Le Dernier des Fous (Comment gâcher un film en 10 leçons)

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Genre :Drame

Année :2007

Durée :1h36

Synopsis :

Dans la province française, de nos jours. Dans la ferme de ses parents, Martin, 11 ans, assiste désemparé à la désintégration de sa famille. Sa mère, fermée au monde qui l'entoure, vit cloîtrée dans sa chambre. Son frère aîné, qu'il vénère, se noie dans l'alcool, et son père, sous l'emprise de la grand-mère, n'est que le spectateur impuissant de la déchéance familiale. Résistant au désespoir, Martin trouve refuge auprès de son chat Mistigri et de Malika, la bonne marocaine à laquelle il est très attaché. Mais ni leur affection, ni sa volonté de comprendre et d'aider les siens ne parviennent à ralentir la marche inéluctable de ce tragique été. Martin se prépare à mettre fin à toute cette confusion...

Critique :

Quand on parle du cinéma français, on pense notamment à la Nouvelle Vague avec des réalisateurs comme Truffaut, Carné ou Godard, pour ne citer qu'eux, qui ont réussi à donner à ce cinéma ses lettres de noblesse. On pense aussi au mouvement peu connu de l'Avant Garde avec des auteurs comme Germaine Dulac ou Abel Gance. On pense également aux genres de prédilection de ce cinéma qui sont la comédie, le drame et le policier (mais celui-ci s'est considérablement éclipsé depuis un moment).
Pourtant, peu de films chocs, films d'épouvante ou horreur nous viennent à l'esprit. On citera des titres comme MartyrsLes Yeux Sans VisageHaute TensionA l'IntérieurFrontière(s)Livide (je ne connaissais pas mais je vais aller me renseigner là dessus, c'était la petite info inutile mais j'avais envie de le dire) ou encore le dernier venu que je chroniquerai plus tard et qui se nomme Horsehead.

Si ces films ont réussi le pari de nous offrir de la qualité allant même jusqu'à être tout bonnement excellents comme les 2 premiers que j'ai cités, il faut quand même avouer que nous n'avons pas droit à une offre généreuse. Il faut l'avouer, sans rabaisser le très bon cinéma français d'antan, ce cinéma manque un peu de patate. Les oeuvres radicales tombent au compte-goutte et ce n'est pas actuellement que l'industrie grand public va s'y lancer car en plus d'être trop politiquement correcte, elle en est tout simplement médiocre. On a mal au coeur quand on voit que des films comme "Les Profs" ou "Les Nouvelles Aventures d'Aladin" battent des records d'audience, tant on atteint des sommets stratosphériques de conneries qui feraient passer Sharknado pour un Kubrick (car le film nous fait au moins rigoler).

Dans mes élucubrations cinématographiques, mon attention s'est soudainement portée sur un film peu connu et qui, à ma connaissance, n'a pas fait plus de bruit que ça malgré qu'il ait décroché le prix Jean Vigo ainsi que le prix de la Mise en Scène (hahaha !) au festival de Locarno. Une fois qu'on a vu ce pedigree, on attrape quand même un minimum de confiance et on se dit qu'on y trouvera son compte. Voir un potentiel film choc sorti tout droit de la douce France reste quand même assez rare, vu ce climat politiquement correct où la prise de risque est aux abonnés absents.
C'est bien ça en fait qui plombe pour beaucoup le cinéma français. Le CSC finance un nombre impressionnant de films chaque année (près de 300, ce qui n'est pas rien) dans le but d'obtenir un maximum de rendement, sauf que peu de films marchent en fin de compte, excepté les films mis en avant. En partant de ce postulat, on en arrive au fait que des films trop ambitieux sont relégués aux oubliettes par des responsables qui rechignent un peu trop et qui ne voient que le maximum de films à produire. Il ne faut pas oublier que le cinéma français voit les aides au cinéma provenant donc du CSC placées sous l'autorité du ministère de la culture et recevant le soutien indirect de l'Etat ainsi que des fonds publics. Sachant que les investissements dans le cinéma ont chuté depuis la chute des revenus de l'audiovisuel, on se rend compte que les moyens sont limités et que la prise de risque est mal vue.

