Witness de Earl W. Wallace et William Kelley, d’après une histoire de Pamela Wallace, Earl W. Wallace et William Kelley dirigé par Peter Weir en 1985 est composé de plusieurs éléments narratifs.
C’est un thriller et une Love Story. C’est aussi l’histoire d’un choc culturel mais surtout et c’est ce qui le rend si intéressant, Witness nous conte un développement personnel et une exploration de soi.
Witness démarre avec la communauté Amish. Cette communauté basée sur des convictions morales, religieuses et culturelles très spécifiques est quelque peu isolée mais indépendante. Les pratiques culturelles se démarquent nettement de celles du monde extérieur.
Lorsque le personnage principal Rachel et son fils Samuel quittent leur foyer pour rendre visite à une cousine à Baltimore, leur tenue et leurs valeurs sont observés par ceux qu’ils croisent comme un charme quelque peu désuet. La distance entre la communauté Amish et le monde extérieur (le mode de vie communément accepté) est ainsi marqué.
Sur le retour, Samuel est témoin d’un meurtre horrible. Comme témoin principal de l’affaire, Samuel et donc Rachel sont coincés à Baltimore pour un temps indéterminé.
John Book, un policier aguerri, est chargé de l’affaire.
Après la découverte que le crime a été commis par des policiers corrompus, John Book est obligé de fuir et trouve refuge auprès de la communauté Amish.
Nous pouvons noter ici la symétrie (ou l’effet miroir) entre la situation de Rachel et de Samuel qui égale celle de John Book : tous trois ont découvert ou découvre un nouveau monde marqué par le danger, l’étrangeté (autre manière de dire l’inconnu) et un manque évident de bienvenue.
Comme tout bon protagoniste qui se respecte, John Book est très opposé à ce nouvel environnement et éprouve certaines difficultés à s’y intégrer. Il refuse tout d’abord cette aventure puis progressivement, Book ira à la découverte de lui-même dans le même temps qu’il appréciera cette communauté Amish.
Il est établi très tôt dans le scénario que John est un individu plutôt indépendant d’esprit, voire suffisant et incapable de travailler en commun avec autrui. C’est le défaut principal de sa personnalité. Une faille qu’il devra surmonter au cours de son aventure et qui entre en conflit avec le mode de vie Amish. Pour fonctionner à l’intérieur de la communauté, il devra apprendre à travailler avec les autres en se départissant de son esprit de supériorité et de son indépendance entêtée.
A la fin de l’histoire, il est effectivement devenu un être meilleur en ressentant profondément non seulement du respect pour les Amish mais aussi pour leur mode de vie si particulier (et si éloigné de ses propres valeurs).
Au cours du climax (l’ultime confrontation avec les flics corrompus), c’est avec l’aide de la communauté qu’il parviendra à prendre le dessus (après avoir fait le plus gros du travail seul puisque conformément à la règle du climax, le héros est seul face à son adversaire). C’est ici l’exemple parfait que l’on peut briser certaines règles à condition de le faire intelligemment et non contre l’histoire.
A propos de valeurs et malgré son changement profond de point de vue, Book ne parvient cependant pas à perdre ses valeurs concernant son mode de vie. Il intervient contre les adolescents qui maltraitent les Amish et n’hésitent pas à tuer sans remord apparent lors du climax.
Ainsi, il semble logique qu’il n’abandonne pas la vie de la ville pour rester auprès de Rachel et que cette dernière ne le suive pas.
Cela ne signifie pas que tous deux n’ont pas changé. Ils ont tous deux accepté le mode de vie et les valeurs de l’autre. Ils ont chacun développé une profonde compréhension et un respect pour l’autre mais dans le même temps leurs propres valeurs personnelles se sont affirmées et renforcées.
Il est à noter la pudeur avec laquelle la relation entre Rachel et John est montrée. Tout est dans le regard. Lorsque John par exemple s’éveille après son évanouissement, il aperçoit Rachel endormie et le regard qu’il pose sur elle est étonnant.
De même, lorsque Rachel sert à boire à la table des festivités, plusieurs hommes ne se cachent pas pour l’observer indiquant par là l’attrait magnétique dont Rachel ne semble pas avoir conscience la concernant. Rachel attire donc le regard des hommes. Mais elle l’ignore et c’est tout naturellement que John porte sur elle un regard énigmatique.
Ensuite, afin de développer leur relation, d’autres scènes toutes faites de regard comme lors du bain de Rachel qui, surprise par l’arrivée impromptue de John, ne cherche pas à cacher sa nudité au regard de celui-ci. Alors même qu’elle refoule sa sensualité devant la communauté qui l’a clairement menacée de banissement si elle laissait ses passions submerger son âme.
On peut détecter d’ailleurs une ambivalence dans le comportement de la communauté entre le regard des hommes sur Rachel et leur volonté de la rejeter. Un rejet que Rachel n’accepte pas car il ne serait pas juste.
Notez aussi que le protagoniste et le personnage principal sont différenciés. Rachel est le personnage principal et en tant que tel, c’est par elle que nous nous identifions. John Book prend les décisions qui font avancer l’intrigue. Il décide par exemple de lui-même de participer à la vie de la communauté en respectant les règles de celle-ci (même si l’on a droit à quelques remarques). C’est lui aussi qui prend la décision de ramener Rachel et Samuel chez eux.
Cette séparation des fonctions fait que nous n’avons pas à proprement parler de héros dans cette histoire mais ce schéma renforce l’impact du regard, élément majeur et vecteur d’émotions.
Malgré que John et Rachel suivront désormais chacun un nouveau chemin, le message de witness nous convie à une reconnaissance et à une affirmation de nos valeurs personnelles, de notre dignité et de notre sentiment d’appartenance.
En effet, alors qu’il semblerait que les Amish ait accepté John et que s’ouvre pour lui manifestement une joie de vivre auprès de Rachel, Book décide cependant de repartir.