Le genre horrifique

Il faut bien reconnaître que le genre horrifique est le pain béni de nombreux specs (ces scénarios que tout un chacun est capable d’écrire en espérant qu’il ne reste pas au fond  d’un tiroir).
Le lecteur en est avide et par là, les investisseurs potentiels dans votre projet. Cependant, on ne peut affirmer que ces specs  au genre horrifique assumé peuvent être classés spécifiquement dans ce genre. Ils ont certes certains des éléments génériques qui les distinguent d’autres histoires mais ils prêtent bien peu d’attention aux conventions du genre horrifique, ni aux caractérisations classiques de leurs personnages.
Ils se sont aussi affranchi de l’arène fantastique qui s’est d’abord opposée au réalisme (et à l’apogée de la raison) du siècle des lumières par les romantiques. L’esthétique gothique (en littérature) bien que des résurgences formelles soient de belles qualités n’est plus l’apanage du genre horrifique.

Le genre horrifique est capable de nous donner autre chose qu’une resucée du même : l’idée d’une décapitation, par exemple, peut se retrouver dans de nombreuses histoires et pourtant chacune de ces histoires est capable de manifester cette idée sous une multiplicité de formes (si elles veulent bien s’en donner la peine).

Ce qui refrène les auteurs tentés par l’horreur est de succomber à la formule toute faite, d’enfoncer des portes mille fois ouvertes ou tout simplement d’être ridicules et préfèrent se tourner vers le drame ou la comédie parce que ces genres s’adressant au cœur ou à des émotions jugées plus saines, plus morales, Ils estiment que la réception par le lecteur est beaucoup plus facile à assimiler.

L’horreur a un fort marquage socio-culturel. Elle est relative au contexte actuel de la vraie vie et Stephen King l’a remarquablement définie ainsi. Il serait bon alors de suivre les tendances sans croire pour autant que l’originalité ne serait pas au rendez-vous. Comme l’écrit Blake Snyder dans Save the Cat!, on n’aura jamais fait le tour d’un genre particulier. Il y a toujours la possibilité de présenter quelque chose de nouveau à l’intérieur d’un même genre. C’est ainsi qu’il propose lui-même 10 genres qui rassemblent toutes les histoires et que celles-ci peuvent être uniques (sauf dans les cas de plagiats éhontés).

Si vous aimez être effrayé, si vous appréciez de voir (confortablement) des scènes écœurantes, qui interpellent viscéralement, lancez-vous dans l’écriture d’un projet horrifique.

On peut discerner au moins cinq catégories que décline le genre horrifique.
A noter que plus que tout autre genre, l’horreur (et la matrice qui la génére, à savoir le fantastique, du moins en France) est un genre hybride et qui n’hésite pas à embarquer des conventions, des codes qui relèvent habituellement d’autres genres (tels que la comédie, par exemple).

Le surnaturel

Le surnaturel peut se subdiviser en deux branches :

  • Des entités et des personnalités tels que les vampires, les lycanthropes, certaines activités irréelles telles que celles des devins (ceux qui ne font pas dans l’homicide). Il y a ceux et celles aussi tout comme Carrie qui ont des pouvoirs spéciaux.
  • Par ailleurs, vous avez tout ce qui est démoniaque (démons, Satan, Moloch… la liste est presque infinie et très inspirante). Ce sont toutes ces histoires qui intègrent en leur thème des motifs religieux.
    Par exemple, Le souffle du démon de Richard Stanley qui conte l’histoire d’un auto-stoppeur remonté des Enfers ou Aux portes de l’Enfer de  William Hjortsberg (le roman) et Alan Parker (pour l’adaptation). On y trouve aussi des titres comme Battle Royale (2000) de Koushun Takami (le roman), Kenta Fukasaku (adaptation et réalisation).
 Le serial killer

Une icône du cinéma indépendant. Le slasher est aussi un sous-genre du type Serial Killer. Si votre histoire s’articule autour d’un prédateur (ce qui donne un sens plus large que simple tueur psychopathe), vous avez matière à écrire du fantastique sous ses aspects les plus viscéraux (en effet, l’horreur a pour objectif de vous prendre aux tripes).

