Médecin de Campagne (Critique | 2016) réalisé par Thomas Lilti

Par Kevin Halgand @CineCinephile

Synopsis : "Tous les habitants, dans ce coin de campagne, peuvent compter sur Jean-Pierre, le médecin qui les ausculte, les soigne et les rassure jour et nuit, 7 jours sur 7. Malade à son tour, Jean-Pierre voit débarquer Nathalie, médecin depuis peu, venue de l'hôpital pour le seconder. Mais parviendra-t-elle à s'adapter à cette nouvelle vie et à remplacer celui qui se croyait... irremplaçable ?"

Il y a à peine quelques années, moins de deux ans pour être précis, sortait de l'ombre Thomas Lilti. Du haut de sa trentaine passée, cet homme allait totalement embrasser une carrière de cinéaste dont il a revêtu la veste aujourd'hui. Hippocrate avait assigné un coup de massue sur un beau nombre de spectateurs de par sa mise en scène au plus proche des personnages et un scénario qui n'aurait pu être aussi proche de la réalité. Une réalité à laquelle le spectateur croit immédiatement, conscient tout de même qu'il puisse s'agir d'une réalité romancée. En attendant de le retrouver à la tête d'une création originale Canal Plus dédiée au monde de la médecine encore et toujours, Thomas Lilti signe son retour sur grand écran avec un film dans la veine de son précédent long-métrage. Thomas Lilti ne s'enfermerait-il pas trop tôt dans un carcan dont il pourrait avoir du mal à se défaire ?

Plonger le spectateur dans le monde de la médecine n'est pas chose simple. Il faut avoir le recul nécessaire, tout en sachant qu'il ne faut pas y aller avec des pincettes afin de retranscrire au mieux ce qu'il s'y passe. Thomas Lilti est à l'heure actuelle, le cinéaste français le mieux placé pour en parler. Avant d'embrasser sa carrière de réalisateur, Thomas Lilti portait la blouse. Médecin généraliste qui a connu le monde chirurgical et par moments surréaliste de la médecine, qui tournait déjà ses premiers courts-métrages en parallèle de son travail. Comme il l'explique très bien, le réalisateur n'a jamais réellement quitté ce monde et c'est cette sensation qu'il cherche à retranscrire au travers de son nouveau long-métrage. Médecin de Campagne est une comédie, un drame, une romance, un mélange des genres agréable, car humain et sincère. Ayant exercé sa profession de médecin en province et plus particulièrement dans des petits villages, Thomas Lilti a décidé de développer sa mise en lumière de ce métier qu'il affectionne par le biais de ce nouveau long-métrage. Faire de la médecine le fer de lance du film afin de développer une trame narrative autour de l'humain et non de la médecine. Contrairement au film Hippocrate qui s'avérait être scénaristiquement riche grâce à un nombre conséquent de personnages et à des situations toutes plus fortes les unes que les autres, Médecin de Campagne semble se contenter du minimum syndical. Un minimum présent qu'en surface, surface représentée par cette mise en lumière de la profession de médecin de campagne.

Médecin de Campagne, une profession qui permet de découvrir une palette de personnages tous plus humains et aux caractérisations bien prédéfinies. Peut-être trop stéréotypés pour certains et aux caractéristiques trop accentuées par moment, dénaturalisant certaines situations du film, mais les personnages secondaires, voire tertiaires qui gravitent autour des protagonistes vont donner un certain charme à ce film. Ils vont lui apporter cette humanité, cette jolie naïveté que l'on apprécie lorsque les films sont fait avec cœur et sincérité. Les personnages naïfs et dont le physique "lambda" semble être utilisé afin de pousser le spectateur à comprendre que ce qui compte est la beauté intérieure et rien d'autre, ne force rien de plus que l'incompréhension. L'incompréhension d'un spectateur qui pense que le cinéaste et scénariste du film n'a absolument rien compris à l'être humain, aussi imprévisible et incompréhensible soit-il. Thomas Lilti évite ce préjugé et cette facilité grâce à une sincérité. Sincérité tant dans la mise en scène que dans l'écriture. Malgré quelques bémols et ratés dans l'écriture, ces derniers s'avèrent suffisamment mineurs pour être éclipsés par la mise en scène. Elle est belle élégante et permet une belle mise en avant des rapports entretenus entre le médecin et son patient. Une entente cordiale, pouvant entraîner des mésententes et des disputes. Le temps n'est pas toujours au beau fixe, mais on retrouve toujours la volonté de s'en sortir et de s'entraider.

C'est ce qui fait la beauté de ce film, aussi légère et simple soit-elle. Médecin de Campagne n'est cependant, pas un film qui restera dans les mémoires tel que l'avait fait Hippocrate. Sa réalisation de bonne facture, mais conventionnelle et qui se repose essentiellement sur la volonté d'illustrer le scénario ne l'aide pas. Cependant, c'est un film qui permet à une grande actrice de se voir en haut de l'affiche. Déjà présente dans le précédent long-métrage de Thomas Lilti, Marianne Denicourt, tient ici un de ses plus beaux rôles. Habituée aux rôles secondaires, elle apparaît dans ce long-métrage telle qu'apparaîtrait une jeune actrice débutante. Elle démontre qu'elle en veut de par un jeu nuancé et convaincant, qui le prouve grâce à des moments de rire et de tendresse, ainsi que de solitude. Une palette d'émotions suffisamment riche pour donner à ce personnage la force de faire oublier et de rétrograder François Cluzet au second plan. Un François Cluzet convaincant, mais dans la stricte lignée de ce, à quoi il nous a habitués depuis maintenant plusieurs années. Un rôle cependant plus discret et dans la retenue. Ce qui ne fait pas de mal.

En Conclusion :

Médecin de Campagne n'est pas un grand film, mais ce n'est pas ce qu'on aurait attendu de lui pour autant. Son sujet ne le prêtait pas au premier regard à ça, et ce n'est en aucun cas un problème pour autant. Grâce à une humanité et une sincérité débordante, Thomas Lilti réussit à faire de la médecine de campagne un prétexte afin de mettre l'humain en valeur. Les liaisons qu'ils peuvent entretenir, ce que cela peut engendrer et réussir à faire transparaître cette sincérité et bienveillance au travers de sa mise en scène. Une chose faite et bien faite. On lui reprochera des défauts techniques comme scénaristiques, mais on en gardera avant tout un beau souvenir.