De: Virginia Woolf.
Résumé: » J’ai lu attentivement les vingt-six volumes du Journal de Virginia Woolf et j’en ai extrait, pour ce volume, tout ce qui relève de son travail d’écrivain. J’y ai incorporé en outre trois autres genres d’extraits d’abord les passages dans lesquels elle se sert très nettement de son Journal comme d’un instrument lui permettant d’exercer ou de mettre à l’épreuve l’art d’écrire ; ensuite des passages qui, sans avoir trait directement ou indirectement à son travail, m’ont paru s’imposer dans ce choix parce qu’ils donnent au lecteur une idée de l’impression immédiate qu’exerçaient sur son esprit telles scènes ou telles personnes ; enfin un certain nombre de passages dans lesquels elle commente les livres qu’elle est en train d’écrire. » Leonard Woolf.
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C’est sur les conseils de Joyce Carol Oates que j’ai décidé de lire ce roman. Je n’avais encore jamais lu de roman de Virginia Woolf avant ça. Cependant, je me disais que cette œuvre serait intéressante autant que l’ont été Mémoires d’un écrivain de Stephen King ou encore La foi d’un écrivain de JCO.
J’avais particulièrement aimé ces œuvres mais je dois dire que le journal de Virginia W. tient la pôle position bien qu’il soit par moment difficile de par la dépression manifeste de son auteure; et sur la fin, d’un contexte de guerre particulièrement pensant.
Mais la seule vie qui soit passionnante est la vie imaginaire. Une fois que les roues recommencent à tourner dans ma tête, je n’ai presque plus besoin d’argent ni de robe, ni même d’un buffet, pas plus que d’un lit à Rodmell ou d’un sofa.
Ce journal est d’une richesse car à mon sens, il montre toute l’étendue, la difficulté de l’écriture. Qu’on écrit par passion et/ou par métier, on se reconnait aisément dans le parcours de Virginia. L’hésitation, les idées qui arrivent et qu’on laisse mariner et germer dans sa tête avant de coucher le tout sur du papier au risque de perdre certains passages.
L’excitation, ne vivre presque plus que pour ça; avec ses personnages et dans l’histoire qu’on a crées. Et voilà le lendemain, qui défait toutes les promesses d’hier; une relecture suffit pour trouver ce qui était magnifique il y a quelques heures totalement nul aujourd’hui.
Réécrire encore et toujours avec son lot de déceptions et de déconvenues. « Resserrer » le texte comme elle le dit si bien. Et, on pourrait croire ensuite que le calvaire est terminé mais non, il ne fait que commencer.Car, il y a le public et les journalistes aussi bienveillants que critiques; et jamais unanimes ni d’accord en même temps. Comment prendre assez de recul face à ça surtout quand la dépression nous guette? Comment finalement rester Virginia Woolf à la fois la femme, l’épouse et l’écrivain?
Ne jamais frémir, c’est le lot de Mrs Allison, de Mrs Hawkesford, de Jack Squire. Dans deux ou trois jours, quand je serai acclimatée, quand j’aurai remonté le courant, quand je pourrai de nouveau lire et écrire, il ne restera rien de tout cela. Et si nous n’étions pas toujours comme l’oiseau sur la branche, et à trembler au bord des précipices, nous ne serions jamais déprimés, j’en suis sûre. Mais nous serions déjà fanés, résignés et vieux.
Elle nous livre ses pensées sur cet art exigeant, difficile qu’est l’écriture. D’autant plus dur pour elle car elle est d’une nature physique fragile, sensible. Aussi, parce qu’elle était une femme avant son temps, une femme qui était célèbre dans une Angleterre encore machiste. Elle était libre, indépendante, féministe; avait décidé de ne pas avoir d’enfants et avait ouvert avec son mari une maison d’édition qui avait fait connaitre notamment William Faulkner sur le sol anglais.
En plus, elle rencontrait un certain succès tantôt publique tantôt critique. Mais, pas seulement. C’était une femme brillante, intellectuelle; elle écrivait des articles pour des journaux prestigieux, des biographiques, des nouvelles en plus de tout le reste. Elle lisait toujours plus ; pour enrichir son écriture, son univers et découvrir. Le cerveau toujours en action presque jamais au repos. C’était une femme accomplie; et qui avait eu je l’appris plus tard une relation intime avec une femme. Alors évidemment, ça a dû secouer l’Angleterre puritaine.
Pour ma part, je suis admirative de son parcours. Qu’une telle femme à une telle époque a pu faire toutes ces choses. J’admire ses choix, sa prise de position, sa liberté et son courage face à la maladie et parfois, face au discrédit. Elle ne s’est jamais laissé faire; et jusqu’au bout elle a tenté et donné le meilleur d’elle-même. Une remise en question permanente de son travail qui l’a certes éreintée et fragilisée mais qui a fait d’elle l’une des plus grandes écrivaines anglaises.
Je ne serai pas célèbre ou grande.
Je continuerai à être aventureuse, à changer, à suivre mon esprit et mes yeux, refusant d’être étiquetée, et stéréotypée.
L’affaire est de se libérer soi-même :
trouver ses vraies dimensions, ne pas se laisser gêner.
La préface du livre est écrite par son mari Leonard; et je me suis demandée qu’est-ce qu’il avait ressenti en lisant les pensées de sa femme. Ça a dû être dur pour lui aussi durant toutes ces années puis après sa disparition. On dit que derrière chaque grande personnalité politique se cache un conjoint dans l’ombre; derrière chaque grand écrivain également . Je me demande aussi ce que Virginia aurait pensé de cette publication; serait-elle gênée ou juste en paix?
Le journal s’arrête quatre jours avant le suicide de Virginia. Bien que je savais que tout était joué depuis longtemps, j’avais l’espoir naïf de la voir renoncer. Ou que Leonard l’en empêcherait à temps. C’est la partie du livre qui m’a porté sérieusement un coup au moral – sensation exacerbée par la Seconde Guerre Mondiale – parce que j’ai eu l’impression tout simplement de perdre une amie…