La femme au cœur du genre

Le concept d’une histoire de femme en tant que genre dédié n’est pas très prononcé en Europe. Les Etats-Unis s’en sont préoccupés très tôt en encourageant des histoires dont un des codes était un monde partagé de misère et de masochisme moral ou social.
L’opprobre qui entoure le genre implique que les femmes et en particuliers leurs problèmes émotionnels sont d’importance mineure. Il est d’ailleurs surprenant qu’une histoire décrivant des relations entre hommes soit classée dans les drames psychologiques et non spécifiquement surnommée une histoire d’hommes.

La femme est donc au cœur de l’intrigue mais elle l’est de façon biaisée. Ses amis et prétendants ne sont au service que de son bon plaisir, ne font que parler d’elle et ces personnages n’ont aucune fonction structurelle dans l’histoire. Dans l’histoire de femme, du moins à ses débuts, la femme était donc au centre de l’univers. D’ailleurs, lorsqu’un homme parvenait à glisser son point de vue dans l’histoire, c’était pour mieux épouser celui de la femme.
Ces idées transcrites dans les histoires de femmes ont pour origine une certaine culture anglo-saxonne bien vénérable en laquelle montrer ses émotions était un signe de faiblesse, d’efféminement et que la tendresse en amour était dévalorisante. D’où cette illustration du rôle de l’homme dans l’histoire de femme.

Pour le public visé par l’histoire de femme, c’est-à-dire la ménagère aux idéaux romantiques trahis, dont l’amour n’a mené qu’à une corvée domestique, l’histoire de femme met intelligemment en avant le thème de l’abnégation en entremêlant le quotidien domestique et le romantique. L’histoire de femme était devenue une échappatoire.

La notion de classe moyenne est centrale à l’histoire de femme non tant par son statut social mais plutôt en tant qu’état d’esprit et  code moral assez rigide. Il en ressort un univers aux options assez limitées dans lequel le lectorat visé semble se reconnaître.

L’ironie persistante que met en exergue le genre est que la  femme  est dépendante pour son bien-être et sa complétude des institutions (mariage, maternité). De femme, elle devient épouse et mère et perd son identité et son indépendance.
Elle est contrainte d’adhérer à une moralité qui exige qu’elle étouffe ses pulsions créatives ou sexuelles afin de répondre à un code social qui est pourtant beaucoup plus permissif en regard du mari.

L’histoire de femme encourage à suivre la voie des rêves romantiques mais lorsque l’histoire se termine, la femme s’aperçoit plus amèrement du carcan social qui la maintient tel un corset trop serré.

Ce genre très spécifique du marché américain offre des thèmes récurrents exprimant les pulsions collectives, conscientes et inconscientes, des femmes américaines, de leurs obligations avouées et de leur résistance inconsciente.

Les histoires d’amour et les intrigues romantiques font rarement usage des enfants sous nos contrées européennes. Pour les scénaristes hollywoodiens, cependant, le sacrifice que représente d’avoir des enfants puis se sacrifier pour ses enfants est souvent utilisé car la société américaine s’en sert d’instrument de jugement (que reprend l’histoire de femme).
Ce sacrifice est considéré comme une vertu nationale mais ce n’est que la façade qui cache un malaise profond. Alors que le thème du sacrifice semble souvent prêché dans l’histoire de femme, une lecture attentive fait souvent apparaître des détresses cachées.

Entre les années 1930 et 1940, l’histoire de femme a connu un changement affectant et étant affecté par le changement des femmes elles-mêmes.
Les années 1940 furent plus émotionnelles et névrosées aussi alternant entre la passivité désintéressée de la femme dans l’espoir du retour de son G.I. de mari ; et sur les écrans, des héroïnes telles que Bette Davis et Joan Crawford à l’agressivité provocante et fragile.
Les héroïnes des années 1930 étaient plus audacieuses que leurs aînées de la décade suivante. Ces femmes décrites dans les histoires qui leur étaient dédiées dans les années 30 avait la lèvre moins tremblante et la moue beaucoup plus décidée.
Les histoires de femme dans les années 30 s’inscrivait sur un fond de société soi-disant normale (après que Hollywood ait accepté en 1929 d’appliquer une liste de tabous qui deviendront plus tard le code Hays) et les héroïnes de ces histoires acceptaient automatiquement un jeu de standards bien formatés mais surtout sans éléments féministes. Seule une personnalité telle que Dorothy Arzner put survivre à la censure.

Les restrictions sociales faiblirent dans les années 1940 dû pour une bonne part aux événements terribles que connurent ces années-là et la femme prit alors des responsablités nouvelles au sein de la société et descendit du piédestal où l’avait placé un regard essentiellement mâle. Il s’ensuivit une constante ambivalence dans le genre spécifique de l’histoire de femme alternant entre une sensibilité féminine froide et blessante ou sentimental (voire à l’eau de rose).

Le genre atteignit son apothéose fin des années 40 et tout du long des années 1950 avec des gens comme Max Ophüls et Douglas Sirk. Mais la télévision et ses soap opera mit un terme assez brutal au genre qui disparut alors de la scène culturelle.