Genre : science-fiction
Année : 1995
Durée : 1h37
Synopsis : Aux dires des très rares spectateurs qui l'ont vu en entier, le film se présente comme un mélange bougrement moisi entre Alien, Robocop et Bioman. C'est tout ? C'est tout.
La critique :
Aujourd'hui, je vais me livrer à un exercice un peu particulier puisque je vais vous parler d'un film que je n'ai jamais vu et que je ne verrai certainement jamais. Gonflé ? Pas tant que ça fait, car il ne s'agit pas de faire une chronique du film (donc Cyber Tracker 2) en lui-même mais plutôt de vous raconter les quelques souvenirs personnels qui s'y rattachent. Oh non, le vieux va nous encore saouler avec nostalgie périmée. Hé oui, je vais vous parler d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître (comme dirait l'autre). Retour en ce 14 septembre 1992.
Après plusieurs mois d'inactivité professionnelle (oui, le chômage ne date pas de Hollande), je réussis à obtenur un entretien d'embauche avec Monsieur A. Propriétaire de trois vidéos clubs à Montpellier, deux épiceries, une boucherie, un tabac-presse et un restaurant (rien que ça), Monsieur A était un commerçant qui avait pignon sur rue dans le milieu montpellierain et même au niveau départemental. Un notable pour tout dire.
Malgré mon inexpérience, j'arrivais à décrocher le job. Je suppose que mon enthousiasme de jeune cinéphile a dû jouer en ma faveur. Vous parlez d'une faveur... Trois jours après, je débarquais dans un magasin de pus de 200 mètres carrés, poussiéreux et tombant clairement en décrépitude. L'établissement était situé dans une cité au coeur du célèbre quartier de La Paillade, dont la réputation en matière d'insécurité encore aujourd'hui, n'est plus à faire. Une sorte de petit frère des quartiers nord de Marseille pour vous donner une idée. Autrement dit, ça craignait un max.
Pourtant d'après Monsieur A., la clientèle y était sympathique, populaire et très nombreuse. Ca pour affluer, elle afflluait. Mais la quantité ne faisant pas la qualité, nous les employés, nous nous retrouvions à gérer une faune de plus en plus louche au fil des heures. Monsieur A. avait aussi oublié de me parler des voitures béliers qui venaient défoncer la devanture du magasin avec une régularité remarquable, des fréquentes menaces de mort enver le personnel, ou encore du trafic de drogue qui s'installait entre les rayons à toute heure de la journée et à la vue de tous.
Ca, Monsieur A. s'était bien gardé de me le dire... Ma première journée de formation terminée, j'étais sûr de ne pas finir la semaine dans cet antre de l'enfer. Et j'y suis resté presque neuf ans... Certainement les plus belles années de ma vie. De plus, j'y ai rencontré ma femme, ex maintenant, mais la mère de ma fille chérie. Ca compte ça, tout de même ! Comme quoi, la vie réserve toujours des surprises. Ok c'est bien joli tout ça, mais Cyber Tracker 2 au fait ? J'y viens.
Commençant en tant que simple vendeur au sein de l'établissement, je me vois attribuer le titre de "responsable-magasin" (suite au départ de l'un de mes collègues) en décembre 1994. Deux années passent et en septembre 1996, mon patron lors de sa visite hebdomadaire, installe sur le présentoir des nouveautés, la vhs (pas de dvd à l'époque !) d'un film de science-fiction à la couverture pour le moins improbable. Son nom : Cyber Tracker 2. Donc à priori, il y avait déjà eu un premier opus, dont ni moi ni mes collègues ni aucun des clients n'avaient entendu parler.
Mais qu'est-ce que c'est que cette chose ? Une semaine passe et personne ne se décide à louer l'engin. N'étant pas très chaud moi-même pour faire le premier pas, je déléguais mon fidèle Mehdi pour tenter l'expérience. Mehdi était un jeune ado franco-marocain d'environ 14 ans qui squattait de longue date dans le magasin. Au fil du temps, je m'étais pris d'affection pour ce gamin fan de films d'horreur et de Jackie Chan, et celui-ci me le rendait bien. Toujours prêt à rendre service, il allait me chercher un café, un sandwich ou quelques bricoles à la supérette du coin.
