Un personnage doit être en mesure de stimuler les émotions du lecteur. Cela est possible en démontrant sur le terrain de l’histoire les traits de caractère du personnage, en lui donnant des choix à faire (des dilemmes) et en le mettant dans des situations tendues afin que ses traits de caractère soient magnifiés (ou dramatisés).
Afin que le lecteur puisse comprendre le comportement d’un personnage, ses réactions lorsqu’il est sous pression, il doit d’abord se saisir des aspects de sa personnalité qui le définissent.
C’est ainsi que trois à six traits de personnalité devraient être attribués à chaque personnage majeur (et ce ne sont pas seulement le protagoniste et l’antagoniste).
Ces traits de caractère formeront le fondement de la personnalité du personnage et seront mis en action au cours de l’histoire.
Comme l’auteur recherche la plupart du temps à ce que son lecteur s’identifie par empathie avec son personnage principal, il est important que les aspects de la personnalité de son héros soient immédiatement accessibles au lecteur, dès que celui-ci le rencontre en fait.
Ces traits fondateurs resteront consistants tout au long de l’histoire, seront intimement liés à l’intrigue et seront régulièrement testés par les événements qui surviennent. D’ailleurs, l’intrigue sera façonnée à la lumière de la personnalité du personnage principal.
C’est le protagoniste qui mène l’intrigue par ses réactions et non pas l’intrigue qui décide des choix du personnage.
Si Sherlock Holmes n’était pas analytique, brillant, curieux, observateur et tenace, jamais il ne pourrait aller au bout de sa poursuite de la solution aux mystères auxquels il est confronté. Ce sont précisément ces différents aspects de sa personnalité qui permettent à l’intrigue d’avancer. S’il manquait d’obstination, par exemple, il abandonnerait rapidement le moindre indice le menant pourtant vers la voie de la vérité.
Vu sous l’angle de l’intrigue, si celle-ci ne permettait pas à Holmes de mettre en pratique ce qui le détermine si bien, l’histoire toute entière tournerait court.
Donc, la personnalité d’un personnage est tout ce dont il a besoin pour espérer remplir sa mission dans l’histoire. Cette personnalité fournit aussi une cohérence et une base sur lesquelles peut se reposer le lecteur pour rester accrocher à l’histoire (pour qu’il est encore et toujours envie de tourner les pages).
Il est intéressant de noter que les traits contradictoires unifient une personnalité. N’importe qui peut être courageux et faire preuve de lâcheté par moments ou l’inverse.
Prenons Indiana Jones, bien qu’il soit professeur, il est aussi très téméraire ce qui lui permet d’échanger son costume en tweed contre celui de l’explorateur sans peur fanfaronnant avec tous les méchants qu’il peut rencontrer.
Lorsque vous aurez déterminé pour votre personnage les traits principaux les plus utiles à l’intrigue, il sera bien de lui attribuer d’autres traits qui vont soutenir les aspects les plus importants tout en donnant de la profondeur au personnage.
Ces traits secondaires cependant ne devront pas être très prégnant sur le personnage au risque de dérouter le lecteur.
Vous pourriez penser à la loyauté, à la lubricité, à en faire un être passionné, entêté, impatient, sensible, franc…).
Ces traits secondaires sont nécessaires parce qu’au fur et à mesure que l’histoire se déploie, vos personnages prennent de plus en plus de profondeur. Afin d’ajouter de la richesse et de maintenir l’attention du lecteur, les traits secondaires vont alors s’ajouter à cette richesse du personnage puisque les traits principaux sont entièrement dédiés à l’intrigue et ne peuvent participer efficacement à la rondeur du personnage.
Bien que rien ne vous empêche d’utiliser un trait de personnalité secondaire si l’intrigue s’y prête (si un trait secondaire a des conséquences sur l’intrigue).
Parmi les aspects d’une personnalité, vous pourriez aussi ajouter des habitudes qui peuvent aider à distinguer votre personnage des autres (fumer, par exemple. Souvenez-vous de l’homme à la cigarette dans X-Files).
Quant à Sherlock Holmes, son âme de bohémien lui faisait mépriser toute forme de mondanités, il fumait la pipe, s’ennuyait rapidement, il était égocentrique, aimait la science en amateur et excellait dans l’analyse des scènes de crime. Il aimait à se travestir et se servait de couverture parfaite pour infiltrer certaines communautés et il était accroc à la cocaïne sous la plume de Conan Doyle.
A propos de traits contradictoires que nous avons effleurés un peu plus haut, ils sont nécessaires non seulement parce que nous sommes tous faits sur le même moule mais aussi pour rendre plus complexes (donc plus intéressants) les actes de vos personnages.
Bien que ces aspects qui semblent contredire les traits principaux de votre personnage paraissent jouer contre lui, ils font sens en fait dès que le lecteur commence à bien connaître votre personnage, c’est-à-dire à le voir agir dans une variété de situations.
