questions qu’elle soulève quel que soit la réponse (ou le message) que l’auteur veut faire passer.
A lire :
LA FICTION (1)
LA FICTION (2)
LA FICTION (3)
Ces trois éléments dramatiques vous permettent d’avoir une histoire. On très proche en fin de compte de Hegel et de la thèse (l’affirmation est le personnage), de l’antithèse (la négation est le dilemme) et de la synthèse (le dépassement de la contradiction est la résolution qui est une forme d’équilibre mais n’est pas un retour à la normale, à l’affirmation).
Cependant, un narration implique aussi un aspect dramatique c’est-à-dire un récit construit, conforme à la dramaturgie. Si vous ne travaillez pas convenablement votre dilemme, vous aurez certes une histoire, mais certainement pas une bonne histoire.
Par exemple, un personnage meurt de faim et… il se rend dans sa cuisine et ouvre son réfrigérateur. C’est une histoire mais pas vraiment une bonne histoire.
il vous faut donc rajouter deux éléments dramatiques que sont les obstacles (générateurs de conflits) et les enjeux (générateurs de tension).
Les obstacles, évidemment, s’interposent entre l’objectif du héros et la réussite de cet objectif. Plus les enjeux sont élevés pour votre personnage principal, plus il y aura de la tension et plus dramatique sera votre histoire.
Les obstacles
Ils se tiennent entre le héros et son objectif. Votre personnage veut quelque chose (et il le veut vraiment) et il y a quelque chose qui se tient entre lui et ce quelque chose. Dès que des obstacles se présentent, l’histoire est tout de suite plus intéressante.
Les obstacles peuvent être de toute nature y compris des inhibitions chez le personnage lui-même. Ce peut être un arbre qui s’abat sur la route devant la voiture de votre protagoniste alors que sa femme est sur le point d’accoucher…. Tout ce qui peut nuire au héros dans l’atteinte de son objectif. De plus, il est préférable de commencer avec des obstacles mineurs que le protagoniste pourra surmonter ou contourner et s’il n’y arrive pas qui auront de faibles répercussions sur ces décisions. Cependant, une montée progressive de la difficulté doit atteindre son apogée au moment du climax (l’ultime confrontation, l’ultime vérité pour le héros).
Les obstacles devront tout de même être significatifs (en regard de l’intrigue et peut-être même de votre thème, sinon vous risquez le hors sujet et l’incompréhension et la frustration de votre lecteur) et crédibles (si un arbre vient couper la route du héros, soit il y a une tempête, soit ses ennemis lui en veulent vraiment, mais dans les deux cas, l’arbre qui chute est légitime). Vous pourriez même rendre légitime la torture si votre personnage principal doit en passer par là pour retrouver sa femme ou sa fille enlevées par des méchants vraiment méchants. Dans ce cas, l’obstacle intervient au niveau du code moral de votre personnage, celui-ci devant lutter avec lui-même pour infliger cette torture mais cette fois, son action et sa décision sont justifiées par l’enjeu (la vie de sa femme et de sa fille).
A lire :
JOHN TRUBY : LES 7 ETAPES CLES D’UNE HISTOIRE (1)
JOHN TRUBY : LES 7 ETAPES CLES D’UNE HISTOIRE (2)
JOHN TRUBY : LES 7 ETAPES CLES D’UNE HISTOIRE (3)
Les enjeux
Qu’est-ce qui est en jeu pour votre personnage ? Plus l’enjeu est important, plus dramatique sera votre histoire et donc plus captivante sera-t-elle…
L’enjeu est un concept délicat. Evidemment, plus l’enjeu sera élevé et plus l’histoire sera passionnante. Mais la vérité (ou du moins l’approche à retenir) est que l’enjeu doit être en rapport intime avec votre protagoniste.
La quantité n’est donc pas aussi importante que la qualité lorsqu’il s’agit d’enjeux.
A lire :
BUTS, ENJEUX & URGENCE
MEME LES PLUS PETITS ENJEUX SONT DE GRANDS ENJEUX
Les enjeux doivent être déterminés en regard des conséquences personnelles pour le personnage principal. Plus ces conséquences seront dramatiques et plus les enjeux seront élevés.
