Synopsis : "Maggie, trentenaire, éternelle célibataire et new-yorkaise, a bien l'intention de faire un bébé toute seule, mais elle rencontre John, professeur anthropologie et écrivain en devenir, dont elle tombe immédiatement amoureuse.
John, lui, n'est pas très heureux en mariage avec la tumultueuse Georgette qui ne vit que pour sa carrière. Il la quitte pour Maggie, qui attend désormais un bébé, mais après quelques années de vie commune, Maggie a un autre plan en tête et aimerait jeter à nouveau John dans les bras de Georgette..."
Au cinéma depuis aujourd'hui même, à savoir le 27 avril 2016, retrouvez le superbe trio Greta Gerwig, Ethan Hawke et Julianne Moore dans le nouveau film réalisé par Rebecca Miller : Maggie's Plan. Ou dans sa traduction, pas totalement correcte : Maggie a un Plan. Cinquième réalisation pour la cinéaste américaine Rebecca Miller, mais également cinquième collaboration avec le compositeur Michael Rohatyn.
Peu connu, voire inconnu, du grand public ainsi que des amateurs de cinéma, Michael Rohatyn reste cependant, et à l'image de tous les compositeurs anciens comme futurs, quelqu'un de très intéressant. Une personnalité qui a sa propre vision du cinéma et une façon de faire qui sera unique. Afin d'en savoir un peu plus sur lui et son travail, nous lui avons pu lui poser quelques questions. Des questions qui reviennent essentiellement sur le travail effectué concernant la bande originale du film Maggie a un Plan. Il nous a gentiment répondu, et qui plus est... en français. Et ça, c'est quand même très sympathique.
Quelques titres de la bande originale, sont disponibles à l'écoute à ce lienComment décririez-vous votre travail en tant que compositeur de musiques de film ?
Je suis là pour ajouter, et parfois aider. De temps en temps on ajoute trop, et en éliminant on trouve que c'est mieux. Il faut garder son sens de l'objectivité, et sa confiance envers le matériel (matériel visuel).
Est-il plus facile de travailler avec la réalisatrice Rebecca Miller parce que vous la connaissez depuis longtemps maintenant ?
Plus difficile! Je rigole. C'est une excellente copine et patronne. Il n'y en a pas de meilleure. Ce qui est bien de connaitre le directeur c'est que la politesse n'existe pas. Les idées sont donc testées à travers une dynamique un peu plus franche - si on est sûr de son idée, ou très attaché à celle-ci, il faut luter un peu. Avec la musique, ce qu'il y a de plus difficile pour moi c'est la variété infinie des possibilités. L'acteur doit suivre le texte; il ou elle est limitée aux quelques secondes passées devant la caméra pour exécuter ses choix; le montage a sa disposition que le métrage, et pas plus ; etc. Mais la musique - "soit on essaye n'importe quoi, ou rien du tout ?" horrible dilemme. Et souvent, on trouve quelque chose de bien, même dans une idée autrement affreuse. Alors, on s'emmerde à trouver le même effet au travers d'un autre moyen. On ne réussit pas. On abandonne. Et on recommence en empruntant un autre chemin. Avec Rebecca j'ai le luxe de tout proposer. Elle est très précise, brillamment intelligente, et très drôle. On trouve le chemin.
À quelle étape de sa production, êtes-vous entré dans ce projet ?
Avec Maggie j'ai lu le scripte à plusieurs "drafts" avant le tournage. Mais j'ai attendu le résultat - les "dailies" et les premiers assemblages des scènes - pour composer mes thèmes. Pour ce film Rebecca et Sabine Hoffman (montage) ont eu la générosité (est l'audace!) de préparer le premier "cut" sans musique. Pas facile, par ce que le "temp" musique aide à voir si les rythmes et les "cuts" marchent. Et ça motive. Mais pour Maggie, pas de "temp". Par petites doses je commence à fournir le "temp", on voit si cela marche, si ça ajoute, et c'est ainsi qu'on est arrivé au "score".
Comment avez-vous travaillé afin d'inclure une touche plus personnelle au sein d'une bande originale dans laquelle on retrouve plusieurs styles musicaux (tels que le rock, reggae, ska...)
Toute musique est dérivative. Si j'ai un "son", c'est que j'ai pris un plaisir ailleurs, d'un autre film (ou d'un disque, etc.) et que j'ai voulu suivre la même piste ou une piste proche pour voir où cela mènerait à quelque chose pour moi. Avec Maggie, on a cherché, en effet, à évoquer un ton un peu "Français". Donc le jazz musette et la musique de piano/cordes/flûtes, sentimentale et restreinte. En évoquant la France, on évoque aussi un monde ou les infidélités sont (souvent) permises, ou les discours intellectuels peuvent se dérouler sans excuses, et/ou la vie des profs, un peu, mais pas trop narcissisques, peuvent néanmoins être touchants. Les tracks ska sont si formidables. Impossible de les modifier ou même de les reproduire. Donc, l'objectif était très ouvert. Comme il n y a aucun rapport littéral entre les personnages et le ska - on ne pourrait être plus loin de la Jamaïque qu'avec ce film - qu'il (et qui marche idéalement bien a mon avis) permet un épanouissement dans le choix de styles pour le reste du score.
La comédie romantique est un genre extrêmement codifié, mais Maggie est un personnage plus surprenant, presque imprévisible. Comment avez-vous géré ça durant le travail d'écriture des compositions ?
Pour Maggie, Rebecca cherchait ce qu'elle appelait le "detatched shrug", à savoir une sorte d'indifférence. Comme si les désastres dans le film n'étaient qu'un jeu de destin. Ce que les personnages sont en fait. Un peu d'écart et la permission de ressentir des émotions pour ces personnages un peu perdus et pas toujours admirables - c'est là peut-être le rôle le plus important du "score" dans le film. Ouvrir une porte franchement sincère dans une histoire qui pourrait autrement devenir une simple comédie de manières. On a cherché à donner à l'ironie un cœur.
Interview réalisée par Hadrien Langue. Merci à Michael Rohatyn pour avoir répondu à nos question et à Jérémie Ollivier de chez Milan Music de nous avoir permis de réaliser cette interview.