Réalisé par Alexander Kott
Avec Elena An, Karim Pakachakov,
Narinman Bekbulatov-Areshev, Danila Rassomakhin
Titre original Ispytanie
Genre Drame
Production Russe
Date de sortie en salles le 10 juin 2015
Synopsis
Un homme, Tolga (Karim Pakachakov) et sa fille Dina (Elena An) vivent paisiblement dans une ferme isolée des steppes kazakhes.
Alors que deux garçons, un Moscovite (Danila Rassomakhin) et un Kazakh (Narinman Bekbulatov-Areshev), se disputent le cœur de la jeune fille, une menace sourde se fait sentir...
Né à Moscou en 1973, Alexander Kott s’est passionné très jeune pour la photographie.
Dans les années 1990, ses oeuvres ont été exposées dans les galeries d’art moscovites ainsi qu’au musée de l’Académie russe des arts du théâtre. À 21 ans, il se tourne vers le cinéma et obtient le diplôme de l’Institut national russe de la cinématographie. Il débute alors dans le métier avec une série de courts métrages, et notamment Le Photographe réalisé en 1998 et L’Épouvantail, tous deux sélectionnés et récompensés dans de nombreux festivals internationaux.
En 2002, il réalise son premier long métrage, Deux Chauffeurs roulaient, qui lui vaut le Prix du meilleur réalisateur au festival Kinoshock. Après des années de travail comme scénariste et réalisateur pour la télévision, il revient au cinéma en 2010, avec la très remarquée La Forteresse de Brest.
En 2014, Le Souffle, son troisième long métrage, vient couronner une oeuvre d’une esthétique exceptionnelle et porteuse d’un véritable message politique et social.
Entretien avec Alexander Kott relevé dans le dossier de presse.
Propos recueillis et traduits du russe par Joël Chapron (Specialiste Du Cinema Russe) le 12 mars 2015
Vous avez commencé votre carrière de metteur en scène avec deux courts métrages très remarqués, tous deux présentés au Festival de Cannes : Le Photographe dans la section Cinéfondation en 1998, puis L’Épouvantail à la Quinzaine des réalisateurs en 2000. Mais Le Souffle n’est finalement que votre troisième long métrage en quinze ans. À quoi cela est-il dû ?
J’ai toujours souhaité tourner des films qui m’étaient proches et m’affranchir des exigences de production. Je les respecte lorsqu’il s’agit de films de commande (comme La Forteresse de Brest, mon deuxième film) ou de séries télé. J’ai, de fait, tourné de nombreuses séries, dont certaines ont été extrêmement populaires. Mais je veux, pour les projets qui me tiennent à coeur, garder ma liberté artistique. Et rares sont les producteurs qui me laissent carte blanche…
Comment est né ce projet ?
Ce projet est né avant que je ne sois sollicité, mais le premier tournage s’est arrêté à cause de problèmes financiers. Le producteur du film, Igor Tolstunov, a demandé une rallonge financière au Fonds du cinéma. Ce dernier, en contrepartie, a exigé d’avoir le film le plus rapidement possible. C’est à ce moment-là que je suis arrivé sur ce projet. Il ne reste finalement rien du scénario initial : j’ai dû tout changer pour rentrer dans l’enveloppe impartie (le film a dû coûter environ un million et demi de dollars). Je rêvais de faire un film muet depuis longtemps; j’ai donc posé cette condition à ma participation et le producteur m’a donné carte blanche. Je suis heureux de dire que j’ai tourné le film que je voulais.
Il y eut certes des contraintes : je devais me contenter de trente jours de tournage et on a dû se rabattre sur les paysages de la steppe de Crimée. On avait une coproduction avec les studios Kazakhfilm du Kazakhstan, mais les lieux qu’on avait repérés dans ce pays étaient trop compliqués pour qu’on puisse y tourner rapidement.
Faire un film muet induit un travail très particulier sur la musique, les bruits, le son…
Effectivement. Tous les bruits ont été extrêmement travaillés et postsynchronisés en studio. Le bruit du vent, par exemple, est compliqué à rendre artificiellement : nous avons enregistré quantité de vents durant le tournage et nous nous sommes servis dans les bandes au moment du montage. Je voulais que la musique du film naisse du vent pour s’y fondre à nouveau à la fin du morceau. J’ai fait appel à Alexeï Aïgui, violoniste et formidable compositeur, qui se produit et travaille en France. Il a réussi à composer une musique d’une grande qualité artistique malgré nos contraintes économiques.
