Ce n'est pas la fête de la femme et pourtant, quand je lis mon titre je me dis que ça y ressemble. Trois femmes, trois parcours. Certaines imaginées, d'autres vécues.
Au fond, quelle importance puisqu'elles nous ressemblent. Les voici donc:
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*Va et poste une sentinelle de Harper Lee.
Jean Louise Finch, dite " Scout ", l'inoubliable héroïne de Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, est de retour dans sa petite ville natale de l'Alabama, Maycomb, pour rendre visite à son père Atticus. Vingt ans ont passé. Nous sommes au milieu des années 1950, à l'aube de la déségrégation, et la nation se déchire autour des questions raciales. Confrontée à la société qui l'a façonnée mais dont elle s'est éloignée en partant s'établir à New York, Jean Louise va découvrir ses proches sous un jour inédit et voir vaciller toutes les fondations de son existence, politiques, sociales et familiales.Quand j'ai entendu parler de ce roman, j'avais compris je ne sais pourquoi qu'il était en préparation alors que le script avait été retrouvé par hasard et retravaillé. Et puis, en faisant un saut au supermarché du coin, je tombe sur le livre et c'est avec une sorte de frénésie que j'ai acheté le bouquin pressée de retrouver Scout, Atticus Finch et les autres.
C'est d'ailleurs comme retrouver de vieux amis, des membres de la famille qu'on aurait perdu de vue par négligence parce que la vie est passée par là tout simplement. On essaie alors de rattraper le temps perdu, de combler le manque après 50 années d'absence. Qu'est devenu Atticus le juste et Scout l'impétueuse?
" La naissance, chez les humains, est un événement fort déplaisant. Chaotique, extrêmement douloureux, parfois risqué. Toujours sanglant. il en va de même pour les civilisations. "
C'est presque avec regret qu'on retrouve la petite fille en femme. Parce que justement elle a grandi, qu'elle ne vit plus à Maycomb; et que Atticus souffre de rhumatismes. Et que, et que....mais ça je vous laisse le découvrir. Il n'y a pas de roman de transition entre le moment où on l'a laissé et celui où le lecteur la retrouve; il y a tellement de choses qui n'ont pas été dites, que nous lecteurs nous ne pouvons qu'imaginer et regretter. Malheureusement, il semblerait que les personnages ont continué à vivre leur vie alors que nous, nous les avons quitté.
Malgré tout, c'est addictif parce que Scout reste Scout. Parce que son séjour dans sa ville natale fait renaître en elle des souvenirs d'enfance. Ses bêtises avec Dill et Jem, son frère. Par exemple, à jouer au réveil religieux dans la cour de Tante Rachel et à baptiser Scout dans le bassin aux poissons. Les soirs d'été passés sur la véranda à siroter de la limonade à l'abri des moustiques. Les batailles, les reconstitutions, l'innocence et les premiers amours.
Autant d'événements qui nous ramènent à notre propre enfance. A un âge où on se croit fort, invincible. Où un rien suffit, où on trouve sa place parmi ses amis, sa famille. Mais, la sagesse ou bien la gravité n'est jamais loin. Les enfants ont grandi, certains sont partis et y en a même qui sont morts. Encore une fois, la vie est passé par là avec son lot de leçons, de désillusions et de promesses qu'elle n'a pas honorée.
Et bizarrement tout comme Scout, je me suis sentie trompée, trahie. Comme si Maycomb était ma ville, comme si Atticus était mon propre père. De toute façon, père ou pas, tous les enfants passent par cette étape-là. J'aime bien l'appeler comme ça: " Lorsque les masques tombent ". Pour l'avoir expérimenté moi-même, c'est assez violent; je crois que c'est à partir de ce moment là qu'on cesse d'être une enfant.
" Chacun a son île, Jean Louise, chacun a sa sentinelle : sa propre conscience. Il n'existe pas de conscience collective. "
Comme on fantasmera plus tard sur l'autre qui partagera notre vie, on fantasme sur nos parents. On les idéalise, on les voit comme des héros. Ce sont nos modèles, nos inspirations et nos guides aussi. Puis vint le fameux jour où les masques tombent. Et là, c'est le réveil; c'est comme ne plus savoir qui on a aimé durant tout ce temps. Et, ne plus savoir qui on est vraiment non plus. C'est finalement découvrir l'autre tel qui est vraiment c'est-à-dire avec ses défauts comme ses qualités. Et forcément, ça blesse car on a le sentiment que nos proches n'ont fait que tenir un rôle soit c'est ça soit c'est nos yeux d'enfants qui n'ont pas voulu voir le pire mais seulement le meilleur.
Il va donc falloir (re)découvrir l'autre, (ré)apprendre de lui. De ce qu'il a à nous offrir et à nous apporter si tenté qu'on accepte. Mais, au delà de ça, c'est un adieu c'est un deuil plus important encore qu'il nous faudra faire: celui de l'enfance. Et rien, n'est plus difficile que de lui dire adieu.
