État de siège dans les coulisses d’un repaire néo-nazi.
À l’heure où l’extrémisme politique et religieux gangrène de plus en plus les mentalités, Green Room apparaît comme le reflet à peine grossissant de nos sociétés contemporaines. Pour autant, il ne sera jamais question d’endoctrinement, de prosélytisme durant cette confrontation musclée et sanglante. Jeremy Saulnier, déjà auteur de Blue Ruin, également présenté à La Quinzaine des Réalisateurs, dispose simplement ses pions sur l’échiquier du survival et s’amuse à les faire avancer et reculer. Le contexte importe finalement moins que l’éternel jeu du chat et la souris, toujours aussi galvanisant. Avant d’entrer véritablement dans le vif du sujet, que nous raconte Green Room ? Un groupe de punk rock se produit sur la scène d’un club miteux, tenu et occupé par une bande de skinheads peu commodes. Une fois le show terminé, le groupe plie bagages, pressé vers la sortie, quand l’un d’eux, Pat (Anton Yelchin), retourne dans la loge et découvre le cadavre d’une jeune femme. À partir de là, il s’y enfermera avec ses compagnons d’infortune, repoussant les attaques extérieures puis au corps-à-corps du propriétaire des lieux (Patrick Stewart, d’un flegme terrifiant) et de ses sbires, décidés à ne laisser aucun témoin.
Ce qui frappe d’emblée, c’est à quel point Saulnier désorganise chaque stratégie, privilégiant l’improvisation instinctive à la froide préméditation. Personne ne sait ce qu’il doit faire ou comment agir en de telles circonstances et la moindre prise de décision devient alors un quitte ou double. La peur de l’échec se fait alors sentir en permanence, aussi bien auprès des assiégés que des assaillants, et suffit à elle seule à maintenir l’équité dans la bataille. Les exemples sont nombreux. Quand un pitbull fond sur sa proie, il se retrouve terrassé par le larsen d’une enceinte. Un combat dans un bunker souterrain se gagne à force de coups manqués. Voilà d’où vient la première jubilation du spectateur, qui ne peut s’en remettre qu’à l’accident, ce dérapage imprévu susceptible de donner à tout moment l’avantage à l’un des deux camps. L’autre paramètre qui suscite notre enthousiasme est le glissement progressif du conflit à mains armées, violent, sans concessions, vers l’activité récréative. Tandis que la première heure impose une tension et un malaise palpables, le dernier tiers du film transforme la scène du crime, jusqu’ici seul et meilleur refuge, en terrain de jeu. L’encre d’un stylo sert désormais à se peinturer le visage tel un guerrier primitif, un extincteur recrée un brouillard artificiel pour désorienter l’ennemi. Cette régression presque infantile vient alors dédramatiser la situation, solutionnant le moindre accroc par une pirouette burlesque, au risque il est vrai de désamorcer le sentiment d’effroi et le suspense rigoureux entretenus depuis le début.
Si problème il y a, il faut plutôt pointer du doigt le manque de caractérisation et de psychologie des personnages. Le rythme soutenu ne permettant aucun développement suffisant, seule l’action prévaut, au détriment de l’empathie. Que les bad guys soient schématiques passe encore, quand bien même subsiste un léger regret concernant le chef charismatique, interprété par Stewart donc, trop en retrait au final. En revanche, c’est déjà nettement plus dommageable de voir les héros – les membres du groupe de punk rock – réduits à des archétypes aussi dépouillés. Autant dire que leur background est inexistant, sauf pour Pat peut-être, dont on devine brièvement le potentiel au détour d’une scène où il révèle une anecdote, les larmes aux yeux. La conclusion est hélas à l’avenant et n’aboutit à aucune résolution dramatique forte. De fait, il est facile de se sentir floué à l’arrivée, tant le film paraît inconséquent voire sans réelle substance. Heureusement que l’esprit ludique, l’ingénieuse gestion de l’espace et le point de départ relativement anxiogène font pencher la balance du bon côté.
Réalisé par Jeremy Saulnier, avec Anton Yelchin, Imogen Poots, Patrick Stewart…
Sortie le 27 Avril 2016.