Si votre personnage doit commettre un acte immoral (toujours passionnant à mettre en scène), c’est-à-dire qu’il va agir contrairement à son éthique personnelle, cela ne déroutera pas le lecteur à la condition toutefois que vous ayez pris soin avant cet acte préjudiciable d’asseoir fermement dans l’esprit du lecteur ses traits principaux au préalable. Si vous introduisez votre héros sur un acte immoral en espérant par la suite expliquer pourquoi il avait agi ainsi, nul doute que votre lecteur aura du mal à le comprendre et ne sera pas accroché à votre histoire.
Par contre, votre personnage va s’effondrer au cours de l’histoire, tout semblera perdu pour lui (c’est une question de structure), c’est alors que les traits les plus sombres de sa personnalité trouveront un terrain favorable pour se manifester.
Toutes les fois où il se trouvera dans une situation très tendue sur le plan émotionnel, il est parfaitement capable d’agir à l’inverse de ce qu’on attend de lui. Il est inutile de rechercher la perfection dans de tels moments, c’est tout bonnement impossible.
Par ailleurs, sur le plan de l’intrigue, des comportements ou des décisions irrationnels peuvent créer de la tension, du suspense et bien sûr, des complications. Rien que du bon pour ajouter au conflit.
Et il n’y a évidemment pas que sur les valeurs morales que vous pouvez intervenir. Prenez Indiana Jones, il a été élaboré avec une peur irraisonnée des serpents. Un concept que l’on retrouvera plusieurs fois au cours de la série et qui permet de compliquer les scènes et de les enrichir.
Et considérez Sherlock Holmes, il arrive parfois qu’il cède à l’émotion, lui, qui est un parangon de rationalité et de contrôle de soi. Ce qui amène le lecteur à se demander pourquoi alors paraît-il si détaché de tout. Cette simple interrogation ajoute une richesse au personnage.
Pour faciliter la création de vos personnages de fiction, on peut tabler sur une hiérarchie de traits de caractères dont les interactions perpétuelles crée une harmonie dans le fonctionnement psychologique du personnage et rend possible le lien empathique entre lui et le lecteur.
C’est-à-dire que si le personnage est conçu superficiellement, ce sera une surface beaucoup trop glissante pour qu’un lecteur s’y accroche.
Surtout comprenez bien que la relation empathique entre le lecteur et le personnage ne concerne pas seulement le héros de l’histoire. Afin que le méchant de l’histoire soit légitime et reconnu au sein de celle-ci, il est nécessaire qu’une certaine identification (ne serait-ce qu’au travers de traits de personnalité considérés comme négatifs) se mette en place entre le lecteur et l’antagoniste.
Schématiquement, nous avons :
Des traits fondamentaux
Trois à six traits de caractère qui seront mis en valeur par les événements et qui constitueront la fondation de la personnalité du personnage, ses tendances et son approche particulière de la vie.
Des traits secondaires
Qui viennent renforcer les traits principaux ce qui permet d’ajouter de la profondeur au personnage et de favoriser la résonance et l’empathie (entre les personnages ET entre le personnage et le lecteur).
Parmi ces caractéristiques qui distinguent le personnage, nous pouvons compter sur les maniérismes, les goûts, les habitudes, peut-être aussi quelques lieux communs que l’on retrouve chez le plus grand nombre afin de compléter le personnage sous un certain angle.
Des traits opposés
Qui viennent contraster les traits principaux. Ces contradictions internes aux personnages lui sont pourtant nécessaires pour définir son unité.
Tout n’est pas tout blanc ou tout noir, Tout est blanc ET noir c’est-à-dire que la personnalité d’un personnage est une unité composée de quelques nuances de gris mais en nombre suffisant pour lui donner une vie propre.
Les personnages que vous allez créer (à partir d’émotions et d’expériences que vous aurez ou non connues) vont se développer d’eux-mêmes bien au-delà de votre contrôle strict sur eux.
Ils vont connaître des aventures que vous ou votre lecteur ne vivront jamais autrement que par procuration (celle de votre personnage justement).
Ils éprouveront des afflictions bien plus profondes que n’apportent le quotidien de la vie réelle. Ces souffrances mettent alors à la portée du lecteur des vérités qui peuvent modifier son propre point de vue sur la réalité.
Le désespoir sera montré dans les actions immorales et peut expliquer celles-ci. Les comportements absurdes aussi que vous n’aviez pas prévus en tant qu’auteur peuvent soudain se révéler chez votre personnage par précisément la combinaison de certains de ses traits de caractère avec les circonstances que vous décrivez dans une scène.
Travailler les croyances, les valeurs (morales et non morales), les désirs de vos personnages avant de vous lancer dans le processus d’écriture facilitera celui-ci. Créez des biographies, des arbres généalogiques, des listes de ce que vos personnages aiment ou haïssent.