Et vous avez aussi des trouvailles visuelles servies par un très bon chef opérateur.
Oui, Levan Kapanadze et moi avions déjà fait des publicités ensemble et travaillé sur La Face cachée de la lune, une série très populaire. Mais c’est notre première collaboration sur un film de long métrage. Nous avons procédé à un découpage minutieux en amont avec un story-board très dessiné qu’on a suivi à la lettre.
Mais la nature vous fait toujours des cadeaux que vous n’attendez pas : le soleil dans les cheveux de la fillette, la "pomme" de soleil que le père mange…
On a même eu un nid d’oiseaux dans la maison qu’on a construite au milieu de la steppe et qu’à la fin on a fait exploser. La veille de l’explosion, on se demandait comment déplacer ce nid… et, en nous réveillant le lendemain, on a vu que les oiseaux s’étaient envolés !
Où avez-vous trouvé vos artistes ?
Je les ai longtemps cherchés en Russie et au Kazakhstan, et j’ai fini par m’arrêter, pour le rôle du jeune Russe, sur Danila Rassomakhin. Il faisait ses études au Gitis, le grand institut de théâtre et des arts de la scène. Il se destinait à être acrobate. Moi je cherchais une sorte de clown naïf. Il m’a convaincu. De plus, il a un frère jumeau… dont je me suis aussi servi dans le plan où ils se dédoublent !
Le jeune Kazakh à cheval tournait également dans un film pour la première fois.
Quant à la jeune Elena An, ce fut compliqué de trouver une jeune fille de quatorze ans en Asie centrale qui ne soit pas déjà une future femme prête à marier. On a longuement cherché. Je voulais une actrice qui soit dans la veine de Natalia Arynbassarova, l’extraordinaire interprète de Premier Maître d’Andreï Konchalovsky. Et j’ai fini par trouver Elena : c’est la fille d’un couple mixte. Son père, coréen, est attaché culturel à Moscou et sa mère est russe.
Pour eux trois, c’était leur premier tournage et je voulais justement capter cette appréhension de tourner, cette peur de la caméra.
Quels sont vos projets ?
Je suis en train de finir mon quatrième film, intitulé Insight, l’histoire d’un amour basé sur un mensonge, et je dois tourner l’an prochain un film de grande ampleur intitulé Spitak, du nom de la ville d’Arménie qui a subi un terrible tremblement de terre le 7 décembre 1988 dont le monde entier a entendu parler.
Ma productrice semble avoir trouvé des coproducteurs… français !
Mon opinion
Toutes les émotions peuvent submerger devant ces images qui défilent sans le moindre dialogue. Un film à la fois muet et bruyant.
Le fracas du vent, celui de la pluie, ou encore une hélice d'avion, mais aussi le galop d'un cheval, le moteur d'un vieux camion, pour mieux revenir aux bourrasques de ce vent furieux.
À noter aussi, la très belle musique d'Alexeï Aïgui.
Un scénario minimal et le dépouillement extrême tirent le sectateur vers de grands moments de contemplation ou, peut-être, un ennui profond. Pour ma part je me suis laissé emporter par ces paysages du Kazakhstan, grandioses et désolés à la fois.
La photographie, admirable, procure un sentiment de dépaysement absolu avec une angoisse qui ne cesse de s'intensifier. Habilement, la mise en scène laisse monter cette tension qui ne faiblit pas malgré l'issue finale tout à fait prévisible.
Les dernières images sont spectaculaires et monstrueuses par ces ravages causés dans cette région du monde. C'était en 1949.
Le réalisateur Alexander Kott a déclaré : "Je rêvais de faire un film muet depuis longtemps; j’ai donc posé cette condition à ma participation et le producteur m’a donné carte blanche. Je suis heureux de dire que j’ai tourné le film que je voulais.".
Un réalisateur que je suis heureux d'avoir découvert au travers de ce film inhabituel et d'une grande force.