L’objectif du héros comporte certes un enjeu mais ce qui compte est ce que risque de perdre ou de gagner votre personnage principal et qui ne concerne que lui. Il y a donc un enjeu extérieur et un enjeu intime (plus spécifiquement dramatique).
L’enjeu peut donc être positif ou négatif. La question que devrait se poser le lecteur est de savoir ce que le personnage principal pourrait réussir à obtenir de bon s’il réalise son objectif (que celui-ci soit extérieur, c’est-à-dire la mission du protagoniste dans cette histoire ou plus personnel comme de combler une faille dans sa personnalité) ou bien ce qu’il risque de perdre s’il ne réussit pas. Notez que s’il échoue dans sa mission, cela ne signife pas nécessairement qu’il a échoué aussi sur le plan personnel. L’échec de sa mission pourrait mener à une rédemption du héros, c’est une question de rétribution des âmes, en quelque sorte.
Dans le cas d’un enjeu négatif, la peine ou la sanction ou la comdamnation doit être significative. Que deviendrait la vie de votre personnage s’il échouait ? Il ne peut pas se contenter seulement de recommencer !
Donc pour parer à ceci, il est établi très tôt que pour Richard, il y a deux types de personnes au monde : les gagnants et les perdants. D’ailleurs, il fait dire à Olive avant le départ pour le concours qu’elle sait qu’elle peut gagner. Mais plus tard, Olive confesse qu’elle craint que son père (Richard) ne l’aime plus si elle perd. Les enjeux sont en fait au cœur de la relation entre Richard et Olive, entre un père et sa fille. Que Olive perde et ces relations seront gâchées. C’est un enjeu bien plus dramatique.
Si les enjeux vous semblent un peu faibles, cherchez du côté de vos personnages pour les configurer. Si Richard s’était contenté de supporter sa fille quelque que soit le résultat du concours, cela aurait manqué de puissance dramatique. La philosophie de Richard concernant les gagnants et les perdants augmente substantiellement les enjeux et leur donne une touche dramatique bienvenue (et surtout nécessaire).
L’intérêt de mettre en place des enjeux négatifs est que les personnages sont davantage piéger dans l’histoire, c’est-à-dire qu’il leur est difficile d’échapper à leur aventure. L’enjeu leur interdit de quitter l’histoire sous un prétexte quelconque car l’enjeu est là pour leur rappeler les conséquences d’un échec ou d’une fuite devant leurs responsabilités.
Intériorité & Extériorité
Une narration consiste en deux voyages : un voyage intérieur et un voyage extérieur.
Le voyage extérieur sont les actions et les décisions que prend le personnage. Lorsqu’il s’agit du protagoniste, ces décisions et actions sont toutes orientées vers l’obtention de son objectif, de son but dans cette histoire. Ce voyage extérieur se déroule au cours de l’intrigue (l’acte Deux).
Le voyage intérieur décrit le changement émotionnel et psychologique de votre personnage. Ce voyage est dénommé arc dramatique. Il s’agit essentiellement d’une évolution de la psyché de votre personnage. A la fin de l’histoire, il ne voit plus les choses de la même façon.
Les histoires peuvent mettre l’emphase sur l’un comme sur l’autre. Les narrations les plus efficaces sont celles cependant qui mettent en avant l’arc dramatique du personnage principal. La raison évidente est de répondre à la question de la pertinence des événements s’ils n’affectent aucunement le personnage.
L’action extérieure est par définition visible de tous (personnages et lecteurs). Concernant l’intériorité du personnage, un scénario étant un outil de travail pour un médium visuel, il faut montrer par des comportements, des réactions, des postures… les émotions et les sentiments qui traversent le personnage.
Une narration efficace consiste à faire en sorte que les événements extérieurs poussent le personnage à changer. Le changement qui s’opère alors à l’intérieur du personnage (qui apprend ainsi des épreuves qu’il traverse) influence les événements jusqu’à ce que le personnage prenne conscience de ce qui le taraude depuis le début de son aventure et qui l’empêchait de prendre les bonnes actions pour accomplir son dessein (ou sa destinée, si vous préférez).
Vous constaterez souvent d’ailleurs que tant que le personnage n’est pas venu à bout de ces problèmes personnels, il est dans l’incapacité de résoudre le problème externe, sa mission.