Un film (court ou long) est un média dramatique. Un auteur de scénarios devraient toujours chercher des moments dramatiques parce que ses histoires sont à propos de personnes qui ont des problèmes. Il est nécessaire d’explorer ces problèmes sous leur aspect le plus dramatique.
Il n’y a rien de plus passionnant que d’assister à un conflit qui explose au cours d’une scène dramatique. Et il n’y a rien de plus frustrant que d’être privé de ce moment.
Dans Bullitt de Alan Trustman et Harry Kleiner, la relation entre Frank Bullitt et Cathy (sa petite amie) a quelque peu dégénérée.
Bullit gare la voiture sur le côté de la route assez fréquentée. Cathy sort précipitamment et s’éloigne le long de la route. Bullitt la rejoint, lui parle mais nous n’entendons rien à cause de la circulation. Puis ils s’enserrent mutuellement. Le problème est résolu mais de la manière la moins dramatique possible.
Quelqu’aient été les intentions des auteurs, nous ne pouvons qu’éprouver une légère frustration de ne pas avoir eu davantage d’informations.
Nous ignorons ce qui les a menés à cette crise, nous ignorons comment cette crise a pu être résolue. Cette scène est totalement dépourvue de drame et somme toute, nous n’avons pas en remplacement d’informations véritablement pertinentes sur les personnages.
Mais comme la première impression est toujours la bonne (assertion seulement vérifiée dans les histoires), il ressort du problème de Cathy que Bullitt est un personnage froid et ne faisant pas montre de ses émotions. Encore une fois, quelles que soient les intentions des auteurs, ce n’est certainement pas cela qu’ils voulaient communiquer.
William Martell estime que cette scène aurait du humaniser davantage Bullitt en nous offrant le bénéfice d’une véritable résolution du conflit (au moins au travers des dialogues).
Le lecteur a besoin qu’on lui montre le drame (c’est-à-dire le conflit, l’essence dramatique naturelle d’une histoire). Martell estime que les lignes de dialogue, par exemple, sont parfaitement justifiées dans de telles scènes où la résolution d’un problème doit être montrée et non escamotée.
Le genre ne décide pas non plus d’un cœur dramatique. Tous les genres (comédie, science-fiction, thriller…) ont leur propre cœur dramatique dédoublé des éléments dramatiques spécifiques au genre. C’est ainsi qu’une comédie est un drame (c’est-à-dire qu’elle réponds aux exigences de la dramaturgie) et une comédie. Pour qu’il y ait drame, il faut du conflit. Vous ne pouvez donc éviter ce dernier.
Drame et comédie aide à bien distinguer la nature dramatique d’une histoire. Il ne s’agit pas ici de comédie dramatique mais de dramaturgie associée à un genre. Dans le cas d’une comédie, pour illustrer l’aspect dramatique qui la définit avant la notion même du genre, vous ne devez pas retenir vos coups, ne pas détourner les scènes dramatiques sous prétexte que vous écrivez une comédie. De grands moments dramatiques (c’est-à-dire où le conflit est à son apogée) doivent être réservés dans l’espace de l’histoire.
Vous ne dénaturerez pas le rire, vous n’irez pas contre le genre en travaillant des scènes véritablement dramatiques tout au long de votre comédie.
Dans Y a-t-il un pilote dans l’avion ? de Jim Abrahams, David Zucker et Jerry Zucker, la comédie s’installe sur un sérieux conflit émotionnel en la personne de Ted Striker qui se sent coupable pour la mort de ses compagnons lors d’un raid désastreux pendant la guerre. Gardez à l’esprit que même pour une comédie moins loufoque, le rire doit s’appuyer sur un véritable substratum dramatique.
William Martell cite aussi : Sans Sarah, rien ne va ! de Jason Segel et en particulier la scène de la rupture entre Peter et Sarah. La scène est véritablement dramatique, elle a été véritablement dramatisée par l’auteur et c’était son intention.
Là où le genre est venu se greffer sans faire d’irruption incongrue, c’est l’idée que Peter soit nu lorsque Sarah vient lui annoncer qu’elle le quitte pour un autre homme.
Exploitez le drame
Pour garder l’exemple de Sans Sarah, rien ne va !, pour oublier Sarah, Peter décide de prendre des vacances loin d’elle. Le problème est que Sarah et son nouveau petit ami ont décidé sans le savoir de choisir le même lieu de villégiature que Peter.
Le triangle amoureux même s’il a tendance à s’exprimer au travers de la comédie n’en reste pas moins un motif dramatique très sérieux qui égrène un chapelet de conflits tout à la fois émotionnels et physiques.
A propos du triangle amoureux, je vous renvoie à l’artice de
Cinéaste Indépendant :
Détourner le principe du triangle amoureux, grâce à la série Community.
Il est important de rechercher en chaque scène le conflit potentiel et d’en extraire le jus, l’essence pour les retranscrire dans la scène. Ce qui ne signifie pas évidemment que chaque scène contient en son sein une possibilité de conflits. Mais vous devez cependant être sûr d’avoir épuisé toutes les possibilités de conflits émotionnels qu’une scène pourrait receler.
Pour renforcer le cœur dramatique de votre histoire, faites en sorte que vos personnages révèlent leur véritable soi et aussi cette blessure à l’âme qui les meurtrit tant. Pour que votre histoire résonne, il lui faudra non seulement un sérieux cœur dramatique (et vous l’avez compris, quel que soit le genre) mais aussi une honnêteté émotionnelle. Ne vous contentez pas des problèmes superficiels, allez au cœur de vos personnages, plus précisément au cœur de leurs faiblesses.
Lorsqu’un personnage se confie sincèrement à un autre, qu’il s’ouvre à cet autre, vous incitez l’autre à faire de même. De cette façon, vous pourriez boucler sur votre thème , revenir à votre cœur dramatique et y apporter une réponse.
Pour vous aider, ne choisissez jamais une solution de facilité pour vos personnages ou pour clore vos scènes. Trouvez les situations les plus difficiles, les décisions les plus difficiles et laissez vos personnages les prendre à bras le corps. Faites en sorte qu’ils ne fuient pas leurs responsabilités même si cela rend plus compliqué votre processus d’écriture.