Les créatures

Ce n’est pas seulement tout ce qui sort de l’ordinaire, qui est étrange (donc qui trouve une explication avant, pendant ou à la fin de l’histoire) comme le monstre de Frankenstein (un monstre à la monstration multiple).
A propos de pluralité autour d’un concept, c’est-à-dire toutes les représentations qui se sont servies du même modèle, il faut peut-être réfléchir si un usage strict (sans y ajouter votre touche à vous, votre perception personnelle du modèle) du même paradigme n’aboutirait pas à un anéantissement du concept, c’est-à-dire concrètement à un épuisement des propositions narratives sur un sujet précis.

Mais ce sont aussi et surtout des créatures qui viennent d’un autre monde (que ce monde soit terrestre ou non) et qui ont une existence en soi, que ni homme, ni dieux n’ont créées et qui viennent avec leurs propres règles et leur propre code moral (et aussi leur propre religion et leur propre cosmogonie) qui font le gros des troupes parmi la foultitude des créatures imaginaires.
On trouve aussi parmi ces créatures des entités ectoplasmiques (émanation, spectre, toutes sortes de revenants) meurtrières qui ont bien souvent un passé qui justifie leurs actes. Et parfois de si belles façons que l’on se demande entre ceux qui paraissent être victimes de cet antagonisme insaisissable et celui-ci, lequel des deux est le plus moral.

La vengeance

Ce n’est pas spécifiquement réservé au genre horrifique. Mais utilisé comme moteur de l’intrigue, cela peut être intéressant.

A lire :
MOTIVATIONS : LA VENGEANCE

I spit on your grave d’après le scénario de Meir Zarchi se sert de ce ressort pour conter une histoire de viol et de vengeance (notez que ce contexte dramatique peut être traité sous d’autres formes que l’horreur telle le thriller (horrifique ou non, d’ailleurs).
The Crow de David J. Schow et John Shirley, d’après la bande dessinée de James O’Barr illustre bien aussi le thème de la vengeance (qui serait un plat qui se mange froid au vu que ce sont les morts eux-mêmes qui se chargent d’assumer leur propre revanche).
Doit-on y voir une revanche sur la vie ? c’est peut-être une thématique à explorer.

Evidemment, ces cinq catégories sont une approche comme une autre mais cela permet peut-être de s’orienter vers certaines voies pour exprimer sa voix. L’horreur n’est pas un genre qui n’a rien à dire.

Ecrire l’horreur implique (comme dans tout autre genre d’ailleurs) que le lecteur s’attend à voir certaines choses. Si elles n’y sont pas, c’est la frustration assurée.
Ces éléments spécifiques au genre n’interdisent en rien de respecter par ailleurs les éléments constitutifs d’une histoire : des relations entre les personnages, des archétypes éventuellement, un début, une milieu et une fin, un incident déclencheur au début qui va initier l’intrigue à défaut de la lancer (ce passage dans l’acte Deux corresponds davantage à la prise en charge par le protagoniste de son problème).
Il y en a d’autres évidemment mais l’un des plus cruciaux pour la réussite de votre projet est d’installer entre le lecteur et le personnage principal, une empathie. Il faut qu’il y ait une connexion car quels que soient les éléments génériques que vous allez greffer sur votre histoire, ils n’auront aucun effet si un lien empathique n’est pas au préalable établi entre le lecteur et votre personnage principal.

Il faut que vous parveniez à ce que le lecteur s’investisse dans votre histoire, que vous lui permettiez d’accompagner le héros dans son voyage (dans son aventure si vous voulez).

Quels sont les éléments horrifiques les plus récurrents ?
Les femmes sont fortes et les hommes sont faibles (mais les hommes aux pouvoirs extraordinaires ou surnaturels sont toujours purs et durs).

Ellen Ripley (Alien), Sarah Connor (Terminator) ou Alice (Resident Evil) sont des personnalités génériques de l’horreur et de ses dérivés.
Elles ne sont pas seulement des combattantes mais aussi les gardiennes d’un ordre moral faisant du prosélytisme sans parfois en être consciente et surtout en étant le dernier bastion entre le bien et le mal (ou le juste ou l’injuste ou toute autre binarité que vous souhaiteriez explorer).