En ce sens, j'ai trouvé cette partie du roman plutôt cruelle et amère mais plutôt réaliste. En même temps, j'ai trouvé aussi que cet opus était moins maitrisé et emblématique que son prédécesseur, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur. Le final me laisse mi-figue mi-raisin dans son traitement. Je l'ai trouvé facile, peu développé; et surtout il ne va pas au bout de ses idées. On fait exploser la dynamite et on s'en va laissant sans doute le choix au lecteur de faire sa propre idée sur la question. Cependant, on reste énormément sur sa faim avec dans la bouche un gout doux-amer.
17 SUR 20
*La face cachée de Margo de John Green.
Margo Roth Speigelman, le nom aux six syllabes qui fait fantasmer Quentin depuis toujours. Alors forcément, quand elle s'introduit dans sa chambre, une nuit, par la fenêtre ouverte, pour l'entraîner dans une expédition vengeresse, il la suit. Mais au lendemain de leur folle nuit blanche, Margo n'apparaît pas au lycée, elle a disparu. Quentin saura-t-il décrypter les indices qu'elle lui a laissés pour la retrouver ? Plus il s'en rapproche, plus Margo semble lui échapper... A l'origine, j'ai voulu le lire car j'ai appris l'existence du film; et, je me voyais déjà faire une critique film-livre sauf que je ne l'ai toujours pas vu. Il faut dire que la présence de Carla Delevingne me laisse dubitative mais bon je peux aussi me tromper.
Une chose est sûre c'est que John Green est aussi doué que Stephen Chbosky (ou Joyce Maynard) pour parler de passage: celui de l'adolescence à l'âge adulte. Un entre-temps ou un entre-deux où on est pas tout fait l'un ni l'autre. Si bien qu'à chaque fois je me demande pourquoi quand je vivais cette transition si compliquée je n'ai pas eu la chance de découvrir ces auteurs.
On a tous des failles. Tout le monde commence comme un vaisseau étanche. Et puis des évènements se produisent, on est quitté, on n'est pas aimé, on n'est pas compris, on ne comprend pas les autres, et on se perd, on se déçoit et on se fait du mal. Le vaisseau commence alors à se fissurer par endroits. Et effectivement, une fois que le bateau prend l'eau, la fin est inéluctable.
A comprendre qui je suis, pourquoi je ressens ça. Par moment, Quentin m'a rappelé Charlie en plus épanoui certes mais quand même. Parfois, je me suis vue en Quentin; celle que j'étais et celle que je suis aussi maintenant. Comme par exemple, ce besoin de sécurité qui se manifeste par une routine bien huilée; l'aventure pas pour lui. Mais, c'était sans compter Margo.
Margo c'est la fille populaire du lycée, la plus jolie et elle est pas bête en plus. Elle est admirée et même enviée mais qui est-elle véritablement surtout à la nuit tombée? La jeune fille est un mystère, une énigme. Les apparences jouent contre elle; la vie aussi. Elle ne trouve plus sa place dans ces " villes de papier " où le superficiel, la tromperie et l'hyper consommation règnent. Il n'y a que la nuit où Margo se trouve, où la vraie Margo peut être elle-même. Mais d'un autre côté, ne s'échappe t-elle pas aussi bien qu'à elle-même qu'aux autres? C'est peut-être le risque...
Margo me fait penser à Thoreau et à sa cabane près de Walden, à la quête de Chris McCandless. D'ailleurs, à la fin du livre, John Green dit avoir lu Voyage au bout de la solitude. Le lecteur se demande souvent si Margo ne va pas avoir la même fin tragique que Chris. Ceci dit, Margo a un côté " manipulateur " que n'avait ni Thoreau ni Chris.
" [...] l'homme manque de bons miroirs. IL est difficile pour quiconque de nous montrer ce à quoi nous ressemblons et difficile pour nous d'exprimer nos sentiments devant autrui. "
Margo sème derrière elle panique, trouble et beaucoup de questions. Elle dissémine ici et là quelques indices pensant peut-être qu'on la retrouverait. La jeune fille n'était pas exempt de contradictions de toute façon. Peut-être qu'elle avait quand même du mal à partir sans laisser rien derrière elle.
Il y a en tout cas une volonté de trouver sa place dans une société qui perd son sens, son humanité et surtout, sa véracité. Le noyau familial éclate et c'est la fin d'une époque pour tous. Et si, le début du roman s'inscrit tout en légèreté dans le délicat apprentissage de la vie: le reste prend une direction plus grave.
Le passage à l'âge adulte et ses réalités guettent tous les protagonistes notamment Margo. Les désillusions, les projections, les fantasmes surgissent et se défont aussi vite qu'ils étaient apparus. J'ai trouvé cette partie trop rapide d'autant plus que le road trip m'avait séduite au plus haut point. On rit, on fait la bringue et des arrêts minutes; ce sont des moments qu'on sait important, éphémère et unique.
Le final contraste alors avec cette joyeuse période d'insouciance, de compromis et d'amitié. Oui, la fin de l'innocence a décidément quelque chose de profondément doux amer.
