De l’intérêt d’écrire « on spec »

Par Nathalielenoir

Si outre-Atlantique le marché du spec-script est en crise, hégémonie des grosses franchises oblige, il est en France quasi inexistant. Depuis la Nouvelle Vague,  les réalisateurs sont considérés comme les « vrais auteurs » des films et désirent rarement mettre en images des sujets qu’ils n’ont pas initié. On notera au passage que cela ne gène nullement les Spielberg, Scorsese et autres, hem. 😉

Quoi qu’il en soit, et même sur notre sol,  le spec-script présente bien des avantages, même si ce ne sont pas forcément ceux que son auteur imagine…

Aux USA, on nomme spec-script un texte écrit par un scénariste de sa seule initiative et avec lequel il démarche les studios. En France cette entreprise reste marginale, pour les raisons évoquées plus haut. Elle présente toutefois de nombreux intérêts pour un scénariste, qu’il soit débutant ou confirmé:

Les spec-scripts sont la seule façon valable pour un scénariste de se « faire la main ». Parce que la théorie c’est indispensable, mais il faut bien passer un jour à la pratique. Je dirai même que plus on pratique, mieux c’est. Pour être tout à fait franche, mieux vaut d’ailleurs oublier dans un tiroir ses premières œuvres avant d’obtenir un texte qui mérite d’être présenté à un lecteur professionnel. On ne devient PAS scénariste en signant un seul scénario.

Les spec-scripts sont indispensables pour s’essayer à divers univers. Comment un auteur débutant peut-il savoir s’il est capable d’écrire un thriller, un drame, une comédie romantique… sans entrainement? Et pourquoi un scénariste professionnel devrait-il se cantonner toute sa carrière au(x) même(s) registre(s)?

Les spec-scripts sont indispensables au moral du scénariste. Parce que même s’il est formidable de s’immerger dans  divers univers créatifs, un auteur reste avant tout un créateur qui rêve de ses propres histoires et a besoin de les coucher sur papier.

Les spec-scripts permettent au scénariste de développer son propre univers créatif, ce que les anglo-saxons appellent inner creative voice. A travailler sur une foule de projets hétéroclites initiés par d’autres, le scénariste risque de perdre son propre style au passage. Il est donc primordial de lui laisser un peu d’espace pour s’épanouir.

Les spec-scripts sont une carte de visite, ils permettent aux scénaristes débutants d’illustrer leur savoir-faire. C’est ainsi qu’ils convainquent des producteurs de leur faire confiance, ou des réalisateurs de les engager pour écrire leurs propres histoires.

Un spec-script peut permettre à un auteur de décrocher une bourse, je pense notamment à celles que délivrent Beaumarchais ou la Fondation Jean-Luc Lagardère, au Grand Prix Sopadin du Meilleur Scénariste et Prix Junior du Meilleur Scénario… Bien entendu, la concurrence est rude mais qui ne tente rien…

L’existence de spec-scripts est indispensable lors des séances de pitch. Parce que même si un producteur convoque un scénariste pour une commande, il sera toujours curieux de savoir ce qu’il a « dans ses tiroirs », histoire de. Et un auteur doit toujours mettre en avant son époustouflante productivité, donc…

Les spec-scripts permettent au scénariste de préserver sa santé mentale. Pour l’auteur aspirant, ils permettent de rester occupé en attendant de décrocher le fameux premier contrat. Pour les auteurs confirmés, c’est un moyen indispensable de garder leur plume chaude entre deux contrats. Quant aux auteurs « bankables », disons qu’un bon petit spec de temps en temps leur évite les pétages de plomb face aux cadences infernales, aux brimades diverses et variées des producteurs, diffuseurs, conjoint(e)s, enfants, belles-mères, pharmaciennes et poissons rouges… 😉

Les spec-scripts permettent à un scénariste de mesurer le chemin parcouru. Si si. Je vous assure que relire ses premières œuvres, avec cinq ou dix ans de recul, est à la fois émouvant et très encourageant, parce qu’on a généralement (sinon c’est grave) beaucoup progressé dans son écriture depuis.

Un spec-script peut éventuellement se vendre lorsque son auteur est devenu « bankable ». Forcément, lorsqu’un scénariste se fait un nom, on écoute ses idées avec beaucoup plus d’intérêt. Il arrive même qu’il se décide à passer lui-même derrière la caméra… 😉

Screenwriting 101 :

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