L’antagoniste est alors très souvent un homme ou alors le suppôt mâle d’une entité maléfique, d’un concept maléfique (qui peut être institutionnel, sociétal ou religieux). Enfin, il sert un dessein mauvais effectivement souvent pour le compte d’autrui qui le dépasse, qui nous dépasse.

D’un autre côté, vous avez des personnages comme Riddick (qui peut voir dans le noir, une capacité pour le moins extraordinaire pour un être humain) ou Eric Draven (The Crow) qui n’aspire qu’à la vengeance (justifiée si tant est qu’elle peut l’être) mais qui est mort (animé donc d’une force pour le moins surnaturelle).
Habituellement, les autres personnages masculins sont progressivement éliminés et souvent brutalement. Si des personnages comme Riddick ou Draven sont encore en mesure de faire face au moment du climax, c’est parce qu’ils bénéficient de ce pouvoir, de ce talent, de cet attribut si étrange et particulier qui les distingue des autres mortels (essentiellement masculins).

Le monstre n’est pas le seul problème

Si le monstre devait être le seul problème, l’histoire serait somme toute assez ennuyeuse. Il est certes la mission du héros mais cet objectif est insuffisant pour le genre horrifique.
A l’intérieur même du groupe censé être soudé dans la résolution du problème, des conflits doivent naître.
Que ce soit une cinquième colonne infiltrée dans le groupe ou un personnage représentant une entité bien plus dangereuse que le monstre lui-même, (tel Carter Burke, avocat de la compagnie Weyland-Yutani dans Aliens, le retour), il est nécessaire qu’une seconde menace, bien humaine celle-là, ajoute une complexité à l’histoire. Protagoras a écrit que l’homme est la mesure de toute chose (sujet philosophique à débattre ailleurs que dans cet article) mais l’humain est ce qui permet à un lecteur de comprendre de manière intelligible l’horreur qu’on lui montre). Tout est relatif.

Une des failles majeures du héros est le peu de respect qu’il a envers lui-même

Le monstre pourchasse le héros et on pourrait croire que ce qui le motive est la haine. Mais quelque que soit l’intensité de cette haine, elle ne sera jamais aussi forte que la haine que le héros se voue à lui-même.
Le personnage principal est très souvent soumis à un problème d’estime de soi dont l’origine remonte généralement à son enfance. Ce qui est intéressant avec cette approche est qu’elle permet de justifier des actes immoraux auxquels on ne s’attend pas chez un héros.
Ce peut être des choses sans complications inutiles comme la perte d’un amour que le personnage principal n’a pu sauver d’une destinée horrible et dont le repentir (ou le deuil) ne se sont pas encore accomplis et qui interfèrent avec les actes et les décisions du héros dans le cours de l’histoire (nécessairement au présent).

A lire :
L’ETHIQUE DES PERSONNAGES

La mort n’est pas une fin en soi mais souvent la solution

Il arrive parfois que le personnage principal dans l’horreur soit un être ressuscité comme Eric Draven qui, incapable de sauver la vie de sa fiancée et sa propre vie, trouve vengeance dans la mort.
Harry Angel dans Angel Heart décide de ne jamais mourir afin de ne pas honorer son contrat et de livrer son âme au diable (Louis Cyphre). Mais le prix à payer de cette décision est qu’il doit tuer le jeune soldat afin d’échanger leurs corps.
Vous remarquerez aussi que dans les histoires où un monstre tient la vedette, les personnages auront tendance à vouloir se sacrifier pour que le groupe ou le monde puissent survivre à la menace apocalyptique. Même si le sacrifice n’a pas lieu, toutes les intentions sont données pour qu’il soit crédible.

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VOGLER : L’ARCHETYPE DU HEROS

Plus que dans tout autre genre, construisez le suspense

Il vous faut une accroche, il vous faut un incident déclencheur et le genre horrifique apprécie lorsque c’est un peu gratiné tout de même. Cependant, cela ne doit pas vous interdire de continuer à travailler le suspense dans votre histoire.
Ce n’est pas parce que vous pensez que vous avez été très loin dans l’accroche et l’incident déclencheur que vous avez fait le tour de l’horreur que vous pouviez convoquer.

