J.J. Abrams nous renvoie dans le temps pour sauver JFK ! Inégal mais puissant.
Parmi les grandes hypothèses science-fictionnelles qui ont traversé et traversent encore les imaginaires, il en est une qui se détache nettement, celle du voyage dans le temps. Mine d’or inépuisable, la question de l’exploration à travers les âges continue de distiller son lot de réflexions philosophiques et d’imbroglios impossibles. Cela étant, nombre d’auteurs échouent à en restituer le vertige. Stephen King s’y est attelé en écrivant le roman 22/11/63, paru il y a moins de cinq ans, et participe aujourd’hui à sa transposition sur le petit écran aux côtés notamment de J.J. Abrams, adepte des récits à tiroirs. La date du titre ne fait aucun mystère, il s’agit du jour de l’assassinat du président américain John Fitzgerald Kennedy à Dallas. En revanche, l’identité de l’assassin relève toujours de l’incertitude. Il y a bien le nom de Lee Harvey Oswald qui s’impose, mais l’enquête n’a jamais pu apporter de réponse ferme et définitive là-dessus. Dans ces conditions, inutile de dire combien cette affaire, soit le crime politique le plus retentissant du siècle dernier, offre une matière dramatique exceptionnelle. Restait à savoir si la greffe entre la trame historique et le voyage dans le temps était réussie.
Tout commence en 2016. Jake Epping (James Franco, convaincant de bout en bout), professeur de littérature en instance de divorce, mène une existence peu reluisante. Quand son vieil ami, Al (Chris Cooper), lui révèle une brèche spatio-temporelle capable de renvoyer quiconque en 1960, Jake accepte de l’emprunter. Sa mission : empêcher le meurtre de JFK en exploitant au mieux les informations en sa possession et les trois années qui le séparent du drame. Par souci de clandestinité, Jake revêt une fausse identité, alias George Amberson, et s’emploie à remonter la piste du futur présumé coupable. Voilà de quoi il retourne dès le pilote de cette mini-série, qui compte huit épisodes. Un début d’une maîtrise effarante, qui pose des jalons prometteurs pour la suite. Hélas, très vite, le rythme en dents de scie, l’excédent de sous-intrigues et la dispersion aléatoire des points de vue nuisent au plaisir, néanmoins présent. Ces scories concernent surtout les trois épisodes centraux qui servent davantage de remplissage, délayant des enjeux qui auraient mérité un traitement plus direct. Il faut malgré tout saluer la reconstitution des 60’s, qui embaume nos sens d’un doux parfum rétro, avec ses diners, ses Cadillacs et sa musique blues. Aucune faute de goût à ce niveau-là, l’esthétique irrésistible et irréprochable compensant les mauvais choix de scénario.
À ce stade, difficile d’espérer un dénouement digne de ce nom… et pourtant. Contre toute attente, les deux derniers épisodes sauvent la mise, propulsant le couple vedette, Jake et Sadie (envoûtante Sarah Gadon), au coeur d’une course contre la montre redoutablement intense. Les défauts relevés auparavant trouvent une justification inattendue, et l’on s’étonne d’être à ce point ému par la trajectoire des personnages, brisés par ce passé qui les repousse à toutes forces. La romance, en apparence accessoire, devient subitement déchirante, évoquant à bien des égards la relation père/fille d’Interstellar de Christopher Nolan, qui adoptait cette même tournure métaphysique. À l’issue de l’ultime séquence, on réalise alors la cohérence et la justesse de ce qui a été accompli. Dommage qu’il ait fallu s’agacer et s’ennuyer au préalable pour parvenir à cette si belle destination.
Mini-série créée par Bridget Carpenter et J.J. Abrams, avec James Franco, Sarah Gadon, George MacKay, Daniel Webber, Chris Cooper…
Disponible sur la plate-forme de vidéo à la demande Hulu et bientôt sur Canal+.