Structure : une ossature necessaire

Par William Potillion @scenarmag

Structure en trois actes : un début, un milieu et une fin. Cela date déjà du temps de La Poétique de Aristote. Elle fonctionne non seulement dans l’univers hollywoodien mais le Vieux Monde en fait aussi grand cas.
Il n’est pas bien d’envisager la structure en trois actes comme une formule allant à l’encontre de la créativité des auteurs. C’est lui faire un procès d’intention sur des intentions qu’elle n’a pas. Elle est plutôt destinée davantage à assurer un lien entre les différents éléments dramatiques qui composent une histoire.
La structure n’est rien d’autre qu’un liant qui permet d’assembler une ossature pour que soit compris (du moins accessibles) les éléments dramatiques qui la composent.

Au cours de l’acte Un, nous faisons la connaissance d’un personnage, nous introduisons un dilemme et mettons en place des enjeux. Dans l’acte Deux, le personnage essaie de résoudre son dilemme mais il rencontre des difficultés qui sont autant d’obstacles à la réalisation de ce désir. Et l’acte Trois nous montre que le dilemme a été résolu à l’avantage ou au désavantage (c’est un choix d’auteur) du personnage.

Depuis Syd Field, une certaine habitude de subdiviser une histoire en délimitant les actes (25 % pour le premier et le troisième acte et 50 % pour le second acte) a été plus ou moins répandue. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est que quelles soient les durées de vos actes, tant que celles-ci ne déstabilisent pas votre histoire, vous bénéficiez d’une certaine latitude pour adapter vos actes aux exigences de votre histoire.
Gardez à l’esprit que vous vous adressez à un lectorat et que tant que celui-ci n’est pas frustré par l’ordonnancement de votre histoire, il n’y a aucune raison d’assurer le passage dans l’acte Deux à 25 % de votre script, par exemple.

La question dramatique

La question dramatique se résume à :
Est-ce que le personnage parviendra-t-il à résoudre son dilemme ?
en tenant compte des détails à la fois du personnage et du dilemme (ce qui rend unique votre histoire).
Cette question dramatique est la ligne directrice de l’histoire. C’est elle qui oriente l’histoire dans une direction précise.

Dans Little Miss Sunshine, la question dramatique est :
Est-ce que Richard permettra à sa fille de remporter le concours de beauté ?
Dans Matrix, cette question est :
Est-ce que Neo parviendra à vaincre l’agent Smith ?
A noter que cet agent Smith est l’incarnation d’une entité maléfique supérieure qui a pour nom : Machines (dans le sens d’une matrice régulant la destinée humaine).

L’apparente simplicité de la question dramatique est cependant un leurre car tant que vous ne saurez pas qui est votre personnage, quelle vérité sur lui-même cherche-t-il à découvrir, quel est le dilemme auquel il doit faire face, vous ne pourrez pas formuler la question dramatique.
La question dramatique est un concept dont la source et le mouvement, la cause première est le personnage.

Dans la formulation de cette question, vous ne poserez pas une question ouverte. Les seules réponses possibles sont Oui ou Non.
Qui épousera votre héroïne ? n’est pas une question dramatique.
Est-ce qu’elle va épouser celui qu’elle aime ? est une question dramatique.

Cette question doit connoter de même une incitation à l’action. Votre personnage n’est pas un être passif. Il est animé par une force toute contenue dans la question dramatique et que celle-ci doit libérer. Cette question ne consiste pas pour le personnage à comprendre quelque chose sur lui-même, cela est la fonction de son arc dramatique, de son évolution intime dans l’histoire. Si la question dramatique est de savoir si votre héroïne épousera celui qu’elle aime, elle doit être motivée pour réaliser ce but et agir en conséquence.

L’incident déclencheur

Parfois appelé catalyseur (parce qu’il lance l’histoire, c’est un événement ou phénomène qui crée un élan).
La question dramatique est un accord tacite entre l’auteur et son lecteur. Elle survient naturellement dans l’esprit du lecteur sans que l’auteur n’ait besoin de préciser quoi que ce soit sauf de détailler les conditions qui permettent de soulever cette question dans l’esprit du lecteur.
Il est nécessaire cependant que cette question surgisse assez tôt sinon le lecteur ne comprendra pas où vous voulez allez avec votre histoire.
Le moment de cette question dramatique (par définition invisible car c’est une expérience de pensée) intervient au moment de l’incident déclencheur. C’est un événement visible qui catalyse dans l’esprit du lecteur la question dramatique.

