Genre : horreur, épouvante, science-fiction
Année : 1951
Durée : 1h27
L'histoire : Un extraterrestre végétal est recueilli congelé dans la banquise par les membres d'une base américaine en Alaska. Les militaires veulent le détruire, mais les scientifiques penchent pour l'étude. Le réveil de la chose donnera raison aux soldats.
La critique :
La carrière cinématographique de Christian Nyby débute en 1943. Tout d'abord monteur, il participe et collabore à plusieurs films de prestige, entre autres, Destination Tokyo (1943), Le Port de l'Angoisse (1944), Le Grand Sommeil (1946), ou encore La Vallée de la Peur (1947). C'est ainsi que Christian Nyby tourne avec les plus grands cinéastes : Raoul Walsh, Fritz Lang et surtout Howard Hawks.
En 1951, il décide enfin de passer derrière la caméra avec La Chose d'un autre monde, toujours sous la férule d'Howard Hawks qui supervise le long-métrage. Pourtant, le réalisateur n'est pas crédité dans le générique du film. A l'origine, le long-métrage est l'adaptation d'une nouvelle, La bête d'un autre monde (de son titre original Who Goes There ?), de John W. Campbell.
Au moment de sa sortie, La Chose d'un autre monde bouleverse les codes du cinéma d'horreur et de la science-fiction. Déjà parce que le film s'inscrit à la fois dans deux registres à priori différents. Ensuite parce qu'il sort la même année que Le Jour où la Terre s'Arrêta de Robert Wise. Les deux métrages ont une vision radicalement opposée de la fin du monde et de temps troublés par la Guerre Froide et l'apogée de l'ère nucléaire. Dans le film de Robert Wise, c'est un être anthropomorphique qui vient anônner un discours belliciste à l'ensemble des communautés humaines.
Bien que rétif et suspicieux, il finit par comprendre les dynamiques à la fois archaïques, primitives et complexes de l'âme humaine. Dans La Chose d'un autre monde, c'est aussi un extraterrestre anthropomorphique, néanmoins avec un crâne dolichocéphale et d'origine végétale, qui attise la curiosité et les convoitises dans une base scientifique. Sujet sur lequel nous reviendrons.
La distribution du film réunit Margaret Sheridan, Kenneth Tobey, Robert O. Cornthwaite, Douglas Spencer, James R. Young et Robert Nichols. A l'époque, La Chose d'un autre monde marque durablement les esprits. Surtout, il va influencer plusieurs générations de cinéastes, notamment John Carpenter avec un remake, The Thing (1982), puis un préquel homonyme en 2011.
En outre, le scénario est plutôt laconique. Attention, SPOILERS ! Un extraterrestre végétal est recueilli congelé dans la banquise par les membres d'une base américaine en Alaska. Les militaires veulent le détruire, mais les scientifiques penchent pour l'étude. Le réveil de la chose donnera raison aux soldats. Contrairement à Le Jour où la Terre s'arrêta, l'extraterrestre fallacieux ne vient pas sur Terre pour psalmodier de longues homélies.
Pour la première fois dans le cinéma d'épouvante et de science-fiction, c'est un être aux intentions hostiles et venu d'ailleurs qui vient assouvir sa soif de conquête. Dès lors, deux points de vue se confrontent. Celui des militaires qui décident promptement d'éliminer la "chose". Et celui des scientifiques. Pour eux, le monstre constitue une merveille et un trésor que l'Humanité se doit de garder, de préserver et même de chérir. Mieux, la créature nous serait même supérieure car dénuée de toute émotion et de tout sentiment humain. Elle ne fait que répondre à ses pulsions tout en développant une intelligence hors du commun.
On voit déjà ici poindre les prémisses de L'Invasion des Profanateurs de Sépultures (Don Siegel, 1954). Les êtres humains doivent être annihilés au nom d'une forme de "race" supérieure. Il existerait un maître, un être providentiel, voire même une oligarchie élitiste à laquelle il faudrait se soumettre et obéir.
Autre thématique intéressante. L'extraterrestre végétal n'a pas de nom ni d'origines connues. Il est appelé la "chose" et représente à la fois ce mystérieux inconnu qui provient du néant, représentant une force incoercible et comminatoire. Pourtant, la créature ne se soucie point des belligérances entre les militaires et les scientifiques. Bientôt, des hommes disparaissent. Pis, le monstre est capable de se reproduire et menace de s'approprier la base pour développer une nouvelle forme de vie belliqueuse.
Certes, au risque de nous répéter, La Chose d'un autre monde marque une rupture rédhibitoire avec le cinéma d'épouvante et de science-fiction de son époque. Certes, le long-métrage va inspirer plusieurs augustes réalisateurs et films (voire remakes) de renom.
Certes, Christian Nyby maîtrise parfaitement son sujet. Il est le digne épigone de Raoul Walsh, Fritz Lang et Howard Hawks. Néanmoins, le monteur-réalisateur reste un peu trop timoré pour susciter un véritable intérêt. Les thématiques abordées sont à peine esquissées et surtout éludées au profit de conversations sibyllines. Pour le spectateur avisé, il faudra donc s'armer de patience avant de voir débarquer le monstre végétal. Lui aussi a bien souffert du poids des années, à l'image de son look plus ou moins calqué sur la créature de Frankenstein.
Difficile de ressentir le moindre effroi ou sentiment de peur devant cet être muni de petites griffes et poussant des cris d'orfraie. Ce qui donne une petite idée de la "chose"... Le film souffre de sérieuses baisses de rythme assez préjudiciables à la qualité scénaristique et encore une fois à ses thématiques. En l'état, La Chose d'un autre monde ne ravira que les amateurs de films de SF et d'horreur des années 1950. Aujourd'hui, le long-métrage est une pellicule absconse qui souffre inévitablement (et pour une fois) de la comparaison avec son remake (et par ailleurs chef d'oeuvre) de John Carpenter.
Un fait suffisamment rare pour mériter d'être souligné.
Note : 11.5/20
Alice In Oliver