[Avant-Première] [Direct-to-Vidéo] Kenshin le vagabond, les errances de l’ère Meiji

Publié le 13 avril 2016 par Rémy Boeringer @eltcherillo

Alors que Rorouni Kenshin : The Legends Ends et Rurouni Kenshin: Kyoto Inferno, deuxième film et troisième de Keishi Ohtomo, qui vient compléter son triptyque, sont sortis il y a presque deux ans au pays du Soleil Levant, le premier volume de la saga, Kenshin le Vagabond, produit en 2012, ne sortira que le 20 avril 2016 en France. Inspiré, assez fidèlement, du manga éponyme de Nobuhiro Watsuki, laisse voir une période trouble du japon en pleine modernisation forcée pendant l’ère Meiji, où l’on suit les aventures d’un samouraï repenti cherchant la rédemption.

En 1868, après la chute du shogunat Tokugawa, Battosai, un samouraï à la terrible réputation décide de poser les armes et fait le serment de ne plus jamais tué. Dix ans plus tard, un assassin mystérieux (Koji Kikkawa) qui utilise son nom fait régulièrement des carnages dans la région de Tokyo. C’est alors que l’on commence à entendre parler d’un aussi mystérieux vagabond, surnommé Kenshin (Takeru Sato), qui aide la veuve et l’orphelin à l’aide d’un sabre à la lame inversée. Ce Kenshin rencontre Kaoru Kamiya (Emi Takei), maître d’arme d’un dojo tombé en désuétude et décide de l’aider à lutter contre le parrain de la pègre, Kanryuu Takeda (Teruyuki Kagawa).

Kenshin Himura (Takeru Sato)

Pour une adaptation live de manga, souvent médiocres et affublées de codiens consternants, Kenshin le Vagabond est une très bonne surprise. D’abord, par l’inspiration même du manga original, le film s’éloigne des standards du chanbara, sans pour autant y sacrifier son essence. Il est rare, en effet qu’un film de sabre, mettant en avant un samouraï ou un ronin suivant le bushido, la voie du guerrier, se déroule quasiment sans effusion de sang. Bien sur, les exactions de Jine Udo, l’usurpateur, amène leur lot de combat sanglant, notamment une scène spécialement exagérée où les corps démembrés finissent par tapisser un commissariat sous un déluge impitoyable de coups féroces. Mais pour l’essentiel, le film suivant davantage le parcours de Kenshin, celui-ci reste fidèle à son engagement et terrasse ses ennemis sans mise à mort. Contre toute attente, cela ne nuit absolument pas à la qualité graphique des affrontements où le héros rivalise de dextérité et d’adresse, les chorégraphies étant très soignée et apportant leur lot d’acrobaties impressionnantes. D’un point de vue esthétique, Kenshin le Vagabond s’inscrit dans le film historique en costume d’époque sans trop commettre d’impairs si ce n’est qu’il n’abuse peut-être un peu des clichés des combats sous la pluie, la neige ou les chutes de pétales de cerisier. Quelques scories au niveau des effets spéciaux sont à déplorer, comme ces portes transpercées par les sabres sans laisser de traces, mais on les pardonne volontiers car l’ensemble conserve une beauté et une poésie mélancolique certaine.

Sanosuke Sagara (Munetaka Aoki)

La caractérisation des personnages n’est pas mise de côté pour livrer une succession sans âme d’affrontements. Bien au contraire, chaque personnage reflète un aspect différent d’une société japonaise en plein tourment dont quelques-uns se diffuse jusqu’à nos jours. Kenshin incarne la vision romanesque, esthétisée et idéalisé du samouraï. Avec l’ère Meiji, dont l’administration impériale souhaitait faire une période de modernisation à l’occidental, le port du sabre fut interdit dans la péninsule pour limiter les cas de vengeance personnels et la création de milices. Une police nationale fut instaurée. Comme à chaque changement politique, la caste a u pouvoir sut se renouveler et de nombreux samouraïs se reconvertirent dans la police, comme le fait Saito Hajime (Yosuke Eguchi), ancien adversaire de Kenshin. Les autres, suivant leur code d’honneur, devinrent des proscrits et des vagabonds. La pauvreté et la misère poussa une partie des anciens soldats dans la délinquance. C’est le cas de Jine Udo. Le magnat de l’opium Kanryuu Takeda est quant à lui, un véritable symbole de l’époque, où les valeurs traditionnelles commence à être sapée par l’entreprise capitaliste, avec ce qu’elle a de cynique et contient de corruption organique. Cet ignoble personnage a bien compris que le règne de l’honneur a été remplacé par le règne de l’argent. À son service, il possède une armée de sbires affamés, prêts à toutes les pirouettes, pour obtenir leurs pitances. C’est de ces exclus, de ces vétérans oubliés, que les mafieux japonais tireront une manne providentielle de chair à canon. Une exploitation en a chassé une autre. En parallèle, Kenshin le Vagabond expose aussi le triste sort des femmes orphelines obligées de se marier au premier venu tel Megumi Takani (Yû Aoi) et celui d’une manière de concevoir les arts martiaux mourant avec l’époque.

Kenshin Himura (Takeru Sato) et Kaoru Kamiya (Emi Takei)

Très bon divertissement, fidèle à la trame originelle du manga, même s’il mélange par souci de synthèse, les interactions entre plusieurs ennemis, Kenshin le Vagabond ne fait pas l’impasse sur le fond historique qu’il prend également le temps de développer. Nous sommes impatients que les sequelles, dont l’attente risque d’être fort longue, arrive jusqu’à nos portes.

Boeringer Rémy

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