Au coeur de l'océan

Par Platinoch @Platinoch

« Qui veut être capitaine doit renoncer à devenir leur ami »

Hiver 1820. Le baleinier Essex quitte la Nouvelle-Angleterre et met le cap sur le Pacifique. Il est alors attaqué par une baleine gigantesque qui provoque le naufrage de l'embarcation. À bord, le capitaine George Pollard, inexpérimenté, et son second plus aguerri, Owen Chase, tentent de maîtriser la situation. Mais face aux éléments déchaînés et à la faim, les hommes se laissent gagner par la panique et le désespoir…

« Cet équipage est ta famille désormais. Pour le meilleur et pour le pire. Et surtout pour le pire. »

Enfant de comédiens, Ron Howard fréquente dès son plus jeune âge les plateaux de cinéma où travaillent ses parents. Au point de passer très vite devant la caméra et de devenir rapidement un enfant star. Au cours des années 60, il apparait notamment dans des films d’Anatole Litvak (« Le voyage ») et Vincente Minnelli (« Il faut marier papa »). Mais ce sont les années 70 qui font véritablement de lui une vedette : il donne la réplique à John Wayne dans son dernier film testamentaire (« Le dernier des géants ») et incarne un idéal de la jeunesse américaine sur le petit écran (grâce à la série « Happy days » dont il est l’un des héros) comme sur le grand (« American graffiti » de George Lucas). Pour autant, dès la fin des années 70, alors qu’il n’a même pas trente ans, il décide d’abandonner sa carrière d’acteur pour se consacrer à la réalisation. Bien entouré par une jeune génération montante de comédiens (Tom Hanks, Michael Keaton), il obtient ses premiers gros succès populaires dès le milieu des années 80 dans des registres aussi variés que la comédie (« Splash »), la science-fiction (« Cocoon ») ou encore l’heroïc fantasy (« Willow »). Dès lors, il s’imposera comme l’un des principaux animateurs de l’Entertainment hollywoodien, aux côtés de Steven Spielberg ou de Robert Zemeckis, enchainant les succès dans tous les genres : « Backdraft », « Apollo 13 », « Horizons lointains », « La rançon », ou encore « Un homme d’exception » qui lui vaut l’Oscar du meilleur réalisateur en 2002. Toujours aussi prolifique et aussi bon faiseur, il perd cependant un peu de son aura au cours des années 2000. Si le succès est encore au rendez-vous, l’inspiration semble l’avoir un peu abandonné et ses films demeurent sujets à des critiques parfois violentes (le diptyque « Da Vinci Code » et « Anges et Démons », le bide retentissant « Le dilemme » ou encore l’insipide « Rush »). Son nouveau film, « Au cœur de l’océan », est l’adaptation du roman « La Véritable Histoire de Moby Dick : le naufrage de l’Essex qui inspira Herman Melville » de Nathaniel Philbrick, publié en 2000. Un roman qui retrace la véritable histoire du naufrage du baleinier Essex, coulé par un cachalot en 1820, et du calvaire vécu pendant près de cinq mois par ses survivants. Une histoire qui inspira le romancier Herman Melville pour l’écriture de son roman « Moby Dick » en 1851.

« C’est un privilège de savoir l’heure de sa mort à l’avance et de pouvoir s’y préparer. Et une malédiction d’être si loin de chez soi sans pouvoir faire ses adieux aux siens ni pouvoir régler ses comptes. »

« Moby Dick » est sans conteste l’un des plus grands monuments de la littérature américaine. L’un des plus fascinants également. Le tyrannique mais courageux Capitaine Achab, lancé avec son baleinier dans une traque obsessionnelle et vengeresse de la baleine blanche qui lui a arraché la jambe. Une tragédie à la dimension symbolique quasi-mystique : un affrontement entre le Bien et le Mal, entre l’Homme et la Bête des profondeurs. Avec à la fin une morale fondamentale : le péché d’orgueil conduit l’homme à la folie et à sa propre perte. Un esprit romanesque et romantique qui a déjà inspiré le cinéma : on se souvient du grand « Moby Dick » de John Huston avec Gregory Peck. Mais aussi du formellement très beau « Capitaine Achab » de Philippe Ramos (2007) avec Denis Lavant. Cette fois, c’est au tour de Ron Howard de se frotter au mythe. Ou plus exactement au fait divers ayant inspiré le mythe. Exit donc l’aspect romantique du livre et la croisade personnelle d’un capitaine rongé par la vengeance jusqu’à la folie. « Au cœur de l’océan » s’ancre pour sa part dans la réalité de la première moitié du 19ème siècle : celle des baleiniers et de l’exploitation industrielle de l’huile de baleine. A bord du baleinier Essex, c’est bel et bien à un grand film d’aventures que nous convie Ron Howard : affrontements virils entre un capitaine novice issu d’une lignée de navigateurs et son second plus expérimenté mais mal né et scènes époustouflantes de tempêtes en mer et de chasse au harpon assurent un (grand) spectacle de qualité. Mais c’est dans sa seconde partie, quand le cinéaste filme l’expérience humaine des naufragés devant assurer leur survie au prix d’un calvaire exténuant (18 semaines à la dérive, sans eau ni nourriture) et inhumain (ils se livrent au cannibalisme), que le film trouve son ampleur et sa puissance. Doté d’effets spéciaux efficaces et soignés et d’une très belle reconstitution (l’Essex, la Nantucket du 19ème siècle), et porté pas des interprètes plutôt convaincants, « Au cœur de l’océan » se révèle être un film d’aventures à l’ancienne de très bonne facture. Une très bonne surprise.

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Le blu-ray : Le film est proposé en version originale américaine et en version française. Des sous-titres optionnels français sont également proposés. Côté bonus, l’édition blu-ray se montre riche : un module documentaire « Ron Howard : le journal du capitaine : suivez le voyage de tournage du réalisateur via des photos de production exclusives et son compte Twitter », un entretien avec les comédiens Chris Hemsworth et Benjamin Walker, un module documentaire « les véritables histoires de courage et d’obsession qui ont inspiré l’œuvre classique Moby Dick » ainsi que des scènes coupées sont proposées.

Edité par Warner, « Au coeur de l’océan » est disponible en dvd et en blu-ray depuis le 20 avril 2016.