Question de ton

Le ton, c’est-à-dire l’atmosphère qui imprègne une scène détermine si nous allons être immergé dans une affaire sérieuse ou au contraire légère.
C’est par la description en général ou par la description particulière d’une scène que le ton est établi.
Dans A l’est d’Eden, John Steinbeck ne tergiverse pas lorsqu’il décrit la vallée de Salinas en Californie du Nord.
Le ton est l’ambiance, l’atmosphère que l’auteur cherche à faire ressentir à son lecteur. Si vous recherchez un ton sombre, mystérieux, qui donne un peu la chair de poule, vous pourriez décrire un arrière-plan sombre avec un jeu de lumières particulier capable d’inspirer un tel sentiment (si c’est bien ce sentiment que vous voulez faire éprouver à ce moment de votre histoire).
Un ton n’a d’ailleurs aucune nécessité de perdurer tout au long de la fiction, il peut ne concerner que certaines scènes.

C’est par l’image que vous allez transmettre la tonalité de la scène. Choisissez les éléments qui véhiculeront le mieux cette atmosphère particulière, par exemple jour ou nuit.
Ce qui se passe à l’extérieur reflète ce qui se passe à l’intérieur des personnages ou de l’intrigue, comme par exemple la pluie ruisselant sur le pare-brise d’un véhicule.
Dans Shining de Stephen King, le blizzard (vanité et desespérance) est la toile de fond de la folie grandissante de Jack Torrance.

Globalement, la description d’un lieu et d’un temps (époque, saison) est un effort prolongé qui doit être maintenu et inlassablement dépeint dans l’esprit du lecteur. Un court-métrage est très exigeant en termes de mise en place de l’atmosphère car il a peu de pages à sa disposition mais un long-métrage n’en est pas moins exigeant car l’arc dramatique des personnages s’inscrit dans un nombre plus conséquent de lieux et d’époques et chacune des descriptions relatives aux différents moments de l’histoire doivent être aussi précises et utiles.

Un principe à appliquer est que non seulement vous devez être sur place lorsque vous décrivez une scène mais vous devez aussi y emmener votre lecteur. Si votre scène décrit un personnage qui déambule dans les différentes pièces de son appartement, la description doit porter sur les détails qui illustrent cet appartement afin que le lecteur puisse percevoir comment ces détails affectent l’intériorité de votre personnage.

Le plus difficile est de rendre accessible des lieux et des époques où un lecteur ne s’est jamais rendu ou dont il n’aurait jamais soupçonné l’existence.
Flannery O’Connor a écrit :
The writer operates at a peculiar crossroads where time and place and eternity somehow meet. His problem is to find that location.
Un auteur opère à une croisée des chemins particulière où le temps et le lieu et l’éternité se rencontrent d’une manière ou d’une autre. Son problème est de trouver cet endroit.

Le véritable problème est donc cette éternité dont parle O’Connor. Il pourrait s’agir d’un bien commun que nous partageons tous. Cette immense expérience humaine commune au plus grand nombre comme une connexion éternelle et universelle qui relie un lecteur à un lieu et une époque et qui lui permet aussi de créer un lien avec l’histoire, de la comprendre et de l’apprécier.

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Un rendu adéquate du lieu et du temps permet au lecteur d’avoir un accès aussi ténu soit-il à l’histoire. La description de l’environnement crée un désir chez le lecteur d’en faire partie et d’y rester un moment.
Il voudra en savoir plus sur les personnages et leurs situations, voir comment ces personnages gèrent leurs dilemmes moraux, comment ils peuvent le surprendre ou comment et pourquoi ils agissent parfois immoralement.
Le principe consiste à inviter le lecteur dans votre histoire et une fois qu’il s’y est installé, l’inciter à se demander où cette histoire va pouvoir l’emmener. Il doit y avoir dans la situation que vous lui présentez, dans les personnages, dans votre façon même de présenter les choses, une incitation à embarquer dans votre histoire.

Les lieux décrits, l’atmosphère qui s’en dégage sont un moyen de le retenir.
Pour parvenir à ancrer votre lecteur dans l’histoire, vous pourriez par exemple (avant d’écrire la scène) lister des détails ou des objets que vous pourriez inclure dans votre scène en les choisissant parmi ceux que vous jugerez le plus apte à dessiner l’ambiance que vous souhaitez partager avec votre lecteur dans cette scène.
Puis décrivez un moment dans la scène où ces objets et détails peuvent interagir avec le ou les personnage(s) afin que ces éléments descriptifs prennent vie (ou du sens).

Vous pourriez aussi décrire ce qu’un personnage perçoit dans une scène en faisant intervenir l’un de ces sens. Une approche sensible d’une description permet d’acheminer jusqu’au lecteur une intériorité, un état d’esprit. Il voit les choses d’une certaine façon parce qu’il est dans un certain état d’esprit. Cette fois, ce n’est plus une collection de détails ou de choses qui transmet l’information mais plutôt l’interprétation par le lecteur d’une attention sélective du personnage.