Le Jeune Hitlérien Quex (Propagande "nazillarde")

Par Olivier Walmacq

Genre : drame (film censuré)
Année : 1933
Durée : 1h32

L'histoire :  A Wedding, un quartier populaire de Berlin, Heini Volker est le fils d'un communiste très attaché aux valeurs du drapeau rouge. Sous l'égide de son patriarche, Heini participe à contrecoeur à une réunion organisée par les communistes. Lors d'une rencontre avec les jeunesses hitlériennes, il trouve enfin le réconfort qu'il cherche depuis si longtemps. Contre l'avis de son père, il finit par se joindre à eux. Mais Heini paie cher ses nouvelles accointances. Désormais, les communistes, et en particulier son propre père, ont juré de le punir.

La critique :

En 1925, Sergueï Eisenstein réalise Le Cuirassé Potemkine. Le film devient rapidement un grand classique du noble Septième Art. Paradoxalement, le long-métrage devient également la figure de proue du régime communiste de Staline. L'Art est au service de la propagande. Fans de cinéma, Adolf Hitler et Joseph Goebbels comptent bien utiliser ce filon pour rééduquer la populace et surtout pour transmettre leur idéologie nazie. L'objectif est clair. Il s'agit de réaliser Le Cuirassé Potemkine allemand, donc le film qui doit ériger le fascisme comme un idéal à atteindre.
Dès 1933, Goebbels, ministre de la Propagande et de l'Éducation du peuple, contrôle l'industrie cinématographique en Allemagne. Retors, il comprend que le public n'est guère passionné par les films trop marqués d'un point de vue idéologique.

Il s'agit de porter un message, et plus précisément la glorification de la race aryenne, de façon insidieuse. Goebbels exerce une pression despotique sur les cinéastes de l'époque et modifie largement les scénarios. La plupart des longs-métrages sont des films historiques, des drames ou des documentaires profondément marqués par l'anglophobie, l'antisémitisme, une conception nazie de l'Etat et la pureté de la race. Plusieurs films vont devenir tristement célèbres : Le Cuirassé Sebastopol (1937) est évidemment la réponse au Cuirassé Potemkine, Le Juif Süss (1940), Les Dieux du Stade (1938) ou encore Le Triomphe de la Volonté (1935) sont les figures de proue du Nazisme et de sa propagande infrangible.
Vient également s'ajouter Le Jeune Hitlérien Quex, réalisé par Hans Steinhoff en 1933. La carrière de ce cinéaste débute en 1921.

Réalisateur sous la République de Weimar, il tourne même un film, Chacun Sa Chance (1930), avec Jean Gabin. Mais pressé par Goebbels et finalement séduit par l'idéologie "nazillarde", il se met au service de la propagande. Le Jeune Hitlérien Quex devient alors son film le plus célèbre. Au moment de sa sortie, le réalisateur est couvert de louanges et s'achète une nouvelle notoriété.
Evidemment, après la Seconde Guerre Mondiale, le long-métrage est censuré et interdit de diffusion en Europe. En outre, le scénario du film est plutôt laconique. Attention, SPOILERS ! A Wedding, un quartier populaire de Berlin, Heini Volker est le fils d'un communiste très attaché aux valeurs du drapeau rouge. Parallèlement, Heine besogne comme apprenti typographe. Sous l'égide de son patriarche, Heini participe à une réunion organisée par les communistes, mais il est choqué par les avanies et les billevesées de ses nouveaux compagnons.

Lors d'une rencontre (plus ou moins) fortuite avec les jeunesses hitlériennes, il trouve enfin le réconfort qu'il cherche depuis si longtemps. Surtout, il est séduit par leur sens de la discipline et leur esprit de la communauté. Contre l'avis de son père, il finit par se joindre à eux. Mais Heini paie cher ses nouvelles accointances. Désormais, les communistes, et en particulier son propre père, ont juré de le punir. Que les choses soient claires. Le Jeune Hitlérien Quex est un film éminemment politique.
Le long-métrage oppose en permanence le communisme au fascisme. Il s'agit d'une oeuvre inique, partiale et manichéenne. Le mouvement communiste est sans cesse tancé et morigéné par Hans Steinhoff. En outre, c'est la figure patriarcale qui en prend pour son grade. Le père d'Heini Volker est un alcoolique impénitent, rustre, qui bat régulièrement sa femme.

Qu'à cela ne tienne, ses camarades communistes ne sont pas beaucoup mieux. Hans Steinhoff les décrit comme des êtres perfides et licencieux. A l'inverse, les Jeunesses Hitlériennes sont érigées comme une figure de proue de cette nouvelle "Jeunesse" triomphante, cet esprit de communauté bienveillante et profondément empathique. Evidemment, Hans Steinhoff élude toute diatribe de ces jeunes éphèbes prêts à se sacrifier pour Hitler et au nom du nazisme.
Ici, point de critique de cet esprit de compétition forcenée entre nos chers impubères. Au mieux, Les Jeunesses Hitlériennes sont traitées comme une école de scoutisme avec un fort esprit de camaraderie. Afin d'opacifier son propos, Hans Steinhoff oppose même le père d'Heini à un commandant "nazillard". Lors de cette discussion sibylline, le militaire prouvera au patriarche la supériorité de sa cause.

C'est la séquence "clé" du film. Celle aussi que retiendront les spectateurs ébaubis et lobotomisés à l'époque. Le Nazisme serait la "Solution", qui deviendra bientôt "Finale", à ce peuple en plein marasme, en particulier à cette jeunesse encore candide et surtout influençable. Enfin admis dans les rangs des Jeunesses Hitlériennes, Heini Volker est surnommé Quex. Il montre une grande pugnacité, participe à l'effort de dénonciation et souhaite combattre dans l'armée du Führer.
Dès lors, le film tourne carrément à la démonstration de cette adolescence prête à mourir pour la cause hitlérienne. A l'image de la fin, assez grandiloquente, il faut bien le dire. Non, Le Jeune Hitlérien Quex n'est pas le nouveau Cuirassé Potemkine, au grand dam de Goebbels et de son armée de censeurs. Toutefois, on relève tout de même une certaine technicité et virtuosité au niveau de la mise en scène, moins clinquante tout de même que Le Juif Süss, un long-métrage beaucoup plus insidieux et pernicieux pour transmettre son idéologie fascisante. 
Néanmoins, Le Jeune Hitlérien Quex reste un véritable cas d'école propagandiste. Certains cinéastes reconnaissent les qualités (entre autres visuelles) du film. Enfin, comme je l'ai déjà souligné, il s'agit d'un long-métrage profondément politique. Aujourd'hui, il reste plus que jamais d'actualité avec cette jeunesse séduite et attirée par des idéologies fallacieuses et bellicistes. 

Note : ?

 Alice In Oliver