Le Maître d'Armes (Lame de sang)

Par Olivier Walmacq

Genre : arts martiaux, biopic
Année : 2006
Durée : 1h46

L'histoire : Huo Yuanjia rêve depuis sa plus tendre enfance de se consacrer aux arts martiaux. L'opposition de son père, lutteur réputé, ne fera que renforcer sa détermination : Yuanjia décide d'apprendre les techniques de combat par ses propres moyens et se lance dans un entraînement intensif avec pour partenaire son ami Nong Jinsun... Les années passent, les victoires s'enchaînent, tandis que la vanité et l'arrogance du lutteur deviennent chaque jour plus insupportables. Lorsqu'un de ses jeunes apprentis est blessé par le maître Chin, Yuanjia défie ce dernier et n'hésite pas à le tuer. Cette "victoire" sera fatale aux deux êtres qu'il chérit le plus au monde : sa mère et sa fille.  

La critique :

La carrière cinématographique de Ronny Yu débute en 1979. Réalisateur, producteur et scénariste chinois, il obtient un vif succès dans son pays avant de se faire remarquer par le cinéma hollywoodien. A partir de 1997, il tente le périple américain et se confit dans les productions avariées et mercantiles. Magic Warriors (1997), La Fiancée de Chucky (1998) et Freddy contre Jason (2003) sont autant d'échecs artistiques. Paradoxalement, les films marchent plutôt bien aux Etats-Unis.
Hollywood et ses nombreux sponsors lui confient alors la réalisation du Maître d'Armes, sorti en 2006, un film beaucoup plus personnel. Avant d'être un film d'arts martiaux, Le Maître d'Armes reste avant tout un biopic, librement inspiré de la vie d'Huo Yuanjia.

L'action du film se déroule peu avant la naissance de la République chinoise et plus précisément au moment de l'impérialisme japonais. Une thématique récurrente dans les films d'arts martiaux, à savoir ces chinois répudiés, fustigés et régulièrement rudoyés par l'ennemi japonais. On retrouvait déjà cette rhétorique dans certains films de Bruce Lee, notamment La Fureur de Vaincre (1971), lui aussi basé sur une histoire vraie et sur un héros populaire chinois.
Bref, Ronny Yu n'a rien inventé. Le but du Maître d'Armes est donc de rendre un vibrant hommage aux films d'arts martiaux des années 1970, tout en jouant la carte moderne et du consumérisme. Les séquences de bastons et les effets visuels sont donc chorégraphiés par les techniciens de Matrix et Kill Bill.

En résumé, nous voici devant un film chinois estampillé hollywood. Un oxymore. Reste à savoir ce que vaut concrètement Le Maître d'Armes. Réponse dans la lignes à venir. La distribution du film réunit Jet Li, Betty Sun, Collin Chou, Masato Harata et Nathan Jones. On ne présente plus Jet Li, souvent présenté comme le nouveau Bruce Lee, mais aux choix cinématographiques plus que contestables : Roméo doit mourir (2000), Le baiser mortel du dragon (2001), L'arme fatale 4 (1994) ou encore Rogue : l'ultime affrontement (2007). Le maître d'armes constitue un choix important dans la carrière de l'acteur asiatique, lui aussi expatrié aux Etats-Unis.
Désormais quarantenaire, Jet Li n'est plus cet érudit "martial" du passé. Le film doit donc marquer une nouvelle étape dans sa carrière.

Certes, Jet Li s'investit totalement dans son personnage et les chorégraphies. Paradoxalement, il sait aussi qu'il ne pourra plus réitérer les mêmes performances dans l'avenir, finalement à l'image de son personnage, qui lui aussi, a connu son lot de tempêtes et de désappointements. Attention, SPOILERS ! Huo Yuanjia rêve depuis sa plus tendre enfance de se consacrer aux arts martiaux.
L'opposition de son père, lutteur réputé, ne fera que renforcer sa détermination : Yuanjia décide d'apprendre les techniques de combat par ses propres moyens et se lance dans un entraînement intensif avec pour partenaire son ami Nong Jinsun... 
Les années passent, les victoires s'enchaînent, tandis que la vanité et l'arrogance du lutteur deviennent chaque jour plus insupportables. Lorsqu'un de ses jeunes apprentis est blessé par le maître Chin, Yuanjia défie ce dernier et n'hésite pas à le tuer.

Cette "victoire" sera fatale aux deux êtres qu'il chérit le plus au monde : sa mère et sa fille. Le film de Ronny Yu a une vraie connotation historique avec cette histoire (sous-jacente) de colonisation occidentale. Les chinois ne sont plus seulement morigénés par les Japonais, mais aussi par le colonialisme (despotique) européen. Dès son introduction, Ronny Yu a le mérite de présenter les inimitiés.
Durant son enfance, Huo Yuanjia est un gosse fragile, régulièrement rossé et vilipendé par ses camarades de classe. Son père subit une défaite sévère par une école d'arts martiaux rivale. Hagard, le gosse s'entraîne durant de nombreuses années et devient un combattant aguerri. Adulte, il enchaîne les victoires (38 au total) et défie les plus grands maîtres chinois. Jusqu'au jour où il provoque une rixe avec un autre expert en arts martiaux.

La suite ? La femme et la fillette de Huo Yuanjia sont assassinées. Après vingt minutes de combats et de heurts intenses, le film minore soudainement son propos. En plein marasme, Huo Yanjia se réconcilie avec lui-même. D'un combattant à la fois pugnace et condescendant, il devient un maître rempli de regrets et de sagesse. C'est donc un nouveau Huo Yanjia qui réapparaît en ville.
Désormais, il défie l'autorité occidentale et colonialiste. Il accepte alors de se mesurer avec quatre combattants hors pair, dont un valeureux guerrier chinois. Paradoxalement, l'intérêt du Maître d'Armes ne se situe pas dans ses nombreuses bastons homériques ni dans son scénario (encore une fois de facture classique), mais plutôt dans son approche d'un personnage hors du commun.
Certes, certains contempteurs pesteront et tonneront contre l'esprit romancé de ce biopic. 
Pourtant, la formule fonctionne parfaitement sur la durée. Jusque-là cantonné dans des rôles infatués et monolitiques, Jet Li trouve ici un personnage à sa juste valeur, délivrant enfin l'émotion et l'intensité dramatique attendues depuis des années. Malgré de menus défauts, déjà cités dans cette chronique, Le Maître d'Armes reste un film d'action et d'arts martiaux particulièrement attachant.
Le meilleur film hollywoodien de Ronny Yu, tout simplement.

Note : 14.5/20

 Alice In Oliver