Personnage & blessure psychologique

Par William Potillion @scenarmag

Le passé d’un personnage impacte énormément son présent dans l’histoire par les croyances et les personnes avec lesquelles il a été élevé ou confronté. Son éducation et son développement émotionnel influe aussi beaucoup sur la personne qu’est devenue votre personnage.Très souvent, et nous aurions aussi tendance à croire que cela devrait presque être une nécessité vitale lors de la création d’un personnage, il existe dans son passé quelque chose (événement ou autre) qui a laissé une blessure (physique, psychique, les deux à la fois) qui interfère au présent de la narration avec le rêve ou le but du personnage dans cette histoire.

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Le personnage peut être conscient de cette blessure (qu’il traîne généralement depuis l’enfance) ou bien celle-ci peut être enfouie dans les tréfonds de sa psyché et le personnage n’a nullement conscience de cette blessure qui le mine intérieurement.
Quelque soit la manifestation de cette cicatrice, le personnage a accumulé avec le temps tant de peines et de souffrances que c’en est un véritable fardeau.

Cette blessure morale est la source du conflit émotionnel qui nourrit l’arc dramatique du personnage. Vers la fin de l’histoire, en effet, l’arc dramatique est complété par la prise de conscience de ce fardeau ce qui aide le personnage à s’en débarrasser. Il mue en quelque sorte en un être meilleur car il a atteint une complétude. Il est dorénavant en phase avec sa nature profonde, ce qu’il est vraiment.
On pourrait croire que cela tient du miraculeux mais dans les faits, cette prise de conscience de cette faille dans sa personnalité s’est forgée par les leçons qu’il a apprises au cours de ses épreuves et de ses erreurs tout du long de l’intrigue.

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Considérez que chaque protagoniste possède un atout, un avantage qu’il devra découvrir (généralement avant le climax) afin de recevoir, lorsque ce climax sera résolu, le prix de cet effort.

La blessure peut se produire à n’importe quel âge (bien que l’enfance soit préférée mais c’est vous qui décidez, vous êtes responsable de votre histoire) et à n’importe quel moment de la vie du protagoniste lorsque celui-ci pour une raison ou une autre était diminué donc beaucoup plus vulnérable à être profondément déchiré.
Cette déchirure a mené le personnage à élaborer une vision du monde faite de pensées et de croyances perverties par cette blessure psychologique. Le personnage souffre d’une crise identitaire et il n’est pas vraiment lui tant que celle-ci n’est pas résolue.
Ce qu’il est lorsque nous faisons sa connaissance dans l’histoire reflète une interprétation particulière et erronée du monde et ce sera ainsi tant que ce personnage se définira selon un sens de soi déterminé par les traces qu’a laissées la blessure.
C’est ainsi que l’on peut dire que le personnage n’est pas complet parce qu’il est insatisfait de sa vie et la plupart du temps, il ne sait pas pourquoi. Il lui manque quelque chose dans sa vie pour apprécier pleinement cette dernière.
Cette insatisfaction influe sur ses relations et peut être illustré par son incapacité à aimer, par exemple.

Parce que le passé d’un personnage principal est souvent empli de peurs, de haines, de haine de soi et de souffrances, il est souvent profondément enterré dans les tréfonds d’une psyché.
Lorsque le voile se lève et que la blessure est purgée de l’âme du protagoniste (généralement vers la fin de l’acte Deux pour préparer le climax), l’opération est douloureuse et difficile car il faut non seulement que le personnage discerne cette blessure mais l’intègre aussi de façon à pouvoir vivre avec sans que sa vie soit biaisée.
C’est comme cela que l’acte Trois illustre le nouvel équilibre de vie plus paisible proche d’avant l’incident déclencheur (qui a tout bouleversé) mais avec cette différence que le personnage est maintenant en accord avec lui-même. Il est dorénavant vraiment ce qu’il est.
Vous constaterez d’ailleurs souvent que le sentiment de liberté (ou de désaliénation) et le calme après la tempête ne sont possibles que par le pardon.

Pour que le protagoniste achève sa transformation (un changement de personnalité majeur illustré tout au long de l’arc dramatique), il doit d’abord reconstruire son centre de gravité et retrouver la stabilité dans sa propre intériorité.

Vous avez à votre disposition quatre outils dramatiques pour révéler à votre lecteur la blessure intime de votre personnage :

  1. L’histoire débute au moment où la perte se produit et continue à partir de ce point.
  2. L’histoire débute au moment de la perte mais le présent de la narration (à partir du moment où l’on rencontre pour la toute première fois le protagoniste) se situe plusieurs années après cette perte.
  3. Le passé du protagoniste est montré en flashbacks (ce n’est pas la méthode que nous préférons à Scenar Mag).
  4. Le passé du personnage est montré à travers les comportements et les choix qu’il fait au cours de l’histoire (plus difficile mais aussi plus passionnant à écrire).

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Cette perte d’identité (puisqu’à partir de l’événément qui a blessé le personnage, il ne correspond plus à ce qu’il est vraiment) le rend imparfait. Et c’est exactement cette imperfection qui le rend crédible et facilite l’empathie du lecteur. Lorsque ce dernier peut se connecter sur un tel plan humain avec le personnage, il y a vraiment une compassion qui s’installe et le lecteur se sent concerné par ce qu’il arrive au personnage (du moins, il n’y est pas totalement indifférent).

L’imperfection

Une blessure négligée va s’infecter. Chez le protagoniste qui en souffre, cela se traduit par une répétition de comportements, d’habitudes, de modèles pervertis qui le condamne à l’échec.
Ce sont justement ces habitudes de vie qui sont montrées à des degrés variés au cours du premier acte (y compris après l’incident déclencheur).

Au cours de l’intrigue, comme le protagoniste est soumis à des complications de plus en plus pressantes, cette blessure interférera de plus en plus fortement.
Après la crise et la remise en question vers la fin de l’acte Deux, le protagoniste acquiert une nouvelle connaissance sur lui-même. Il résout ainsi son paradoxe entre le paraître et l’être. Le personnage atteint une nouvelle dimension en intégrant cette part d’ombre qui l’empêchait d’être lui-même (là, nous nous rendons compte que nous faisons un assemblage des enseignements de  Socrate et Jung, mais cela corresponds assez bien à notre pensée).

Dans le dernier quart de l’histoire, le personnage principal se débat pour croire en lui-même, se faire confiance et être en accord avec lui-même et cela sera nécessaire la plupart du temps pour réussir sa mission dans l’histoire.

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Progressivement, il modifie ses comportements, agissant d’une manière qui lui corresponds davantage. Libéré des limitations qu’il s’était imposé, il peut s’emparer du prix (quel qu’il soit, même l’expiation par la mort) à la fin de l’histoire.

A propos de mission à accomplir pour le protagoniste, elle corresponds à son objectif extérieur (son objectif intérieur étant de changer sa personnalité). L’objectif extérieur est barré par l’antagoniste dont la fonction essentielle dans l’histoire est d’empêcher par tous moyens le protagoniste de réussir le but qu’il s’est fixé.
Martha Alderson voit cette ligne dramatique extérieure au personnage principal comme une insistance sur la nécessité pour celui-ci de trouver par lui-même la vérité de sa vie c’est-à-dire qu’il n’accepte plus une réalité réfractée par le prisme d’une expérience qui l’a traumatisé (à vie, pourrait-on dire).