Taj Mahal s'inspire du récit d'une jeune fille de 18 ans (par ailleurs la nièce d'un ami de Nicolas Saada), rescapée de l'attentat qui eut lieu le 26 dans l'hôtel Taj Mahal de Bombay. Bouleversé par ce récit et inspiré par le courage dont fit preuve cette rescapée, Nicolas Saada, a décidé de raconter son histoire, comme un focus sur un personnage d'un film catastrophe. Cette jeune franco-anglaise, à peine sortie de l'adolescence, seule dans cette chambre d'hôtel, dans un pays dont elle ignore tout, va être soudainement confrontée à une violence aveugle, irrationnelle qui fait forcément écho avec les attentats du 13 novembre. Le choix de mise en scène est courageux et ambitieux puisque Saada choisit d'adopter le point de vue de Louise, laquelle enfermée dans sa chambre, ne peut appréhender ce qui se passe que par le son et les quelques informations obtenues des appels passés à ses parents et à un ami de son père, lui aussi prisonnier de cet hôtel. Adoptant les codes du film de terreur, Saada ne s'embarrasse pas avec le contexte politique et les motivations des terroristes qui n'apparaissent pas à l'écran, si ce n'est sur les images diffusées par les écrans que croisent les parents de Louise. Il ne s'agit pas de comprendre comment et pourquoi les événements arrivent mais comment fait-on pour y faire face. Comment une fois passés l'incrédulité et le sentiment de sidération, on peut surmonter la terreur qui nous paralyse pour trouver la force et le courage de faire face à une tel déchaînement de violence.
Comme dans un slasher, l'héroïne est une adolescente et sa seule issue est de se terrer en espérant échapper à ces tueurs fous surgis de nulle part et semblant frapper au hasard dans le seul but de semer la mort. Louise, comme le spectateur, ne les voit pas. L'horreur reste hors champ et passe par le son des rafales de tirs de kalachnikov, des explosions et des cris des victimes. Le sentiment de terreur que cherche à transmettre Saada ne peut passer que par deux médiums: le son et le de son actrice principale. Avec son ingénieur du son, Erwan Kerzanet ( Holly Motors), Saada a effectué un travail très spécifique. Plutôt que de le faire en studio, pendant le tournage, il a décidé d'enregistrer le son des assaillants dans un hôtel désaffecté de la banlieue de Bombay . Cela donne un son très brut, métallique et on sursaute à chacune des explosions et des rafales de tirs. De ce point de vue, l'immersion est totale. Le de Stacy Martin ( Nymphomaniac) est l'autre clé de la réussite du film. C'est dans ses regards, ses déplacements, l'intonation de sa voix que passe l'émotion. En premier lieu, il faut mettre au crédit de Saada et de son actrice d'avoir évité de tomber dans une hystérie qui serait vite devenue insupportable. Louise ne hurle pas et ne fond pas en larmes à chaque détonation, elle conserve longtemps un sang froid étonnant qui peut aussi être analysé comme de la sidération face à la soudaineté et la violence de cette attaque. Néanmoins, le " atone " de Stacy Martin peine à transmettre ses émotions, laisse le spectateur à distance, gênant l'identification. La mise en scène de Saada nous fait certes entrer dans la chambre, sursauter à chaque détonation mais on se trouve en fait plus à côté de Louise, dans la position d'une autre victime, qu'avec elle.
Elle est probablement " bridée " par la volonté de Saada de refuser le spectaculaire, la dramatisation artificielle d'un récit qui doit se suffire à lui même. Cela se retrouve aussi dans la quasi absence de musique et le des parents. Louis-Do de Lencquesaing et surtout Gina McKee peinent à transmettre la détresse que l'on s'imagine être celle de parents dont la fille est prise dans un tel enfer. Ce refus louable de tomber dans une interprétation " actor's studio " finit par nuire à l'efficacité d'un film qui aurait gagné à être plus viscéral, moins enfermé dans un choix artistique qui ressemble plutôt à un code éthique. Cela donne malheureusement parfois l'impression de se retrouver devant des personnages " sous-écrits ", de passer à côté de cette histoire. Peut être que le curseur du " cinéma vérité " voulu par Nicolas Saada a été poussé trop loin, qu'il aurait fallu insuffler plus de " Carpenter " et moins de " Bresson " pour que le film puisse prendre une autre dimension. Une fois sorti de cet enfer et revenu à Paris, le film semble trouver un cadre et un ton qui lui conviennent mieux, plus en phase avec le propos et les intentions de son réalisateur. Le courage dont fit preuve Louise durant cet attentat nous a étonné mais il lui en faudra encore davantage pour se reconstruire. En quelques minutes, puis une dernière scène très réussie, Nicolas Saada conclut parfaitement son film, sans happy end, ni pathos, en parfaite cohérence avec tout ce qui a précédé mais avec l'émotion juste et nécessaire qui lui a parfois manqué.
Le film est disponible en DVD à partir du 5 avril 2016 chez Bac Films
Rencontre avec Nicolas Saada : Nicolas Saada présente le film (30 min)
Entretien avec Stacy Martin : Stacy Martin, Pourquoi a-t-elle accepté le rôle ? (10 min)
Court-Métrage " Aujourd'hui " : Réalisé en 2012 avec Bérénice Bejo (8 min)
Les effets spéciaux, leurs réalisations : Comment les effets spéciaux ont-ils été réalisés (5 min)
Commentaire audio du film : Nicolas Saada nous raconte les secrets de tournage.
Discussion sur la musique du film : Nicolas Saada et Nicolas Godin nous parlent de leur expérience autour du film
Bandes annonces
Titre Original: TAJ MAHAL
Réalisé par: Nicolas Saada
Alba Rohrwacher, Frédéric Epaud ...
Genre: Drame
Sortie le: 2 décembre 2015
Distribué par: Bac Films