Spectre

Par Inglourious Cinema @InglouriousCine
Un message cryptique surgi du passé entraîne James Bond dans une mission très personnelle à Mexico puis à Rome, où il rencontre Lucia Sciarra, la très belle veuve d’un célèbre criminel. Bond réussit à infiltrer une réunion secrète révélant une redoutable organisation baptisée Spectre. Pendant ce temps, à Londres, Max Denbigh, le nouveau directeur du Centre pour la Sécurité Nationale, remet en cause les actions de Bond et l’existence même du MI6, dirigé par M. Bond persuade Moneypenny et Q de l’aider secrètement à localiser Madeleine Swann, la fille de son vieil ennemi, Mr White, qui pourrait détenir le moyen de détruire Spectre. Fille de tueur, Madeleine comprend Bond mieux que personne… En s’approchant du cœur de Spectre, Bond va découvrir qu’il existe peut-être un terrible lien entre lui et le mystérieux ennemi qu’il traque…

Spectre – 11 Novembre 2015 – Réalisé par Sam Mendes
Après « Skyfall », le défi pour lui succéder était des plus durs ! Succès immense au box office, unanimement salué par la critique, l’œuvre de Sam Mendes s'inscrivait comme l'un des « Bond » majeur dans cette grande saga. Si bien que lorsque la succession de Mendes fut entamée, très vite il n'y a eu qu'un nom qui est revenu sur le devant de la table, celui de Sam Mendes ! Il eut alors toutes les cartes en main pour imposer ses désirs et faire attendre les producteurs, car très honnêtement quand on fait gagner plus d'un milliard de dollars quels employeurs refuseraient de te reprendre ? C'est ainsi que 3 ans plus tard naquit « Spectre », la suite de Skyfall, que je n'ai malheureusement pu voir au cinéma parce qu'un idiot me l'a spoilé sur Twitter !

"We are not now that strength which in old days moved earth and heaven, that which we are, we are. One equal temper of heroic hearts, made weak by time and fate, but strong in will. To strive, to seek, to find, AND NOT TO YIELD."
On avait quitté l'ancien M en train de défendre l'utilité du programme OO, une donnée qui n'a hélas pas changé, surtout quand Bond est mêlé a la destruction d'un immeuble pendant la fête des Morts au Mexique ! M « Mallory » est sur les dents et intime à James Bond de donner des explications, sauf que le flegme légendaire de 007 lui fait dire que ce n'était qu'une coïncidence. Malgré ça il est consigné à Londres jusqu'à nouvel ordre pendant que M tente de sauver ce qui peut l’être. Hélas James Bond à reçu ses propres ordres, une vidéo de l'ancien « M » lui intimant de tuer un homme (Marco Sciarra) et d'aller à ses funérailles. Une fois à Rome, il trouve la trace de l'organisation a laquelle est affilié Sciarra ! Il découvre ainsi que les morts sont toujours vivant et qu'ils vont l’entraîner dans l'antre du S.P.E.C.T.R.E !

"SPecial Executive for Counter-intelligence, Terrorism, Revenge and Extortion"
Revoilà enfin le SPECTRE ! C'est l'organisation criminelle emblématique de la saga James Bond; sauf que l'on ne l'avait plus vu depuis les années 70, car les droits de certains personnages comme Blofeld et du Spectre appartenait au scénariste Kevin McClory. Pour faire simple McClory et un autre scénariste (Jack Whittingham) travaillèrent avec Ian Fleming sur le scénario du film qui allait s’appeler « Opération Tonnerre ». Alors qu'ils avaient fini une mouture satisfaisante, approuvée par Ian Fleming; lui écrit un roman qui contient de nombreux éléments du scénario de McClory. Lors de la parution de ce dernier, il veut le faire interdire, mais après de nombreuses tractations conclues par un accord, McClory acquis les droits littéraires et cinématographiques concernant le scénario, alors que Fleming reçu les droits du roman. Le litige prit fin en 2013 avec la rétrocession des droits possédés par la famille McClory à Danjaq LLC, la société sœur de EON Productions qui gère les droits des copyright de la saga James Bond.
John Logan scénariste sur Skyfall revient ici pour signer le scénario de « Spectre ». Une histoire relativement contemporaine, sur des sujets d'actualités comme la surveillance de masse et le terrorisme, le tout dans un enrobage classique qui à déjà fait ses preuves. Le scénario de Logan sera remanié plus d'une fois, notamment par Neal Purvis et Robert Wade, puis encore une fois par un certain Jez Butterworth. Alors que le tournage est prévu pour début décembre, le 24 novembre, les données volées lors du hack de chez Sony fin novembre montre l'envers d'une production assez chaotique. Elle fut rythmée par une réécriture constante du 3eme acte du film jugé mauvais et par d'incessantes recherches d'économies pour freiner les dépenses d'un film au budget pharaonique ! Tout cela se ressent à l'écran, le scénario est bancal, confus et parfois un peu facile, toutefois il se révèle suffisamment solide pour être en quelque sorte le premier « James Bond » classique de l’ère Daniel Craig.



