Tous les éléments dramatiques sont liés et dépendent les uns des autres. Une histoire est un tout.
Henry James disait que ce sont les faits et gestes du personnage qui deviennent votre intrigue.
Considérez deux personnages qui se rencontrent pour la première fois. Il y a un garçon et une fille. Le garçon tombe amoureux de la fille dès le premier regard. C’est le coup de foudre mais il n’est pas partagé par la fille.
La dynamique à l’œuvre dans cette scène de la rencontre est double non pas parce qu’il y a seulement deux personnages dans cette scène mais parce qu’il y a seulement deux interactions émotionnelles possibles :
A) la relation entre le garçon et la fille
B) la relation entre la fille et le garçon.
Maintenant faites entrer un troisième personnage dans cette scène : le garçon dont la fille est amoureuse.
Le nombre d’interactions (donc de relations) passe à 6 :
A) la relation entre le premier garçon et la fille
B) la relation entre la fille et le premier garçon
C) la relation entre le premier et le second garçon
D) la relation entre le second garçon et le premier garçon
E) la relation entre le second garçon et la fille
F) la relation entre la fille et le second garçon.
Et si vous ajoutiez une seconde fille dont le second garçon est amoureux (parce qu’il n’est pas amoureux de la première), le nombre de relations possibles entre les personnages passe dorénavant à 12.
Le nombre d’interactions possibles est proportionnel au nombre de personnages. Plus vous ajouterez de personnages dans une scène et plus vous devrez gérer les relations entre eux. Ce qui signifie qu’il vous sera plus difficile d’impliquer vos trop nombreux personnages dans une scène, dans l’action de cette scène.
Sans compter que vous devrez aussi gérer chacun des personnages globalement au niveau de l’histoire pour que leur présence dans une scène soit cohérente et logique et non pas forcée et artificielle.
Il sera donc préférable de choisir un nombre de personnages pertinents pour votre histoire afin de développer correctement leurs relations. Dramatica en propose huit pour conserver l’intérêt du lecteur tout au long de l’histoire sans jamais le perdre en confusion et pour vous éviter de jongler entre les personnages ce qui ne peut que compliquer votre histoire.
Ne confondez pas complication et complexité. Une histoire peut être complexe sans pour autant être compliquée.
Plus vous aurez de personnages et plus la dynamique entre eux (c’est-à-dire essentiellement leurs relations) deviendra une charge trop lourde à supporter.
Essayez de maintenir un maximum de trois personnages par scène, ce sera plus facile de mettre en phase chacun de vos personnages parmi les 8 (par exemple) qui sont partie intégrante de votre intrigue.
Lors du climax, cependant, deux personnages seulement seront actifs : le protagoniste et l’antagoniste car le climax est l’ultime confrontation entre eux, celle qui apporte les réponses aux questions soulevées par votre histoire.
D’autres scènes peuvent éventuellement comporter plus de trois personnages à la fois si elles décrivent des confrontations plus complexes.
Revenons à ce que Ronald B. Tobias nomme la règle de trois.
Lors de la rencontre entre le premier garçon et la fille, nous voyons comment le premier garçon agit avec la fille et comment la fille agit avec le premier garçon. Mais cela manque de flexibilité pour décrire ce qui se passe dans l’intériorité de ces personnages. Avec deux personnages, nous limitons nos possibilités et cela peut devenir un handicap lors du processus d’écriture de cette scène. En introduisant le second garçon, la scène est plus complexe révélant davantage ce qui se passe chez les personnages et sur leur personnalité.
Cette règle de trois, vous la retrouvez aussi dans la structure événementielle : un héros tentera par deux fois de surmonter un obstacle. Il échoue à chaque fois mais la troisième fois est la bonne.
Pourquoi adopter cette forme ? parce que si le personnage réussit du premier coup, cela ne crée pas de tension. S’il réussit à la seconde tentative, il n’y aura pas assez de tension mais par contre, s’il lui faut une quatrième tentative, on obtient l’effet inverse de la tension, c’est-à-dire de l’ennui (cette répétition lasse tout simplement le lecteur).
Le troisième personnage d’une scène permet de rendre les choses plus intéressantes. Ces choses peuvent être imprévisibles par l’interaction de ce troisième personnage avec les deux autres et aide à révéler des informations sur les personnages d’une manière plus naturelle sans les forcer sur le lecteur.
Ronald B. Tobias donne l’exemple de Ghost de Bruce Joel Rubin. Si le personnage de Oda Mae Brown n’avait pas été créé (donc si Sam avait pu communiquer directement avec Molly), l’histoire toute entière aurait souffert d’un manque de tension dramatique.
Par l’arrivée de Oda dans le couple Sam/Molly, toute l’intrigue gagne en profondeur : Sam doit convaincre Oda qu’il est un fantôme et qu’il lui parle de l’au-delà et Oda doit convaincre Molly qu’elle peut vraiment parler à Sam.
Ainsi la dynamique relationnelle entre les trois personnages fonctionne à plein régime :
- Molly interagit avec Oda (et indirectement avec Sam)
- Sam interagit avec Oda (et indirectement avec Molly)
- Oda (en tant que médium) interagit directement avec Sam et Molly
Ainsi, d’un point de vue structurel, lorsque vous travaillerez les forces contradictoires de votre scénario, vous devez appréhender la dynamique qui s’installera entre les personnages.
Vous devrez donc déterminer le nombre de personnages pertinents qui correspond le mieux aux besoins de votre histoire et de prendre conscience des relations dynamiques qui ne manqueront pas de survenir entre eux.