L’arc dramatique et les faiblesses

Par William Potillion @scenarmag

Les faiblesses du personnage sont de formes et de tailles différentes. Les failles mineures n’influent généralement pas sur le comportement du personnage. Il a appris à vivre avec ses faiblesses et celles-ci n’ont vraiment d’influence que lorsqu’il est soumis à une forte pression émotionnelle, lorsqu’il perd le contrôle de lui-même et laisse libre cours à ses passions les plus refoulées.
Les failles les plus prégnantes d’autre part ont des conséquences bien plus dramatiques et ont la possibilité de modifier profondément le point de vue du personnage sur lui-même et le monde qui l’entoure.
Ces failles majeures expliquent pourquoi le héros est bloqué dans une routine de vie au début de l’histoire qui, même s’il n’en a pas pleinement conscience, l’empêchent de s’accomplir pleinement, d’atteindre à la plénitude de son être, une forme de perfection que l’on peut se permettre dans les fictions.
Cette complétude recherchée se concrétise dans la réalisation de son objectif. On peut donc en déduire que tant que le héros n’aura pas pris conscience de ses failles ou bien s’il cesse de les reconnaître comme des atouts (il peut très bien mal interpréter des traits de caractère qui le desservent pourtant), il ne pourra pas réaliser son objectif.

Généralement, des forces extérieures au personnage le maintiendront ou tenteront de le maintenir dans un statut quo qu’il doit pourtant dépasser. Mais ce sont surtout ses propres freins internes qu’il doit surmonter. C’est la condition pour lui permettre de rencontrer sa vraie nature c’est-à-dire la seule force qui peut lui permettre de vaincre l’adversité quelle que soit la force de celle-ci.
Le héros doit comprendre et accepter qui il est.

Pour que le lecteur ne soit pas frustré par un personnage qui n’évolue pas au cours de l’histoire, qui n’apprend rien de ses épreuves, le personnage doit connaître une changement interne, une transformation de sa personnalité.
Au début, il se voit d’une certaine façon (et généralement, ce n’est pas la meilleure) puis au travers de son évolution et d’une transformation interne, il devient comme quelqu’un d’autre, il aborde sa vie à un niveau plus significatif, plus profond.

Un arc dramatique se décompose au moins en quatre composants :

Outer Motivation
A lire :
MICHAEL HAUGE : OUTER MOTIVATION
Cette Outer Motivation est ce que le personnage veut réaliser dans cette histoire.

Outer Conflict
Puisque le personnage possède une motivation extérieure (et généralement, une sérieuse motivation) pour atteindre au but, la dramaturgie veut qu’il y est une force contraire qui génère du conflit.
Dans Des hommes d’honneur de Aaron Sorkin, d’après sa pièce A Few Good Men, le lieutenant Daniel Kaffee veut démontrer l’innocence de Dawson et Downey (Outer Motivation) mais le Colonel Jessup qui a ordonné le code rouge tente de toute son ambition et influence de contrer Kaffee (ce qui génère le Outer conflict).

Inner Motivation
Comme le fait remarquer Michael Hauge, il est important qu’un parcours interne soit parallèle à ce qui se passe extérieurement dans l’histoire.
L‘Inner Motivation est la formulation et la cause de la motivation du protagoniste d’aller jusqu’au bout de son histoire. Il lui faut réaliser cet objectif qu’il s’est fixé et l’Inner Motivation explique pourquoi.
Considérez cet élan interne chez votre personnage principal comme un effort pour gagner de l’estime de soi.

Inner Conflict
Tout comme l‘Outer Motivation est accompagnée d’un Outer Conflict, l’Inner Motivation génère un Inner Conflict.
L’inner Conflict est la faille du personnage ou le mensonge qu’il se fait à lui-même et qui l’empêche de s’accomplir et par là, de réaliser la mission qu’il s’est assignée.

Retrouvons Daniel Kaffee :
Inner Motivation
La motivation de Kaffee de vouloir gagner (Outer Motivation) est de prouver qu’il peut remporter un procès autrement qu’en négociant (pratique courante aux Etats-Unis destinées à soulager la charge des tribunaux).
Pourquoi veut-il apporter cette preuve ?
Parce qu’il veut être à la hauteur de la réputation de son père qui était un excellent avocat.
Ainsi, l’Inner Motivation corresponds à un besoin et l‘Outer Motivation à un désir.
Ce besoin d’être à la hauteur de la réputation de son père provient d’une vieille blessure : Kaffee a toujours vécu dans l’ombre de son père et il en a conçu un besoin de reconnaissance pour lui-même.
Il est possible pour plus de clarté de décomposer l’Inner Motivation en deux constituants :
– la motivation : le besoin,
– la cause : la blessure.

Inner Conflict
Conséquence de la blessure :
Daniel Kaffee doute de lui-même et de ses capacités.
Bien qu’il ait la volonté de se révéler à lui-même, il a peur que tous ses efforts ne parviennent à égaler (voire à surpasser) son père. Il s’est persuadé (donc il s’est menti à lui-même) que les autres et lui-même ne peuvent voir en lui rien d’autre que le fils à papa !

Un arc dramatique ne fonctionne jamais aussi bien que lorsqu’il renvoie les hauts et les bas d’une Outer Story.
L’Outer Story peut être définie comme l’ensemble des événements, c’est-à-dire les réponses aux Qui, Quoi, Où, Quand de l’histoire. En effet, les événements que vous allez décrire dans votre histoire doivent avoir du sens en relation avec le thème, le sujet, le message, la prémisse de votre histoire. Il y a une relation certaine que celle-ci se dessine clairement ou symboliquement, mais elle existe.
Comme un personnage se débat pour surmonter un antagoniste ou remporter un défi, tout comme il doit se dépasser lui-même et vaincre ses plus grandes peurs.
Tout au long de son arc dramatique (qui est un mouvement), le personnage blessé doit faire face à lui-même et reconnaître ses lacunes. Pour que sa transformation (voire sa transmutation) aboutisse à un être complet qui a intégré cette part de lui-même qui l’empêchait de s’accomplir (une fiction n’est peut-être après tout qu’une recherche de la vérité, de la perfection), il lui faut prendre conscience de sa blessure et du mensonge qu’il se fait à lui-même, il lui faut se libérer de cette fausse croyance qui motivait ses actions jusqu’à présent et qui contrôlait en fait sa vie.

La perfection est certes une illusion. Ce qui est nécessaire est que le personnage parvienne à une version de lui-même plus en équilibre avec sa véritable nature (sauf si votre intention est de démontrer qu’il lui est impossible de vaincre ses peurs).