Genre : documentaire (interdit aux - 16 ans)
Année : 2010
Durée : 1h26
Synopsis : Les représentants de l’administration Bush peuvent-ils être poursuivis pour « crimes de guerre » ? Ce documentaire d’investigation décortique la machine qui a conduit la « plus vieille démocratie du monde » à utiliser massivement et systématiquement la torture en Afghanistan, en Irak et à Guantanamo.
La critique :
Un bref rappel des faits. Le 11 septembre 2001, plusieurs avions dirigés par des terroristes islamistes et djihadistes du réseau Al-Qaïda, s'écrasent sur les tours jumelles du World Trade Center, ainsi que sur le Pentagone. Suite à une rixe, un quatrième avion est détourné par les passagers et échoue quelque part dans la Pennsylvanie. Bilan : presque trois mille morts et plus de six mille blessés.
Ces attentats terroristes provoquent immédiatement le courroux du gouvernement américain, celui de George W. Bush et ses principaux administrateurs, Donald Rumsfeld, Colin Powell et Condoleezza Rice. L'état de guerre est nûment déclaré au terrorisme. Celui-ci a un nom : Al-Qaïda, présenté sous l'effigie et l'hégémonie d'un homme, Ben Laden, celui qu'il faut abattre et éliminer. Mais pas seulement.
Désormais, c'est toute une partie du Moyen-Orient qui est concernée, en particulier l'Iraq et l'Afghanistan. La face du monde vient de changer à tout jamais. Il faut à tout prix éradiquer le terrorisme et mener une nouvelle politique despotique dans ces pays qui seront peu à peu vidés de leur substance. C'est ce que tente de raconter et d'analyser Marie-Monique Robin, une journaliste d'investigation et réalisatrice, à travers ce documentaire, intitulé Torture Made In USA.
Diffusé sur la chaîne Arte en 2011, ce documentaire est soutenu par plusieurs organisations, dont Amnesty International. Autant le dire tout de suite. Il s'agit d'un documentaire choc, scandale et éminemment polémique, ainsi que politique (si j'ose dire).
La guerre menée contre Al-Qaïda n'est pas seulement une guerre aérienne et sur le sol du Moyen-Orient. Il s'agit avant tout d'une guerre médiatique, bureaucratique et propagandiste. La torture devient alors un instrument pour faire parler des prisonniers irakiens ou afghans, soupçonnés de participer de près ou de loin, voire pas du tout... au réseau Al-Qaïda. Or, l'administration Bush doit déployer tous ses efforts pour passer à travers les Conventions de Genèves.
Dans ces textes ratifiés (entre autres) par les Etats-Unis, les techniques de torture sont évidemment interdites. En aucun cas, elles ne doivent servir ou justifier une cause politique. Pourtant, images et archives à l'appui, Marie-Monique Robin dévoile justement des vidéos tournées dans le camp de Guantanamo, ainsi que dans la prison d'Abou Ghraib.
Evidemment, toutes ces pratiques se déroulent dans le silence et surtout sous l'injonction de George W. Bush et ses administrateurs. Plusieurs anciens hauts responsables de ce gouvernement, en particulier des proches ou des conseillers, sont interviewés et interrogés. Oui, la torture a bel et bien été employée à des fins pernicieuses. Le but ? Avouer. Quoi ??? Peu importe tant que les révélations portent sur Al-Qaïda, quitte à dire tout et surtout n'importe quoi.
C'est le grand retour de L'Aveu de Costa-Gavras et avec Yves Montand. Encore faut-il savoir de quel type de torture nous parlons... C'est avec un énorme cynisme que certains responsables s'expriment. Pour Colin Powell et Donald Rumsfeld, la torture revêt un sens bien particulier. Ils appellent "torture" tout acte qui supprime partiellement ou totalement le fonctionnement d'un organe, ou alors qui se termine dans la mort.
Par conséquent, comme aucun prisonnier n'est mort et que personne n'a perdu l'usage d'un organe en particulier, on ne peut pas vraiment parler de "torture". Pourtant, le documentaire révèle (entre autres) la pratique de la baignoire. Le principe est aussi cruel que simpliste. Il s'agit de simuler une noyade. Autre pratique séditieuse et barbare : l'utilisation de chiens aux accrocs acérés.
Sous la menace éventuelle de se faire dévorer ou en partie broyer, les prisonniers agonisent. Les Conventions de Genève ? Bush et son gouvernement glosent, s'ébaudissent et justifient l'utilisation de techniques éventuellement crapuleuses. Il existerait deux axes : celui du bien, évidemment représenté par les Etats-Unis, et celui du mal, donc Al-Qaïda.
Autrement dit, pour lutter contre la barbarie, il faut aussi utiliser des méthodes sauvages et rédhibitoires. Un oxymore. Pourtant, la guerre contre la "Terreur" est en marche. Les Etats-Unis s'accointent et se coalisent avec plusieurs pays européens pour mener leurs inimitiés au Moyen-Orient. A l'époque, ils l'ignorent encore. Avec l'aide et le soutien de précieux alliés, ils signeront définitivement le marasme et la paupérisation en Iraq et en Afghanistan. Les conséquences retomberont bien des années plus tard par de multiples interventions, entre autres au Mali et en Lybie.
Certes, Al-Qaïda et sa figure de proue, Ben Laden, disparaîtront pour se transmuter en une nouvelle menace, encore plus radicale et redoutable. Son nom ? Daesh avec les corollaires actuels. Jadis, ceux (et pas seulement les Etats-Unis) qui ont fustigé le terrorisme et sa barbarie sont devenus les créateurs mercantiles d'une nouvelle forme de violence, version explosive et kamikaze.
Comme une évidence. Ou ce bon vieil adage : "Dieu rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes" (Bossuet).
Note : 16.5/20