23 ans après avoir fait se gondoler plus de 13 millions de français avec Les Visiteurs et 18 ans après un second volet qui avait séduit 8 millions de personnes (par charité d'âme on n'évoquera pas ici les chiffres du pitoyable Les visiteurs en Amérique), la saga initiée par Jean-Marie Poiré et Christian Clavier est de retour pour un troisième épisode. Depuis la création triomphale de ces personnages emblématiques de la comédie française Poiré et Clavier ont subis plusieurs revers de fortune. Le réalisateur a connu 14 ans de disette depuis son dernier film, le cataclysmique Ma Femme s'appelle Maurice et le comédien, avant de se refaire une virginité avec le triomphe public de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu? a enchainé les projets ratés associés à une image publique qui s'est dégradée. Le retour à l'écriture du tandem à qui l'on doit des comédies irrésistibles adoucissait quelque peu cette impression que repartir sur un troisième épisode d'une saga qui avait fait à la fois ses preuves et son temps n'était peut-être pas l'idée du siècle. En tout cas de celui-ci. Malheureusement, notre sentiment est conforté après avoir découvert le film. Sans être honteux, Les visiteurs - La révolution (qui a des points positifs, nous allons y revenir) a un défaut majeur, voire rédhibitoire pour une comédie. Il ne fait pas rire. Si l'on sourit à plusieurs reprises, c'est plus la nostalgie d'une époque révolue qui nous y conduit, comme lorsque l'on se remémore un bon souvenir. Et pourtant ce n'est pas faute de s'être rendu au cinéma en voulant l'aimer ce film, comme lorsque l'on espère qu'une histoire d'amour déçue va renaitre de ses cendres et repartir de plus belle.
C'est dommage car il y avait de quoi essayer d'atténuer l'impression de gâchis suscitée par Les couloirs du temps, un deuxième épisode qui n'avait déjà pas renouvelé l'inventivité et la folie du premier et qui s'était construit son succès en grande partie sur la notoriété du film original. Dans Les visiteurs - La Révolution, on a la désagréable impression d'un film daté et anachronique tant son rythme est souffreteux et que l'histoire qui nous est contée a un mal fou à nous intéresser malgré l'ambition de départ. Qui plus est, la relation entre Jean Reno et Christian Clavier qui faisait le sel des Visiteurs semble fonctionner beaucoup moins bien aujourd'hui. Jean Reno semble dire ses répliques sans conviction. Clavier maîtrise son personnage et s'en délecte ce qui n'est pas désagréable, mais il ne fait que tracer le sillon existant en changeant simplement les mots mais en conservant ce ton caractéristique qui a fait le succès de Jacquouille. Plus grave, l'entente entre les deux acteurs semble rompue et la cohésion de leur duo en prend un sacré coup. Les nouveaux venus ont des profils différents et leur intégration dans l'univers des Visiteurs est plus ou moins réussie. Si Franck Dubosc, Sylvie Testud et Alex Lutz tirent leur épingle du jeu, Ary Abitan, Pascal N'zonzi, Karin Viard ont si peu de choses à défendre que leurs personnages sont tout à la fois agaçants, incohérents et au final, sans consistance. Même Marie-Anne Chazel est réduite à la portion congrue dans ce troisième épisode et est sacrifiée sur l'autel d'on ne sait trop quelle ambition. Et l'abondance de gags scatologiques finit par nuire à l'ensemble même si côté mise en scène, il est agréable de voir que Jean-Marie Poiré en a fini avec ses crises d'épilepsie lorsqu'il filme et qu'il a enfin renoncé au sur-découpage à tout va pour construire des plans dignes de ce nom. La reconstitution et les décors plutôt réussis et sont au niveau d'une superproduction et en imposent mais cela fait regretter que tout ne soit pas au même niveau qualitatif. On sent la volonté de bien faire, de s'appliquer, mais sans changer un iota à la recette, il est très compliqué d'apporter quelque chose de neuf et au final on s'ennuie ferme.
Que retenir alors de ce troisième épisode? Pas grand chose, si ce n'est le dernier quart d'heure, qui, s'il propose la germe d'un quatrième volet que l'on espère ne pas voir se concrétiser, porte en son sein, tout ce qu'aurait dû être ce film. Car sortir les deux protagonistes principaux du 20 ème siècle pour les plonger dans une autre période historique marquante n'était peut-être pas une si bonne idée qu'elle en avait l'air. Mais la fin du film augure de ce qu'aurait pu être Les visiteurs 3 si les deux auteurs avaient suivis la voie qu'ils empruntent à ce moment là, à savoir aborder une période nouvelle et troublée, où des postulats moraux auraient pu se poser à nos héros et à leur descendance, et trouver un nouvel angle pour en rire au travers du prisme des paradoxes temporels. Mais il est déjà trop tard pour sauver l'entreprise et on ne peut que le regretter. Jean-Marie Poiré et Christian Clavier ont été de grands artisans de la comédie française et rien ne leur interdit de le redevenir. Mais pour y parvenir, ils devront s'affranchir de leurs succès d'antan et se réinventer avec des dialogues piquants, de la virulence, du rythme et surtout un véritable scénario avec une vraie ligne directrice et un humour qui s'est semble t-il lui aussi fait la malle dans les couloirs du temps.
Titre Original: LES VISITEURS - LA RÉVOLUTION
Réalisé par: Jean-Marie Poiré
Genre: Comédie
Sortie le: 06 avril 2016
Catégories : Critiques Cinéma
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