Après, on a aussi le problème de nombre de réalisateurs peu ouverts d'esprit toujours cantonnés dans la Nouvelle Vague essayant vainement de reproduire le travail colossal d'anciens réalisateurs déchus sans jamais y parvenir. Au final, on a tout une série de composantes qui brident considérablement le cinéma français et l'empêchent de développer de l'ambition, de multiplier les projets diversifiés et j'en passe. Et en plus quand nombre de réalisateurs n'ont pas un talent vérifié, on pleure. Voilà c'était mon petit spitch sur la condition actuelle de ce cinéma pour retourner au film en lui-même. 

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ATTENTION SPOILERS : Martin est un petit garçon vivant dans une zone rurale semblant hors du temps où il évolue dans un climat familial particulièrement austère avec une mère psychologiquement instable et recluse dans sa chambre, un frère qu'il adore mais qui est alcoolique et un père n'ayant plus de contrôle sur le devenir de sa famille. Ses seuls réconforts se révèlent être son chat et la bonne. Mais Martin commence intérieurement à ne plus pouvoir supporter cette situation et lentement mais sûrement, il comptera y mettre un terme. FIN DES SPOILERS. 

Bis repetita, vous avez pu voir que le synopsis a de quoi susciter l'intérêt et nous offre un potentiel avant-goût d'un film choc à la thématique douloureuse de l'enfance perdue et bafouée par la solitude et l'oubli. Effectivement, ces thématiques seront traitées, il n'y a pas de souci à ce niveau là mais pour ce qui est du film choc, permettez moi Laurent Achard de vous dire que vous venez de souiller allègrement un fantastique potentiel. Pour commencer, il est nécessaire de vous informer que le film se révèle être tout public malgré l'avertissement de scènes susceptibles (c'est à dire une) de heurter les spectateurs. Il me semble que pour qu'un film soit choc, mais je peux me tromper, il doit au moins nécessiter une petite interdiction aux moins de 12 ans.
Voilà déjà un premier point problématique qui bousille en quelque sorte les caractéristiques de pouvoir aller plus loin, de pouvoir choquer le spectateur. Achard annihile toute forme de transgression pour nous offrir quelque chose de plat, plus plat qu'une crêpe. C'est mou mon Dieu mais que c'est mou. Je suis amateur de cinéma contemplatif, mais là ça passe pas parce que déjà il n'y a rien de contemplatif mais en plus, on verse carrément dans un rythme léthargique digne du stéréotype du télé-film mélodramatique bien chiant, passant à la TV par un dimanche pluvieux. Je ne sais pas si le réalisateur connaît le sens du mot "punch" mais je l'invite à se documenter là dessus pour, à l'avenir, nous offrir quelque chose d'un peu plus énérgétique. Je ne demande pas un véritable massacre où le gosse démembre les cadavres de ses parents à coup de hachoir alors que le GIGN encercle la maison, mais plus de conviction car je ne suis pas sûr que le réalisateur y croit à ce projet.

Bref, le rythme léthargique plombe et ruine le potentiel non-négligeable et est à l'image des personnages. Comprenez bien qu'ils n'y croient pas non plus et n'ont aucun charisme. En fait, ce n'est même pas qu'on s'attache à eux mais c'est qu'ils nous énervent. On a juste envie de les secouer. C'est clair que rien n'est surjoué dans ce film, c'est sûr mais ces personnages dorment, ma parole ! Le seul personnage susceptible d'attiser 2 minutes de notre curiosité est la mère, mais au final on ne saura rien sur elle, rien sur ce qui a pu se produire pour qu'elle en arrive à être ainsi.
Parlons du gosse maintenant qui est bien évidemment le personnage central du récit. Je ne l'ai pas inclu avec les autres qui n'ont pas de charisme, même s'il lui en manque quand même mais à ce niveau, j'ai bien aimé son jeu d'acteur. On le sent vraiment comme un enfant abandonné du monde entier, reclus dans cette campagne sans aucun ami avec qui jouer et qui est même abandonné de ses parents. Achard a eu au moins le mérite de bien traiter la base de la thématique de l'enfance meurtrie où Martin fait face à une solitude presque insupportable et à un oubli assez choquant de ses parents.
Bien évidemment, il y a son frère mais il ne parvient pas à procurer suffisamment de réconfort envers Martin et on en revient à la seule scène choquante du film SPOILER son suicide par pendaison aura tôt fait de rajouter une bonne dose de solitude dans le coeur de Martin FIN DU SPOILER.

