L’antagoniste est aussi important que le protagoniste. Ce dernier doit être sympathique, être capable d’établir un lien avec le lecteur, en un mot être fascinant. L’antagoniste ne devrait pas faire pâle figure devant le héros. Il est important pour l’histoire de créer des méchants qui puissent tenir la route devant le héros, l’empêcher d’atteindre son but et créer un vrai conflit avec lui.
L’antagoniste n’a pas à être nécessairement un personnage abominable. Tout comme le personnage principal, il est fait de nuances de gris. Une technique qui rend n’importe quel personnage beaucoup plus intéressant à suivre pour le lecteur.
Ce qui qualifie l’antagoniste, sa fonction dans l’histoire, est qu’il doit par tous moyens, empêcher le héros de réussir son objectif. Ce qui ne fait pas de lui nécessairement un être mauvais. Comme l’écrit K.M. Weiland dans son blog, il peut être une vieille femme, un enfant malade ou représenté une entité (institution, nature ou autre).
Sa fonction fait que le lecteur va le détester autant qu’il va aimer le héros. Pour aider le lecteur à identifier cette répulsion naturelle envers le méchant de l’histoire, certains traits dans sa personnalité doivent être particulièrement appuyés.
K.M. Weiland en a relevé 10 :
Un antagoniste cruel
Nous craignons tous la souffrance qu’elle soit physique, mentale ou émotionnelle. Alors penser qu’un personnage n’a aucun remords à donner de la souffrance mais qu’en plus, il veut le faire le rend foncièrement méprisable.
William Tavington (The Patriot) : un antagoniste cruel.
Un antagoniste hypocrite
Le masque social (ou persona selon l’acception de Jung) est ce que l’on oppose de nous-même au monde. Prétendre ce que l’on n’est pas est de l’hypocrisie mais un antagoniste pourrait ne pas jouer de l’hypocrisie et croire honnêtement en cette façade, peut-être pour conserver une certaine respectabilité.
Quoi qu’il en soit, le lecteur a généralement en horreur l’hypocrisie lorsqu’il la reconnaît sans même se poser la question si lui-même ne porte pas un masque social.
Après la découverte d’un héritage inespéré, William Dorrit (La petite Dorrit de Charles Dickens) cachera ses origines modestes sous les fastes de l’opulence nouvelle mais se perdra lui-même. Il n’est même pas certain que sa mort soit véritablement considérée comme une rédemption par Dickens.
Un antagoniste qui fait lien avec nous
Il arrive que la chose la plus répugnante que l’on discerne chez autrui est de se rendre compte à quel point nous nous retrouvons en cette personne.
Lorsqu’un lecteur est capable d’identifier parmi les motivations et les actions du méchant des raisons qui peuvent les justifier, ses réactions envers l’antagoniste seront d’autant plus aiguës.
Malgré tout le charisme de Maximus, nous comprenons le désespoir profond de Commodus (qui est d’ailleurs bien démontré) et cette dimension du personnage nous le rend d’autant plus effrayant.
L’arrogance
Odieux et arrogant, nul doute que votre antagoniste profitera de ces traits à son plus grand avantage dans l’image que le lecteur se fera de lui. C’est comme si la suffisance était à l’antagoniste ce que le courage est au protagoniste.
Dictateur cruel et manipulateur, l’arrogance du Président Snow (Hunger Games) est intimement liée à sa fonction dans l’histoire.
Un antagoniste autoritaire et dominant
Un proche parent de l’arrogance est la domination que peut exercer un méchant de l’histoire sur les autres personnages.
Un antagoniste n’est pas un individu faible, il a un certain pouvoir, une certaine ascendance sur les autres, dont il use à satiété et auquel il est difficile de résister même pour le protagoniste.
Cette autorité malsaine élève d’un cran la frayeur qu’il peut susciter. C’est une astuce dramatique qui peut créer d’excellents conflits dans certaines scènes. K.M. Weiland remarque d’ailleurs que parmi toutes les formes que peut prendre cette domination sur autrui, elle est d’autant plus effrayante et efficace lorsqu’elle est exercée par un membre de la famille du héros.
Dans A tout jamais de Andy Tennant, Susannah Grant et Rick Parks, d’après le conte des frères Grimm. la baronne Rodmilla de Ghent est un exemple classique d’antagoniste autoritaire.
La crainte
On craint ce que l’on ne comprend pas. Ce n’est donc pas la haine qu’il faudrait rechercher chez le lecteur mais la peur qu’inspire un antagoniste.
Serial killer, psychos : ils ont en eux la puissance de retourner viscéralement le lecteur. Mais il n’est pas nécessaire de choisir des personnages qui feront ou font la une des journaux. Un anonyme du fait même du mystère qui l’entoure inspire de la crainte.
Darth Vader parce qu’il incarne une telle puissance mystique nous plonge dans un respect craintif et paralysant.
Un antagoniste implacable
L’inexorabilité de la présence du méchant, sa volonté implacable de nuire comme celle du Terminator dont le squelette métallique sort des flammes de l’enfer pour que sa volonté de détruire Sarah Connors soit faite.
Bien sûr, il faut que l‘antagoniste ait ses faiblesses mais il devrait être montré que rien ne semble pouvoir le stopper.
Frank, l’âme damnée de Morton dans Il était une fois dans l’Ouest, est un exemple typique de méchant implacable.
La compétence
Vous le savez, votre antagoniste doit être à la hauteur de votre protagoniste. Il devrait y avoir un équilibre de forces entre eux (même si parfois, l’antagoniste semble un peu meilleur que le héros).
Vous ne définirez votre héros ou ne lui donnerez du sens qu’à la lumière de l’antagonisme qu’il affrontera ou du moins qui se trouvera sur son chemin.
Le lecteur reconnaît et respecte la compétence et il est bon d’utiliser cette tendance à l’avantage du méchant. L’intelligence possède un je-ne-sais-quoi d’effrayant qui, étrangement, nous met en état de faiblesse ou du moins nous donne à réfléchir face à un adversaire qui lutte avec une telle arme.
Syndrome dans The Incredibles possède une intelligence exceptionnelle qui le dispute à sa cruauté.
La folie
La folie rend un personnage complètement imprévisible, totalement insaisissable pour ceux qui essaient de la comprendre. Lorsque le méchant de l’histoire est une proie de la folie, il est difficile pour un héros de le contrer. C’est ce désavantage apparent du héros (comme si le méchant avait toujours un coup d’avance) qui nous fait haïr par contraste l’antagoniste plus que ses actions.
La folie peut être utilisée pour victimiser le méchant et le rendre encore plus redoutable comme Le Joker.
La trahison
Lorsqu’elle provient d’un proche, l’autorité abusive attire la défiance envers un personnage, mais lorsqu’il s’agit d’une trahison, le lecteur a tendance à encore moins pardonner et se surprend à détester d’emblée le personnage.
L’auteur peut ainsi jouer sur la binarité Amour/Haine comme source de conflits potentiels. C’est ce qui se produit par exemple dans la série Sleepy Hollow où Katrina et Ichabod Crane sont d’abord liés par un amour pur et véritable puis les événements mènent à une haine féroce éprouvée par Katrina envers Ichabod.
Un bel exemple de trahison est celui de Nizam dans Prince of Persia : Les sables du temps.
En conclusion, rien ne vous empêche de combiner ces différents traits pour ajouter davantage de profondeur à votre antagoniste.