Genre : documentaire
Année : 2006
Durée : 51 minutes
Synopsis : La face cachée du procès des grands criminels nazis : Hermann Göring (numéro 2 du régime hitlérien et initiateur des camps de concentration), Hans Frank (gouverneur général de Pologne et bourreau de Cracovie), Julius Streicher (antisémite virulent et fondateur du journal nazi “Der Stürmer”) et Rudolf Höss (commandant du camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz). Ou lorsque ces accusés, enfermés derrière les barreaux de la prison de Nuremberg, acceptèrent de se livrer à un psychiatre américain, Leon Goldensohn .
La critique :
Certes, le nom de Jean-Charles Deniau ne doit pas vous évoquer grand-chose. Pourtant, le journaliste, auteur et réalisateur français a signé de nombreux documentaires historiques, notamment La droite a-t-elle tué Nicolas Sarkozy ? (2013), Le Diable de la République, 40 ans de Front National (2011), ou encore Hitler : le rapport commandé par Staline (2008).
Parallèlement, il participe (en tant que co-réalisateur) à 17 documentaires de 52 minutes entre 1981 et 1986 sur la chaîne France 3 (FR3 à l'époque), ainsi qu'à des documentaires de voyage. Il n'est donc pas très surprenant de retrouver Charles Deniau derrière Les Carnets secrets de Nuremberg, sorti directement en vidéo en 2006. Ce nouveau documentaire historique s'intéresse au témoignage ou plutôt au récit d'un certain Leon Goldensohn.
En 1946, pendant le Procès de Nuremberg, il fait partie d'une équipe de 21 psychiatres chargés de veiller sur la santé mentale des vingt et un accusés. Parmi ces derniers, on trouve quelques noms tristement célèbres : Hermann Göring (numéro 2 du régime hitlérien et initiateur des camps de concentration), Hans Frank (gouverneur général de Pologne et bourreau de Cracovie), Julius Streicher (antisémite virulent et fondateur du journal nazi “Der Stürmer”) et Rudolf Höss (commandant du camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz). Pour la petite anecdote, Leon Goldensohn est d'origine juive, ce qu'ignorent totalement ses patients transformés en prisonniers de guerre.
Au cours de ces interrogatoires, le psychiatre prend des notes et commence à écrire un opuscule.
A la fin du Procès de Nuremberg, Leon Goldensohn est fermement décidé à publier ce livre. Mais pendant quelques temps, il délaisse ce projet. Puis, en 1961, il décède d'un infarctus du myocarde à l'âge de 54 ans. Sa femme égare alors ses écrits. Il faudra patienter jusqu'en 2004 pour récupérer et réunir toutes les notes de Goldensohn. Elles apportent un certain éclaircissement sur la personnalité (à priori abominable) de Hermann Göring et de sa nade de "nazillards".
Pour leurs contempteurs, l'objectif de ces entretiens psychiatriques est de prouver que ces tortionnaires sont bel et bien des monstres et des psychopathes barbares et déshumanisés. Dans un premier temps, Leon Goldensohn étudie le cas de Herman Göring. Il est le plus condescendant et le plus pédant de tous les accusés.
Surtout, il exerce sur ses congénères une influence despotique. Conscient de sa dangerosité, le directeur de la prison décide de l'enfermer dans une cellule à part. Tout d'abord indocile, Göring supporte de moins en moins son éviction et sa solitude. Il se confie à Goldensohn sans barguigner. Certes, il est à l'origine des Camps de la Mort, mais nie toute implication dans la Shoah, donc dans l'extermination de plusieurs millions de juifs. A la base, ces camps étaient prévus pour enfermer des prisonniers communistes.
Il réfute les images tournées par les Russes au moment de la libération des camps. Pour lui, ce sont des vidéos amateurs et même propagandistes. Göring accuse directement Hitler comme responsable des gazages et autres exécutions sadiques. Néanmoins, Göring n'épouve aucun sentiment de regret ou de culpabilité.