Dans « Skyfall », le personnage incarné par Daniel Craig parlait de « Résurrection », un mot bien choisi pour expliquer sa situation dans le film, mais aussi par rapport à ses 4 films. James Bond est comme un phœnix ! A chaque acteur le personnage doit de se réinventer, se que la saga a su très bien faire à l'arriver de Daniel Craig. En trois films, ils ont su déconstruire le personnage, ses habitudes et ses codes pour le moderniser, lui donner un coup de jeune bienvenue dont « Spectre » est la suite logique. En 2002 la saga Jason Bourne débarque et file un coup de vieux à James Bond, si bien qu'en 2006 à la sortie de « Casino Royale », le ton, l'allure et les manières de 007 se sont adaptées à l'époque.
C'est ainsi que l'on découvre un James Bond qui n'est pas encore double- 00, qui apprend son métier et qui défie constamment sa mère « M » comme un enfant turbulent ! Un changement qui s'accompagne de profondes modifications, plus de Gun-Barrel, plus de gadgets, plus de Q ni de Moneypenny. Dans « Quantum of Solace », il est un adolescent qui vient de perdre son premier amour, il se sent trahi et il a une rage qu'il exprimera tout au long du film avec des affrontements qui se font de plus en plus brutaux, violents et difficiles. Un passage vers la maturité obligatoire, on le quitte d'ailleurs à la fin du film en paix et prêt pour la dernière étape « Skyfall ». Au cours de ce troisième film, on trouve un James Bond qui doit s'affranchir de son héritage familial, ainsi que de sa mère d'adoption qu'est « M » pour enfin être un « agent » à part ! Cela ne se passera pas sans mal, car il doutera de lui, de ses propres capacités et de son aptitude à accomplir sa mission. Malgré tout il ne se laissera pas gagner par l'impulsivité, il n'improvisera pas et montrera une réelle maturité pour résoudre ses problèmes. A la fin, les dernières traces de l’ère Brosnan sont du passé et les bases du renouveau de Bond sont enfin toutes posés. « M », « Q », « Moneypenny » sont bien là, prêt pour un écrire une nouvelle aventure.

"Welcome, James. It's been a long time... and, finally, here we are. What took you so long?"
C'est ici que « Spectre » fait fort ! Car nous ne sommes plus dans la réappropriation du mythe, le scénario garde la modernité apportée précédemment sauf qu'il lui amène logiquement les « marqueurs » habituels de la saga. On retrouve le cahier des charges classique de la saga avec le gunbarrel, un générique grandiloquent, 3 grosses scènes d'actions, 2 Bond Girls, des gadgets, une nouvelle Aston Martin, Q, M, Moneypenny, le fameux vodka martini, l'homme de main et le méchant emblématique … Et franchement c'est avec un plaisir non dissimulé que j'ai apprécié revoir tout cela, un mélange typique que Sam Mendes digère avec énormément de prestance, le travail de Van Hoytema n'y est pas non plus pour rien tant l'élégance ce dégage de ce film. En terme de rythme « Spectre » alterne les séquences d'actions, comme l'introduction à Mexico qui est juste sublime, la poursuite en Autriche ou encore la séquence de torture dans le QG de Oberhauser et les pauses dans le récit (plus ou moins maîtrisées) avec justesse, mais Mendes n'en oublie pas pour autant d'iconiser ses personnages, de les rendre humain et de réussir le retour de l'emblématique Blofeld.



"You're a kite dancing in a hurricane, Mr Bond."
Si le plaisir de retrouver un James Bond dit « classique », il n'est pas exempt de défauts ! Le premier et ce n'est que mon point de vue, le nouveau directeur de la photographie Hoyte Van Hoytema n'arrive pas au même résultat que son prédécesseur, l'illustre Roger Deakins. Alors qu'on se le dise, le travail de Van Hoytema n'est pas mauvais, il est en retrait par rapport au film précédent, ou le boulot de Deakins était une vrai composante de l'atmosphère du film.
Les autres points défaillant tiennes tous pour moi de l'écriture du scénario et bien évidemment de certaines facilités scénaristiques, en commençant par la continuité des 4 films. Sur « Casino Royale » et « Quantum of Solace », la saga tracer les contours d'une « organisation » malveillante à échelle mondiale qui commandait les agissements du Chiffre et de Dominic Greene, puis dans « Skyfall » on l'oublie avant de faire ressusciter ce lien comme par magie dans « Spectre » ! L'intention est louable mais le résultat au final est plus que bancal, car ce lien semble « factice », tout comme l'organisation en tant que telle, laissant ainsi plus de questions que de réponses. 