L’incident déclencheur est un tournant majeur dans l’histoire dans le sens où le personnage principal va vivre un événement qui va bouleverser sa vie. Il lui est présenté pour la première fois son problème dont il ne va pas saisir immédiatement toute la dimension et le lecteur non plus d’ailleurs mais par cet événement, le lecteur commence à avoir une idée de ce dont va traiter l’histoire. Sa curiosité et la question dramatique ont été aiguillonnées et s’installent durablement dans son esprit (c’est-à-dire qu’il va avoir envie de continuer à tourner les pages pour voir comment les choses vont se passer, il est intéressé).

L’incident déclencheur se concrétise assez souvent au travers d’une rencontre. Tout comme Elliot qui rencontre pour la première fois E.T.
On ne sait pas encore quel sera l’objectif de Elliot, en fait, on ne sait rien de ce qui va se passer ensuite mais on a compris qu’à partir de maintenant, qu’à partir de cette rencontre, la vie de Elliot, un petit garçon que personne ne prenait vraiment au sérieux, va radicalement changer.

L’incident déclencheur peut prendre en fait n’importe quelle forme : une lettre (Harry Potter), une révélation… Tout événement même le plus insignifiant mais qui porte en lui les germes d’un mouvement ascendant pour le personnage principal vers sa propre vérité, sa véritable nature. En un mot, il deviendra meilleur à la fin de l’histoire.

La résolution

Puis vient un autre point majeur d’une histoire : la réponse à la question dramatique. Le lecteur reste accroché à l’histoire tant qu’il n’a pas obtenu de réponse à la question dramatique mais lorsque celle-ci lui est fournie, il est bien de ne plus s’attarder trop longuement parce que le lecteur n’a plus alors aucune raison de vous accompagner dans votre voyage.

Les trois actes

Lorsqu’il est posé la question dramatique au moment de l’incident déclencheur et que la résolution donne la réponse, il ne vous reste plus qu’à structurer votre histoire.

Les trois actes permettent de délimiter une histoire en moments spécifiques : le passage de l’acte Un à l’acte Deux est ce moment où l’exposition des personnages et des situations initiales est révolu et que l’histoire plonge dans le cœur de son intrigue. Puis vient le moment du climax à la fin de l’acte Deux ou dans l’acte Trois (le climax dans ce cas précède la résolution). Pour les séries, les moments majeurs d’une histoire sont davantage marqués car le modèle économique des séries télévisées exigent que des moments forts de l’histoire soient ponctués d’encarts publicitaires.
Pour un court-métrage ou un long métrage, la séparation en actes peut être beaucoup plus subtile et devrait même ne pas être remarquée par le lecteur ou le spectateur.

Le passage entre les actes est un concept littéraire. Il indique des tournants majeurs dans le cours de l’histoire. C’est d’ailleurs un concept très subjectif : l’auteur décide lui-même quels sont les points majeurs de son histoire.
Structurellement, ces tournants de l’histoire la façonnent. Lorsque commencent les obstacles, les épreuves, les tests sur la détermination du héros quant à la poursuite de son objectif, on comprend que l’on est dans l’acte Deux. Lorsque le climax se produit, on sait aussi que l’on est à la fin de l’acte Deux ou au début de l’acte Trois et que la résolution de l’histoire n’est plus très loin.
Structurellement, vous arrangez votre histoire de la manière la plus efficace possible et d’une manière très subjective mais il n’en demeure pas moins vrai qu’elle se subdivisera d’elle-même en trois actes dans lesquels d’autres moments spécifiques peuvent être définis afin d’en améliorer l’ossature.

Le passage dans l’acte Deux

Ce passage est le moment où le personnage principal embarque pour son voyage. C’est généralement une décision qu’il prend. En effet, le personnage décide de prendre à bras le corps son problème, personne ne le pousse à faire ce qu’il ne veut pas.
On peut considérer ce moment comme un point de non retour mais d’autres théories place ce point de non retour plus loin dans la seconde partie de l’acte Deux. Tout dépends des exigences de votre histoire.

Considérez que la décision de votre héros de s’engager dans l’aventure ne lui laisse pas d’autres choix que de poursuivre le voyage. D’autant qu’il risque de perdre gros ou au contraire de gagner gros s’il réalise ou ne parvient pas à réaliser son objectif. C’est là qu’intervient la notion d’enjeux. Objectif et Enjeux sont sources de tension.

Un exemple typique de ce passage dans l’acte Deux est dans Matrix lorsque Morpheus propose à Neo de choisir entre la pilule bleue et la pilule rouge (c’est un dilemme pour Neo). Morpheus ajoute même que si Neo prend la pilule bleue, l’histoire s’arrête là. On ne peut mieux dire.