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Le thème de la désintégration familiale est aussi traité de manière un minimum correcte au travers de quelques disputes captant enfin notre attention et qui se révèlent être réalistes, justes et procurant une légère tension. D'ailleurs, certaines séquences arriveront (MIRACLE) à procurer un petit malaise chez le spectateur mais malheureusement ces scènes sont peu nombreuses et le réalisateur ne parvient pas à nous emmener avec lui dans un climat de tension omniprésente et malsaine. Je peux sortir des titres de films français y arrivant : Martyrs et Baxter qui sont les plus représentatifs selon moi.

On ne peut pas compter non plus sur une réalisation tout ce qu'il y a de plus basique avec des plans basiques souvent fixes, des cadrages basiques. En bref, aucune initiative. Alors on se dit que le final sauvera les pots et parviendra à nous faire oublier le coma généralisé du film pour nous offrir un final efficace. Il a réussi à intégrer quand même quelques séquences classiques mais bien foutues, donc peut-être qu'il va nous épater sauf que non. Pire encore, on cligne des yeux à la fin avec un sourire en se demandant si le réalisateur ne s'est pas ouvertement foutu de notre gueule.
On ne voit pas la moindre gouttelette de sang ni le moindre impact de balle pour vous renseigner un peu. Parvenir à censurer à ce point une scène classique d'assassinat par arme à feu, chose que nous pouvions assister depuis la nuit des temps au cinéma, est assez navrant. Les personnages s'effondrent simplement en marchant les uns derrière les autres avec le bruit du pistolet en fond sonore. On m'excusera mais la fin est peut-être le pire moment du film.

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Je reste cependant sceptique vis-à-vis de ce choix trop politiquement correct pour un film supposé être coup de poing surtout quand on sait que le ministère de la culture ne porte pas dans son coeur les films dérangeants. Il n'y a qu'à voir l'interdiction aux moins de 18 ans que Martyrs a failli se prendre en pleine poire ainsi que le tollé autour pour un très bon film qui, plus est, intelligent. J'admets l'hypothèse que le réalisateur a du avoir par derrière un cahier de charge à respecter et des responsables derrière l'incitant sans doute à ne pas créer quelque chose de trop radical, trop viscéral.
Mais bon encore une fois, la politique cinématographique de ce pays doit changer, doit se réveiller et nous apporter quelque chose de plus corrosif par moment au lieu de nous engloutir dans un nombre inimaginable de films trop gentillets, trop légers et trop naïfs. Après, au vu des critiques de la presse, le film est très bien noté mais pour ce qui est des spectateurs, on lorgne plus du côté du mauvais film. Peut-être qu'au final, je n'ai pas pu saisir vraiment ce que le réalisateur a voulu dire et peut-être que tout ça a été voulu mais il n'y a pas suffisamment d'artifices pour rentrer vraiment dans le récit.

Les thématiques ont beau avoir été traitées de manière correcte, la mise en scène est bien trop lente et à partir de ce moment-là, le spectateur a du mal à suivre. Le fait d'avoir l'idée de mettre en avant la psychologie d'un petit homme torturé était une vraie bonne idée mais on a cette impression que Achard a voulu toucher la corde sensible et essayer de faire verser une larme à la ménagère de 40 balais hyper-émotionnelle. En conclusion, on a là un film vraiment décevant avec un potentiel complètement roulé dans la boue, même si encore une fois tout n'est pas non plus à jeter, par un réalisateur aussi apathique que le père de famille du récit. Merci monsieur pour ce beau gâchis !!

Note : 06/20

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