Ensuite il a ce défaut d'aborder deux sujets que deux films récents ont précédemment traités avec bien plus de finesse et de crédibilité. Le premier concerne le « Spectre » ! L'organisation emblématique de l'univers Bondien est l'archétype parfait de ce que doit être une organisation terroriste fictive, puissante, furtive et inarrêtable, mais il n'en est rien. D'une; elle s'intègre mal à la continuité des 3 derniers James Bond et de deux, le « Spectre » (Pour l'instant) peine à faire croire qu'elle est la menace qu'elle veut incarner. Tout le contraire du « Syndicat » de « Rogue Nation », qui offre une relecture quant à lui bien plus maligne du « Spectre » de Fleming.
La seconde, c'est la storyline de l'équipe du MI6. Elle a le mérite de leur donner de l’intérêt et d'évoquer un sujet d'actualité, « La surveillance de masse » ! Sauf qu'ici on a le même problème qu'avec la caractérisation du « Spectre », c'est traité bien maladroitement. Un film comme « Captain America : TWS » l'a traité avec bien plus de sérieux, en lui donnant la porté que l'on attend et en faisant de ce sujet, une préoccupation majeure pour la population. Et c'est tout le contraire ici ou cela ne semble concerner que 3 malheureux agents du MI6.


L'équipe du film tourne autour d'un solide noyau, avec des nouveaux qui apportent une solide plus-value. Pour commencer on trouve Rory Kinnear qui reprend exactement le même poste qu'il avait dans « Skyfall », celui du collaborateur de M avec le même flegme que précédemment ! Naomie Harris que l'on avait pas vu venir comme la nouvelle Moneypenny donne ici une nouvelle dimension à ce personnage mythique de la saga James Bond. Elle est la secrétaire de M, mais elle a un rôle plus actif, elle celle qui croit en Bond, qui le conseille et qui espionne pour lui, un rôle bien interprété par Naomie Harris avec intelligence et subtilité. Le talentueux Ben Whishaw se glisse avec classe dans les habits de Q pour la seconde fois et tout comme N.Harris, il à plus de latitude pour donner un Q « next-gen », qui désobéit ; qui couvre Bond, ceux que Desmond Llewelyn ou John Cleese n'auraient supporté et qui va aussi sur le terrain. Ralph Fiennes interprète M pour la toute première fois, une partition juste et en concordance avec sa prédécesseur, c'est net, carré et précis ! Juste ce qu'il faut pour que le trio Q, M et Moneypenny soit sur la même longueur d'onde.
Chez les méchants on trouve une fois encore Jesper Christensen dans le rôle de White, une présence indéniable et un talent réel pour une apparition qui marque les esprits ! Le petit écran est à l'honneur avec Andrew Scott, le « Moriarty » de Sherlock qui joue Max Denbigh ou « C », un rôle pas forcément valorisant, qui ne consiste hélas à n'avoir qu'un vague air suspicieux et menaçant, bien loin de son interprétation dans la série de la BBC. Dave Bautista tient quant à lui le rôle de l'homme de main Hinx, celui qui se relève toujours, qui n'abandonne jamais et qui est une menace permanente. Un rôle sur mesure pour la carrure majuscule de cet ex-catcheur qui commence à se tailler une place à Hollywood.


Les James Bond Girl sont aux nombres de 3 dont l'importance varie de zéro à très important ! Il y a donc Stephanie Sigman, que l'on aperçoit au début du film en compagnie de James Bond, la plantureuse Monica Bellucci dans le rôle de Lucia Sciarra, une veuve éplorée que Bond console dans la plus pure tradition bondienne, une scène qui est rattrapée heureusement par la présence et le talent de l'actrice italienne. Et celle qui à le meilleur rôle c'est Lea Seydoux ! Une actrice qu'habituellement je n'apprécie peu, mais ici elle est terriblement à son aise, un mélange de froideur, de séduction et d'autorité qui rend son personnage Madeleine Swann vraiment intéressant !
Plus le temps passe et plus Daniel Craig est à l'aise dans son rôle. Toujours aussi crédible physiquement, il alterne avec aisance gravité et moment plus léger sans toutefois verser dans la gaudriole de bas-étage. Une maturité dans l'appréhension de son rôle qui montre bien que son implication et son envie sont toujours intacte ! Christoph Waltz quant à lui donne son visage au méchant emblématique Ernst Stavro Blofeld avec tout le talent que l'on lui connaît. Cependant si il surjoue par moment, il est suffisamment iconisé pour que chacune de ses apparitions soient mémorables. 

Des maladresses, mais des intentions plus que louables font de ce "Spectre" un bon blockbuster, ainsi qu'un bon James Bond 

" Poster réalisé par Luke James"