Second interrogatoire, celui de Hans Frank. Lui aussi se plaint de l'attitude d'Hitler. Certes, à l'origine, il ne se prédestinait pas à une carrière de "nazillard" en puissance. Lui aussi réfute toute implication (de près ou de loin) dans l'Holocauste. Oui, il a bien signé des papiers sur le sort funeste de juifs condamnés à la mort et à l'incinération. Mais il renie toute participation à l'extermination de femmes et d'enfants, surtout dans de telles conditions. Hans Frank reconnaît avoir été séduit, non seulement par Hitler mais par toute cette idéologie pernicieuse et antisémite.
A l'instar de Göring, lui aussi n'éprouve aucun remord ni regret. Il n'est finalement qu'un agent administratif et militaire curieusement docile. Guère plus. En revanche, Rudolf Höss est un peu plus loquace.
Son arrivée plus tardive lors du Procès de Nuremberg change la physionomie des débats. Contrairement à ses anciens comparses, Rudolf Höss reconnaît tous les crimes commis par les nazis. Surtout, il affirme haut et fort que tout le monde, sans exception, était au courant des éxécutions et des tortures perpétrées dans les camps de la mort. Pourtant, malgré ses aveux, Rudolf Höss n'éprouve pas non plus de regrets. La nuit, il dort tranquillement et sereinement dans sa cellule.
La journée ? Il ne pense jamais à tous ces prisonniers froidement exécutés, gazés, pendus et entassés dans d'immenses fossés. Pourquoi faudrait-il qu'il soit absolument bouleversé par toutes ces atrocités ? Après tout, Rudolf Höss n'a fait qu'appliquer les ordres. Hagard, Leon Goldensohn écoute son interlocuteur. Rudolf Höss affirme ne pas être un assassin puisqu'il n'a tué (directement) personne.
Ce sont les autres (les colonels et les commandants) dans les camps de la mort qui ont appliqué la logique fallacieuse d'Hitler et du IIIe Reich. Quatrième et dernier entretien : Julius Streicher. Rappelons qu'il est le fondateur du journal nazi “Der Stürmer”. Par conséquent, il est un antisémite convaincu et surtout le plus virulent de tous les accusés. A l'inverse de ses collègues, il n'est pas choqué par les vidéos tournées par les Russes. Oui, les juifs et les prisonniers étaient bien exécutés, pendus et gazés dans les camps de la mort. En revanche, il affirme ignorer l'extermination de femmes et d'enfants et nie toute implications dans ces crimes, qu'il juge sauvages et barbares. Un oxymore.
Comme tous les autres prisonniers, il subit un test d'intelligence et il est le dernier sur la liste. Julius Streicher souffre d'un léger déficit mental.
Leon Goldensohn et ses collègues s'interrogent alors sur son degré de responsabilité. Est-il conscient de ce qu'il a fait ? Ou est-il totalement azimuté ? Après plusieurs batteries de tests, le verdict est sans appel. Non, Julius Streicher n'est pas fou et ne souffre d'aucune forme de psychasténie mentale. C'est aussi l'une des grandes révélations de ces différents interrogatoires. Alors que tout le monde s'attendait à voir et/ou à entendre des bourreaux et des psychopathes monstrueux, Göring et ses comparses apparaissent comme des bureaucrates vétilleux et soucieux d'appliquer l'idéologie méphitique d'Adolf Hitler.
Ils ne seraient finalement que des techniciens et des experts de l'horreur n'éprouvant (encore une fois) aucune culpabilité. Autrement dit, ce documentaire et les écrits de Leon Goldensohn n'apportent pas vraiment de réponse sur la triste personnalité de ces bourreaux "nazillards". A contrario, ses notes permettent d'éclaircir les zones d'ombres sur ces hommes transmutés en véritables érudits de la barbarie orchestrée par le IIIe Reich. Jusqu'à leur mort, jusqu'au bout, ils seront restés des nazis.
Note : 16/20
Alice In Oliver