Comme dans n’importe quelle histoire, il est nécessaire de construire le suspense, de jouer avec la tension dramatique. L’horreur se conjugue avec la tension et fonctionne de la même façon. Vous croyez que votre héros ne peut pas connaître pire que ce que vous venez d’écrire pour lui, détrompez-vous ! Vous pouvez toujours l’emmener encore plus bas.

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AJOUTER DU CONFLIT DANS UNE SCENE
LE SUSPENSE

C’est un choix que vous devez faire mais la comédie et l’horreur s’accordent généralement très bien.

Rappelez-vous l’excellent Shaun of the Dead.
Un avantage que procure cette combinaison très particulière que permet l’horreur est que vous n’avez pas l’obligation d’être exceptionnellement amusant pour que votre histoire fonctionne : elle sera jugée à l’aune horrifique et non aux bons mots dont vous affublerez vos scènes.
Cependant, cela aide si vous êtes bon dans l’un et l’autre genre.

L’humour peut être utilisé pour relâcher la tension que des scènes ou des images ont portée à son paroxysme. La tension dramatique est une courbe sinusoïdale dans le reflux doit être amorcée (tout comme la montée, d’ailleurs).
Pour dénouer une situation tendue (on en trouve dans tous les genres, mais il est vrai aussi que le genre horrifique est particulièrement éprouvant dans certaines scènes), les auteurs qui font dans l’horreur emploient l’humour pour permettre à leurs lecteurs de souffler un peu avant de les renvoyer vers d’autres scènes paroxystiques.
Des éléments plutôt réservés à la comédie peuvent même mieux fonctionner avec l’horreur sur la base même du contraste qu’offrent leurs différences.

Il y a une limite à ne pas dépasser

Il ne s’agit pas de museler votre muse. Mais ce n’est pas parce que l’on entend souvent que tout a déjà été montré qu’il faut satisfaire aux pulsions scopiques les plus malsaines.
Montrer une scène de viol dans des détails sordides, inutiles et surtout gratuits, qui n’ont aucune nécessité dans l’histoire (sauf de fournir des images rassurantes à un producteur véreux) revient à pousser les limites vers des dimensions qui vont vous cataloguer et vous barrer en tant qu’auteur véritable.
Ne faites pas dans le sensationnalisme nécessairement changeant et par là, qui ne restera pas dans les esprits.
Comprenez bien ce que Stephen King expliquait : les tendances sont socio-culturelles. Les thèmes horrifiques doivent s’adapter au contexte actuel.
L’horreur classique peut marquer son temps (et rester dans les esprits des décades entières). Le sensationnalisme est démagogique, populaire et est par définition un produit hautement périssable.

Et rappelez-vous ce que Blake Snyder a dit : on peut toujours faire du nouveau même si tout a déjà été dit

Blake Snyder a élaboré 10 genres dans lesquels on peut concevoir d’autres façons de montrer les choses.
On peut toujours montrer autrement une créature (un vampire, par exemple), un serial killer ou le surnaturel.
Les genres ne sont pas des vérités absolues. Ils sont compréhensibles relativement à des concepts présupposés et c’est en comparant ce qui est montré avec des choses similaires que le thème du vampire, par exemple, peut être retravaillé sous un jour nouveau (ou une nuit nouvelle).
L’exemple que nous allons donner est stupide mais si vous décidez que votre vampire doit se gaver de foie gras pour survivre au lieu du sang de ses victimes, vous allez cassez l’image du vampire dans l’esprit du lecteur. Ce dernier n’aura plus de repères pour identifier votre vampire. Vous allez le mystifier en présentant un personnage discordant entre ce que vous avez en tête et ce que vous souhaitez faire entrer dans l’esprit du lecteur.
On peut briser certaines règles mais attention à ne pas aller contre les codes trop ouvertement car votre langage deviendra inaccessible au lecteur.

Les attentes du lecteur lorsqu’il se retrouve confronté à un genre sont nécessairement relatives à ce qu’il connaît déjà du genre. Si vous lui refusez cette comparaison, vous allez le frustrer.