17 SUR 20
* Call the midwife de Jennifer Egan.
Rien ne prédestinait Jennifer Worth à devenir sage-femme dans les quartiers miséreux des Docklands. Quand à vingt-deux ans elle rejoint les soeurs de Nonnatus House, une maternité qui vient en aide aux plus pauvres, elle s'apprête à vivre l'expérience de sa vie. J'avais entendu parler de son adaptation en série sur la blogosphère et les retours étaient plutôt positifs. Malgré tout, je n'ai pas eu l'occasion de la regarder.
Et puis, en septembre dernier, je suis passée devant et c'était comme une évidence. Je savais d'instinct que je ne serai pas déçue. Le plus ironique dans tout ça c'est que je ne trouve pas l'accouchement comme la plus belle chose au monde. Donc, je n'aurai pas pu faire sage femme c'est évident.
Vous vous demandez alors pourquoi j'ai voulu prendre ce livre? Parce que à l'époque, j'étais livresquement parlant anglaise. Y a des périodes comme ça: Le conseiller, Le chardon et le tartan, Virginia Woolf...etc. Ceci dit, en lisant la quatrième de couverture j'ai eu le sentiment que c'était bien plus qu'un livre sur des sages femmes: une fresque historique sur l'Angleterre des années 50.
Qui aime le sait. Qui n'aime pas ne le sait pas. Celui-là, je le plains et n'ai rien à lui dire.
J'aime découvrir et voyager, en savoir plus sur un pays sur une période donnée d'autant qu'ici le récit se déroule dans un contexte d'après guerre, dans les quartiers pauvres de Londres de surcroit. On y voit et on y côtoie la misère sociale, intellectuelle et économique. Une population abandonnée, livrée à elle-même; obligée d'inventer ses propres règles pour s'en sortir. On a l'impression qu'il y a tant à faire et si peu de moyens et de volonté politique.
Heureusement qu'il y a les sœurs de Nonnatus House à la fois religieuses et sage-femmes. Mais, leur combat ne s'arrête pas là. Elles se sont engagées aux côtés d'autres professions pour faire de leur métier, un métier reconnu et ouvrant sur un diplôme. Permettant ainsi une meilleure prise en charge de la future mère et de l'enfant; et de baisser de manière significative le taux de mortalité infantile à cette époque-là.
C'est peut-être à ce moment-là que je devrai dire que ce récit est une histoire vraie. Il est fort intéressant de constater que ce progrès est récent; et laisse entrevoir des histoires douloureuses lorsque les mères en devenir étaient dans les mains des matrones, des faiseuses d'ange.
A l'instar de Outlander, j'ai apprécié les moyens de la médecine de l'époque qui étaient déjà avancés mais comparés à aujourd'hui certainement démodés. Pas d'échographie seulement le stéthoscope; l'important du rejet du placenta, les analyses urinaires qu'on chauffe pour voir si la patiente ne fait pas éclampsie ( classique mais efficace).
On constate qu'une naissance se vit toujours sur le fil,dont l'équilibre est fragile,et qu'il suffit de peu pour que tout bascule.L'arrivée d'une nouvelle vie parmi nous est toujours un petit miracle.
Cela est encore vrai aujourd'hui .
Je redoutais que les détails peu ragoutants soient légion et finalement, il y en a peu. De toute façon, nous ne sommes pas dans un ouvrage professionnel; on s'attarde surtout sur l'aspect humain. D'ailleurs, ce dernier est toujours aussi curieux; capable du meilleur comme du pire.
Dans ce livre, nous rencontrons des personnages hauts en couleur comme la sœur Joan qui parle métaphysique, religion et mysticisme. Et, que dire de sa victime préférée, la sœur qui a sans cesse la goutte au nez. Du côté des patients, beaucoup nous font sourire comme le couple Warren et leurs 25 enfants. A eux seuls, ils défient l'image de la famille traditionnelle. Et puis, malheureusement, il y a des histoires moins heureuses, des destins brisés comme Mary. Il y a comme une fatalité dans son parcours. Comme si le passé la suivait partout où elle allait. Elle aussi à sa façon montre toute l'importance d'une famille ou du moins les conséquences de son absence.
Comme la narratrice, je ne suis pas particulièrement croyante. Ma vision de Dieu se rapprocherait plus de celle de Thoreau. Il n'empêche qu'à Nonnatus House, j'ai retrouvé un peu cet esprit au sein même de l'église ce qui est assez paradoxal je dois dire. Il y a quelque chose c'est certain, une simplicité et un certain non conformisme aussi. Une façon de dire également que Dieu n'est pas uniquement dans l'église , dans les textes ou avec ses représentants; et que ces derniers ne détiennent aucune vérité absolue. Non, il est partout, dans toute chose et dans chaque être.
Et comme le dit Sœur Joan, " aller avec Dieu ", aller à sa rencontre est un acte qui nous incombe à nous seul. Que c'est un travail, une recherche personnelle.