Le grand jeu

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Bac Films ainsi qu’à l’Agence Darkstar de m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le dvd du film « Le grand jeu » de Nicolas Pariser.

« Les gens prometteurs qui ne donnent rien m’intéressent toujours. J’aime les gens décevants. »

Pierre Blum, un écrivain de quarante ans qui a connu son heure de gloire au début des années 2000, rencontre, un soir, sur la terrasse d’un casino, un homme mystérieux, Joseph Paskin. Influent dans le monde politique, charismatique, manipulateur, il passe bientôt à Pierre une commande étrange qui le replongera dans un passé qu’il aurait préféré oublier et mettra sa vie en danger. Au milieu de ce tumulte, Pierre tombe amoureux de Laura, une jeune militante d’extrême gauche ; mais dans un monde où tout semble à double fond, à qui peut-on se fier ?

« Il y a quelque chose dans ces années-là qui n’a pas imprimé l’Histoire. Nous n’avons pas évolué. Nous avons juste vieilli. »

D’abord journaliste et critique de cinéma, la carrière professionnelle de Nicolas Pariser glisse progressivement vers le cinéma et plus précisément vers l’écriture et la réalisation. Avec un goût prononcé pour les sujets liés à l’actualité politique et à la « Chose publique », comme en témoignent ses premiers courts et moyens métrages : « Le jour où Ségolène a gagné » (2008), « La République » (2009, récompensé par le Prix Jean Vigo) ou encore « Agit pop » (2013). Pour son premier long métrage, Nicolas Pariser rêvait d’adapter le roman « Sous les yeux de l’occident » de Joseph Conrad. Mais le projet s’est vite avéré trop ambitieux, le contexte des violences sociales commises dans la Russie impériale étant difficilement transposable dans le contexte de la France des années 2000. Ce n’est finalement qu’avec la médiatisation de l’affaire dite du groupe de Tarnac, dont le film s’inspire très librement, que le cinéaste retrouva l’inspiration nécessaire pour impulser la réalisation de son premier long métrage, « Le grand jeu ».

« A un moment, on cherche à mettre en accord ses idées et son mode de vie. C’est ce que nous faisons ici, en essayant de créer un mode de vie alternatif. Tout le monde n’a pas renoncé comme toi. »

Le Cinéma s’est toujours passionné pour le monde de la politique. Et plus encore pour l’envers du décor et les arcanes du couloir : un univers secret et feutré, impitoyable, à la fois violent et cynique, au sein duquel coexistent des personnages aux égos surdimensionnés prêts à toutes les bassesses pour obtenir toujours plus de pouvoirs. Pour les scénaristes, il s’agit donc là à l’évidence d’un thème en or, terreau idéal pour le développement de toutes sortes d’intrigues et de complots. Et puis surtout, le sujet de la politique pose toujours le même questionnement moral, à savoir celui de la compromission : jusqu’où un homme est-il prêt à aller pour défendre ses convictions ? Dans quelle mesure doit-il défendre l’intérêt commun au détriment de sa carrière et de son ambition politique ? Ce genre cinématographique a longtemps été l’apanage quasi exclusif du cinéma américain (« Mr Smith au sénat », « Les fous du roi », « Tempête à Washington », « Que le meilleur l’emporte », « Votez McKay ! », ...). Il faut dire qu’en Europe, les années de plomb et la rigidité des pouvoirs en place, qui usaient encore de pratiques douteuses (assassinats politiques, le SAC, les affaires de détournements...) ont empêché quelque peu ce genre cinématographique de s’épanouir. Bien sûr, quelques cinéastes s’y sont essayés à la marge, à l’image de Costa Gavras, mais ses brûlots dénonçaient principalement les pratiques des régimes plus « exotiques » (la Grèce des colonels dans « », les régimes soviétiques de l’est dans « L’aveu », le régime de Pinochet dans « Missing »). Ce n’est qu’à partir du milieu des années 90 que le climat politique européen semble s’être apaisé, permettant ainsi aux fictions traitant de façon plus ou moins réaliste du milieu politique de se multiplier (« La conquête », « Quai d’Orsay », « L’exercice de l’Etat », « Pater »...). Très librement inspiré par l’affaire dite du Groupe de Tarnac, Nicolas Pariser construit une intrigue en forme de mystérieuse partie d’échecs, dans laquelle un étrange politicien de l’ombre échafaude un complot visant à faire tomber un ministre pour prendre sa place. Il s’attache pour ce faire les services d’un ancien écrivain raté, anciennement proche de l’extrême-gauche, afin d’instrumenter l’actualité et l’opinion. Mais la machine se retournera finalement contre lui, devenant incontrôlable, et entrainant dans sa chute tous ceux qui l’auront aidé. Le thriller politique implacable imaginé par Nicolas Pariser fonctionne parfaitement, en dépit d’un récit pas toujours très fluide. Il faut dire que le film a l’immense mérite d’être parfaitement documenté (les références aux affaires Battisti, Boulin et autre Bérégovoy sont ainsi nombreuses) et de bénéficier de dialogues impeccablement ciselés et d’une rare qualité. L’interprétation magistrale d’André Dussolier, toute en finesse et en malice, vient encore parfaire la qualité de l’ensemble. Seule fausse note, la romance entre le héros et la jeune militante d’extrême-gauche (interprétée par une Clémence Poésy un peu fade), qui n’apporte pas grand chose au récit. Mais l’essentiel est ailleurs : avec « Le grand jeu », Nicolas Pariser parvient à capter et à rendre compte avec une acuité et une maturité incroyables le désenchantement d’un homme désabusé, et à travers lui la désespérance d’une génération, ayant perdu ses idéaux et ses convictions.

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Le dvd : le film est proposé en version française. Aucun sous-titre optionnel n’est proposé. Côté  bonus, l’édition se montre assez riche, proposant tout d’abord les deux précédents moyens-métrages du réalisateur Nicolas Pariser, à savoir « La République » (2010) et « Agit pop » (2013). Une interview de Nicolas Pariser par Olivier Père (12 min.) est également disponible.

Edité par Bac Films, « Le grand jeu » est disponible en dvd et en blu-ray depuis le 19 avril 2016.

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