Midnight Express (L'important est de ne jamais désespérer)

Par Olivier Walmacq

Genre : drame (interdit aux - 16 ans)
Année : 1978
Durée : 2 heures

L'histoire : Billy Hayes, touriste en Turquie, est arrêté à la frontière avec deux kilogrammes de drogue sur lui. Condamné à quelques jours de prison, le jeune homme découvre que sa peine a été muée en prison à perpétuité par le gouvernement souhaitant faire de son cas un exemple. Désemparé, Billy multiplie les procès et parcourt les prisons les plus sordides. 

La critique :

La carrière d'Alan Parker débute en 1974 avec deux courts-métrages (Our Cissy et Footsteps), puis avec une production destinée à la télévision (The Evacuees, 1975). En 1976, Alan Parker réalise son tout premier long-métrage, Bugsy Malone. Immédiatement, le cinéaste se distingue dans la profession. Par la suite, il va confirmer tous les espoirs placés en lui avec Fame (1980), Pink Floyd The Wall (1982), Angel Heart - Aux portes de l'enfer (1987), Mississippi Burning (1988), avant de disparaître (plus ou moins) de la circulation après La vie de David Gale (2003).
Vient également s'ajouter le terrible et polémique Midnight Express, sorti en 1978. A l'origine, le long-métrage est l'adaptation d'un roman homonyme et autobiographique de William Hayes, co-écrit avec William Hoffer.

La distribution du film réunit Brad Davis, Randy Quaid, Bo Hopkins, John Hurt, Paul L. Smith et Mike Kellin. Pour la petite anecdote, le scénario de Midnight Express est écrit par Oliver Stone, encore méconnu à l'époque. Evidemment, le futur réalisateur de Platoon et de Tueurs Nés reprend les grandes lignes du roman de William Hayes. L'opuscule s'inspire de l'histoire vraie de ce jeune homme américain, qui part en Turquie pour livrer deux kilos de haschich.
Evidemment, les fans du matériel original relèveront quelques petites différences entre le livre et l'adaptation cinématographique. Par exemple, la fin a été profondément modifiée. Néanmoins, Alan Parker et les producteurs sont séduits par le script d'Oliver Stone.

Pour le rôle de Billy Hayes, plusieurs acteurs seront auditionnés. Dans un premier temps, c'est Richard Gere qui est retenu pour le rôle. Mais parallèlement, Dennis Quaid et Brad Davis effectuent eux aussi des essais. Si Dennis Quaid se montre plutôt convaincant, c'est Brad Davis qui est finalement retenu, en raison d'une plus grande vulnérabilité. Toutefois, durant le tournage et pour les besoins du film, l'interprète est poussé dans ses derniers retranchements, aussi bien physiques que psychologiques.
Brad Davis ressort du tournage complètement harassé. Au moment de sa sortie, Midnight Express connaît un immense succès. Le long-métrage est presque unanimement salué et plébiscité par les critiques et la presse cinéma. Le film sera même récompensé par deux Oscars (meilleure musique originale pour Giorgio Moroder et meilleur scénario adapté pour Oliver Stone).

A contrario, le long-métrage est vivement gourmandé lors de sa sortie en Turquie. Pis, le long-métrage est nûment interdit et même accusé de racisme. Attention, SPOILERS ! William Hayes, jeune touriste américain, est en vacances avec sa petite amie Susan, en Turquie. Espérant se faire un peu d'argent, il tente de rentrer aux Etats-Unis avec deux kilogrammes de haschich répartis sur son corps et dissimulés sous ses vêtements. Le 6 octobre 1970, alors qu'il est sur le point de monter dans l'avion, il est, comme les autres passagers, soumis à une fouille de sécurité par des douaniers qui trouvent la drogue. 
Débute alors pour « Billy » un cauchemar interminable. De procès en procès, il se retrouve condamné pour l'exemple à trente ans de prison. Autant le dire tout de suite. On tient là un film choc, dérangeant et profondément déroutant.

Clairement, Midnight Express n'a pas usurpé son interdiction aux moins de 16 ans. Certes, certains tonneront probablement contre les acrimonies et les billevesées de certains dialogues, pour le moins très engagés contre le gouvernement turc, en particulier contre sa justice inique et tendancieuse. Le film se divise en quatre parties bien distinctes : la longue séquence se déroulant dans l'aéroport, la fuite dans les rues d'Istanbul, l'arrestation, puis le procès de Billy Hayes.
Lors de cette première section, Alan Parker décrit le long processus qui va conduire ce jeune touriste américain vers l'horreur, plus précisément dans un cauchemar parsemé par la claustrophobie, la déshumanisation et la neurasthénie mentale.

La seconde partie (la plus longue, la plus violente et la plus terrifiante) se focalise sur le séjour en prison. Billy Hayes joue de malchance. Il vit quatre années d'enfer et d'enfermement dans les géôles turques. A ce sujet, Alan Parker ne nous épargne rien. Dans ces cellules transformées en véritables poubelles humaines, les prisonniers sont régulièrement rudoyés et même torturés par des chiourmes despotiques et soldatesques. A aucun moment, Alan Parker ne minore son propos.
Paradoxalement, il retranscrit le roman de William Hayes avec parcimonie. Alors qu'il pense avoir purgé la totalité de sa peine, Billy est à nouveau condamné, cette fois-ci à perpétuité. C'est la troisième partie du film. Dès lors, Midnight Express se montre encore plus virulent, confinant à la psychasténie générale : un chat étripé, dilapidé et pendu, un ami de Billy tabassé à mort, puis l'internement du jeune homme dans une section destinée aux prisonniers totalement azimutés.

Mais "l'important est de ne jamais désespérer". Telle est l'accroche péremptoire de l'affiche du film. Alors que tout espoir semble désormais compromis, Midnight Express se transforme soudainement en film d'évasion. C'est la quatrième et dernière partie du long-métrage. Plus qu'un film xénophobe, Midnight Express s'apparente davantage à une ode à la liberté.
Néanmoins, Alan Parker nous transporte dans une ambiance étouffante, anxiogène et tétanisante. La violence atteint son sommet lors d'une séquence de massacre lorsque Billy se jette et arrache l'oeil d'un prisonnier séditieux et fallacieux. Midnight Express s'adresse donc à un public particulièrement averti. Le long-métrage peut également s'appuyer sur la musique envoûtante de Giorgio Moroder.
Impossible de rester insensible ou indifférent face à cette diatribe contre les conditions d'emprisonnement dans certains pays. A l'époque, qui pouvait prédire que Guantanamo, une prison pourtant américaine, se transmuterait elle aussi en "Midnight Express" ?

Note : 16.5/20

 Alice In Oliver