Genre : horreur, gore, trash, inclassable, expérimental (interdit aux - 18 ans)
Année : 1996
Durée : 1h50
L'histoire : Deux policiers, Numata et Tosuka, enquêtent sur un mystérieux réseau de trafic d'organes. Numata est un « vieux de la vieille », cynique et borderline, tandis que Tosuka est un petit nouveau. Le premier se sert du second pour infiltrer le repère des trafiquants, un abattoir où les victimes sont réduites à l’état de pièces détachées. Malheureusement l’opération échoue, les criminels s’échappent et, alors qu’il abandonne son collègue pour sauver sa propre vie, Numata entend Tosuka hurler. Il ne le reverra plus.
La critique :
En 1989, Shynia Tsukamoto sort une bombe. Son nom ? Tetsuo, soit le premier film cyberpunk. Ou l'histoire d'un homme qui, après un accident de voiture, se transforme peu à peu en monstre de métal. Tourné avec un budget impécunier et donc avec les moyens du bord, Tetsuo devient rapidement la nouvelle référence du cinéma asiatique. Le long-métrage bouleverse toute une génération de fans.
Le film devient rapidement le nouveau phénomène du cinéma trash et expérimental avec son lot de séquences chocs, brutales et tournées en noir et blanc. Une référence pour de nombreux cinéastes, dont Kei Fujiwara fait partie. Cette dernière débute sa carrière en tant qu'actrice dans Odyssée sous la Mer (1973). Elle participe même au tournage du même Tetsuo.
Pronfondément marquée par le chef d'oeuvre de Shynia Tsukamoto, elle réalise son tout premier long-métrage, Organ, en 1996. Depuis, c'est le silence absolu ou presque. Certes, elle signera par la suite le très confidentiel Ido en 2005 avant de disparaître à nouveau des radars. En outre, Organ fait partie de ces films transgressifs asiatiques qui ont marqué (eux aussi) plusieurs générations de fans et de cinéastes, aux côtés de The Killer (John Woo, 1989), Une Balle dans la Tête (John Woo, 1990), Old Boy (Park Chan-wook, 2003) ou encore Suicide Club (Sion Sono, 2002).
A la seule différence que le film de Kei Fujiwara n'a pas spécialement traversé ses frontières nippones. Organ reste malgré tout un long-métrage assez confidentiel, tout du moins en Europe, et plus particulièrement en France.
Kei Fujiwara s'invite parmi le casting du film. Viennent également s'ajouter toute une armada de joyeux inconnus, à moins que vous connaissiez les noms de Kimihiko Hasegawa, Natsuyo Kanahama, Shun Sugata, Kenji Nasa, Ryu Okubo et Tojima Shozo, mais j'en doute. A l'instar de Tetsuo, le film référence de Kei Fujiwara, Organ se déroule lui aussi dans la ville de Tokyo.
Attention, SPOILERS ! Deux policiers, Numata et Tosuka, enquêtent sur un mystérieux réseau de trafic d'organes. Numata est un « vieux de la vieille », cynique et borderline, tandis que Tosuka est un petit nouveau. Le premier se sert du second pour infiltrer le repère des trafiquants, un abattoir où les victimes sont réduites à l’état de pièces détachées. Malheureusement l’opération échoue, les criminels s’échappent et, alors qu’il abandonne son collègue pour sauver sa propre vie, Numata entend Tosuka hurler. Il ne le reverra plus.
Autant le dire tout de suite. Organ est un film quasi inénarrable et ésotérique, donc très difficile d'accès. En l'occurrence, difficile de répertorier cet OFNI (objet filmique non identifié) dans un registre particulier. Organ oscille entre différents registres : l'horreur, le gore, le trash, le thriller, l'enquête policière, l'underground et le film expérimental. Certes, comme je l'ai déjà précisé, Organ se situe dans la mouvance et la continuité de Tetsuo. Mais pas seulement.
Le long-métrage possède une autre référence incontournable. Son nom ? David Cronenberg. Tout du moins le "David Cronenberg" des années 1970 et 1980 avec Chromosome 3 (1979), Scanners (1981), Videodrome (1984) et La Mouche (1986). Par conséquent, difficile de raconter un film comme Organ tant le long-métrage est parfois amphigourique, déroutant, choquant, sanglant, cauchemardesque et spectaculaire.
En outre, Organ se focalise essentiellement sur le travail de mémoire et plus précisément sur cette incapacité à oublier les traumatismes du passé. A l'image de son personnage principal, Numata, un flic qui a vu son collègue disparaître sous ses yeux. Réduit à quia et quasi mutique, Numata entend régulièrement son ex-comparse mugir dans sa tête. Les cicatrices sont profondes et indélébiles.
Dès lors, bienvenue en plein cauchemar avec toute une pléthore de séquences oniriques et sanguinolentes mélangeant sans vergogne tripailles, excisions, tortures, érotisme, transformation charnelle et hurlements frénétiques ! En l'état, difficile d'en dire davantage sans révéler le scénario du film. Organ est définitivement une expérience unique qui vit et se subit plus qu'elle ne se raconte.
On retrouve dans Organ toutes les obsessions de Shynia Tsukamoto et de David Cronenberg réunies. A savoir cet intérêt ou plutôt cette focalisation pour cette expérience charnelle, cette souffrance profondément ancrée dans les entrailles individuelles, avec évidemment ses corollaires sur le psychisme et l'esprit. A ce titre, les vingt premières minutes du film, se déroulant dans un abattoir, est un modèle de mise en scène, de technicité et de virtuosité.
Clairement, Kei Fujiwara n'a pas à rougir de la comparaison avec ses augustes modèles. Elle aussi est une érudite de la caméra et maîtrise parfaitement son sujet. Un peu trop peut-être. A tel point que le film décontenancera probablement les esprits les plus aguerris. Oui, Organ a une vraie connotation sexuelle qui flirte sans cesse entre l'érotisme trash et le pornogaphique (plutôt) soft.
Lorsque la chair s'amoncelle avec d'autres organes, donnant cette étrange sensation de plaisir, de perversions, d'exactions et de mutilations dans les cris et la douleur. Bref, vous l'avez compris. Organ s'adresse à un public particulièrement averti, mais sans jamais sombrer dans la condescendance ni dans les séquences outrancières. Après Tetsuo, le cinéma asiatique vient de connaître son second uppercut expérimental. Et il se nomme Organ.
Note : 17/20