Il y a quelques semaines, vous avez sûrement dû croiser le court-métrage d’animation Château de sable en vous promenant sur le web. Ce film d’animation a beaucoup plu à l’équipe du Cinéphile Anonyme par son univers enchanteur, inspiré par l’heroic fantasy, qui aborde des thématiques très intéressantes. On a voulu en savoir plus et pour vous en parler, rien de mieux que de rencontrer les petites mains qui ont conçu ce joli court-métrage. Et pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion de voir le film, petite séance de rattrapage.
Votre court-métrage Château de sable fait beaucoup parler de lui en ce moment, pouvez-vous tout d’abord vous présenter ? Combien êtes-vous dans l’équipe et quels sont vos parcours respectifs ?
Nous sommes cinq. Quatre garçons et une fille, venant de régions différentes. Quentin, Lucie, Sylvain, Maxime et Julien. Nous avons tous fait au minimum le cursus de l’Esma sur quatre ans d’études, avec un court métrage d’animation de cinq minutes à réaliser en petit groupe durant la quatrième année.
Quel est le rôle de chacun ? Êtes-vous multi-tâches ou avez-vous chacun des compétences particulières ?
Nous avions bien sûr la même formation donc les mêmes compétences à la base. Mais chacun a développé des aptitudes spécifiques pendant les trois années précédentes. Les tâches ont donc été réparties en fonction de ces aptitudes et des envies de chacun sachant que les groupes sont formés d’éléments de capacités hétérogènes. Nous avions chacun des deadlines à tenir, souvent prévues à l’heure près pour optimiser notre efficacité de travail. Nous faisions des réunions une fois par semaine minimum pour valider ou améliorer le travail de chacun, le but étant toujours de gagner un maximum de temps.
Lucie était en charge du rigging (1) et de l’animation principalement, Julien du sculpt, du lighting et shading, Maxime de l’environnement design, du storyboard et du rendu, Sylvain de tous les effets spéciaux et Quentin du storyboard, des characters designs et de l’animation.
On a appris que votre film était diffusé au Futuroscope, ce qui est une très belle opportunité. Comment cela s’est passé ? C’est eux qui sont venus vers vous ?
C’est une très belle vitrine pour notre film effectivement ! Ce sont eux qui nous ont contacté pour la diffusion du film au Futuroscope, par l’intermédiaire de l’Esma bien sûr. Notre film sera vu par beaucoup de personnes pendant son année de diffusion. C’est vraiment une belle opportunité et une grande reconnaissance pour nous.
Comment vous est venue l’idée du sujet, le fameux château de sable ?
L’un d’entre nous a écrit le scénario original. Nous avons ensuite passé les premières semaines à adapter le script pour un format court. Il était important pour nous que le spectateur soit immergé dans l’action dès le départ. On assiste à la création du château et de ses occupants autour de la perle qu’ils protègent. Mettre le spectateur à l’échelle des soldats ajoute au gigantisme du crabe et augmente la tension jusqu’au climax et au contraste avec le petit château de sable qu’on voit à la fin.
Combien de temps avez-vous travaillé sur ce court-métrage ?
Nous avons eu 11 mois, soit la totalité de la quatrième année de formation pour réaliser ce film. Et ces 11 mois n’ont pas été de trop ! Nous avons travaillé les week-ends, jours fériés, parfois jusqu’à 14 ou 15 heures par jour afin de respecter le délai. Certains d’entre nous y ont même passé des nuits. Il y avait les deadlines à respecter en permanence, la personnalité et les visions de cinq personnes à concilier, les obstacles à contourner durant toutes les étapes de la réalisation, tout cela nous a valu beaucoup de stress. Mais il y a eu beaucoup de moments magiques, tellement excitants et enthousiasmants que cela en valait la peine.
Il y a une ambiance très heroic fantasy dans votre court-métrage, quelles sont vos influences ?
C’est vrai, l’atmosphère épique a été un vrai choix, qui nous permettait de sortir du style un peu plus habituel des films d’animations. C’était l’idée que nous nous faisions de ce combat de titans et de défenseurs du trésor ! La musique était très importante également et fait partie intégrante du film. Elle rajoute une intensité poignante au style heroic fantasy de l’animation. Nous l’avons décrite précisément au compositeur qui a parfaitement retranscrit nos indications. Nos références de jeux vidéos, films et sagas fantastiques nous ont bien sûr inspiré mais nous nous sommes surpris à faire un vrai travail de création finalement. Château de sable est influencé par notre culture mais tout droit sorti de nos discussions en commun, de nos contraintes de temps et de techniques, de nos imaginations, de nos délires et de nos rêves.
Quand on voit comment se termine le court-métrage, on se rend compte que Château de sable est une véritable ode à l’imagination et à l’enfance. C’est une période de votre vie qui est importante ? La production artistique est-elle un moyen d’ancrer cette période à tout jamais dans vos esprits ?
On peut le voir ainsi. En lisant les commentaires que les personnes ont eu la gentillesse de nous laisser sur les sites de YouTube où le film est en ligne, nous avons d’ailleurs constaté qu’il y a plusieurs niveaux de lecture possibles et c’est très bien ainsi. Chacun y trouve ce qui le touche personnellement. La fin est un contraste intéressant avec le caractère guerrier du film, un clin d’œil, un questionnement, un espoir, une porte ouverte. Nous sommes encore jeunes et oui, notre part d’enfant est sûrement un peu concernée, mais c’est d’avantage notre désir de rêver et de faire rêver qui nous a guidé.
Arriver en fin de cursus et gagner tant de prix avec votre production finale, cela doit vous rendre fier. Envisagez-vous de travailler encore tous ensemble dans les années à venir ou avez-vous des projets respectifs bien définis ?
Arriver en dernière année de formation était une vraie satisfaction, nous étions 180 au départ et seulement 41 en dernière année. Mais la vraie fierté a été d’abord de réaliser ce film dans les temps, et effectivement de voir tous nos efforts et nos convictions récompensés par le Jury en septembre 2015 et par d’autres prix ensuite. Et encore plus, ce sont les appréciations que nous avons pu entendre ou lire qui nous ont rendus très fiers de notre film. Pour une grande partie d’entre nous, nous travaillons déjà pour des studios français ou anglais.
(1) Le squelettage ou rigging est un procédé en synthèse d’images 3D qui dote un objet à animer d’un squelette profond mobile qui déformera sa maille (mesh) de surface. Il s’agit pour le modélisateur et l’animateur de choisir les endroits où seront placés les axes de rotations, afin de permettre les mouvements désirés (bielle de locomotive à vapeur, pistons d’un moteur à combustion interne, rotules et coudes d’un personnage, etc.) Pour les personnages, la contraction des muscles et l’affleurement des os à la surface de la peau lors des mouvements, dépendent entièrement du choix des axes de rotation et de l’amplitude que l’on leur accorde lors du rigging. La facilité d’animer un objet en 3D dépend donc totalement de la qualité de son rigging.