En retour, je lui accordais un film gratuit, sachant que cela n'était pas autorisé, mais bon... D'ailleurs, la rumeur sur ma "générosité" s'était vite répandue et le jeune Mehdi ayant beaucoup de copains, de frères et de cousins, je me retrouvais assailli à partir de 18 heures d'une foule de pré-pubères, tous désireux de me rendre service afin d'obtenir un film gratos. Inutile de vous dire que déjà très chaud en semaine, le vidéo club rassemblait les samedis, plus à la foire du trône qu'à un véritable magasin.
Medhi essuya donc les plâtres et fut le premier à visionner Cyber Tracker 2. "Ah, ah ! Pourri ce film !" dit-il en me rendant la cassette en ajoutant qu'il n'avait visionné qu'une demi-heure du métrage tellement que ce navet était infâme. Peu de temps après, deux clients (bien plus âgés que Mehdi) légèrement kamikazes tentèrent l'expérience et me tinrent à peu près les mêmes propres que le jeune ado. Le temps passa et vint le moment où j'aurais dû relever le film du rayon des nouveautés.
C'est alors que me vint l'idée saugrenue de promouvoir le film au-delà de toute logique et par pur amusement. Ainsi, et malgré la désapprobation de mes collègues, je maintenais pendant plus de trois ans la cassette sur le présentoir "Nouveautés", en poussant les nouveaux clients à la louer, tout en vantant les mérites imaginaires d'une oeuvre avariée au possible et que je n'avais toujours pas vue. Evidemment, les clients victimes de cette manipulation me retournaient le film soit en m'insultant gentiment, soit en me réclamant le remboursement de la location. Ce que je ne manquais pas de faire.
Parmi les commentaires, j'ai eu droit à "navet intégral", "bouse intergalactique" ou encore "merde innommable". Je n'avais jamais vu un film faire autant l'unanimité contre lui ! Quel souvenir ce Cyber Tracker 2... Et surtout, quelle époque ! Car au-delà de cette petite histoire (tout à fait véridique), c'est à ce temps béni des vidéos clubs que je voulais faire référence à travers ce récit. En ce temps-là, les malheureux clients ne pouvaient pas consulter Internet pour se faire une opinion sur la qualité d'un film. Pas d'Internet ! Pas de vod ni de téléchargement non plus.
Pas de Netflix et seulement six chaînes de télévision, la Préhistoire quoi... Aujourd'hui, il n'existe plus beaucoup de vidéos clubs et les quelques derniers qui restent sont très certainement appelés à disparaître prochainement. Mais quelque fois, j'ai la nostalgie de cette effervescence du samedi soir où toute une population grouillait dans "mon" magasin. Où on pouvait voir se croiser des mères de famille, des retraités, des petits caïds et des gros voyous ; tous si différents mais réunis par la même passion du cinéma.
Bien sûr en neuf ans, j'ai eu quelques petits soucis : vitrine défoncée, descente de police, investigations de l'ALPA, vol d'une partie du stock, mais ça faisait partie du folklore ! Et puis mon bosse (qui flirtait allègrement avec les limites de la légalité) avait de très bonnes assurances. Au fait, notre Cyber Tracker 2, qu'est-il devenu ? Hé bien un jour, un client l'a loué et ne l'a jamais rapporté. Du coup, Monsieur A. encaissa son chèque de caution de 500 francs (75 euros).
Pour un navet intersidéral, c'était quand même très cher payé ! Quant à moi, je fus licencié économiquement en juin 2001 quand Monsieur A. commença à avoir de sérieux problèmes avec la justice et qu'il fut obligé de liquider une partie de son patrimoine commercial. Mais il me restera à jamais des souvenirs indélébiles de cette paranthèse enchantée dans ma vie et notamment ceux liés au fameux Cyber Tracker 2.
Note : ?